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Le Couple, cette micro-communauté excluante

Monogamie
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Siestacorta

le vendredi 01 novembre 2019 à 12h50

Je crains de réinventer l'eau chaude...
Mais je viens de relier deux idées que je connais pourtant depuis longtemps.

Une relation peut être vécue et décrite comme une communauté. Elle se définit, au moins avec le temps, par ce qu'on fait l'un avec l'autre, l'un pour l'autre : construction et solidarité. Nous pouvons vivre notre relation comme partie de notre identité, puisque dans le temps, elle fait partie de notre histoire. Dès qu'il y a cohabitation, on peut parler de communauté de biens matériels, mais cela n'est pas indispensable pour se sentir "ensemble".

Une communauté se définit aussi par le eux/nous. On s'identifie à la communauté, on cultive ce qui en fait sa particularité en vivant quelque chose de "spécial" en son sein. Se sentir spécial par la relation spéciale. Et comme les sentiments, on se rend compte (et accepte mal) que tout le monde peut les avoir, on met l'accent sur des différences entre ce qui se vit en couple et ce qui se vivrait (ou ne devrait pas se vivre sinon c'est fi-ni) avec les autres. Ces différences pourront être vécues comme identitaires : on partage tel humour, telle sexualité, tel choix de région préférée, telle compréhension intime (et parfois tellement secrète qu'on met pas de mots dessus, comme ça on peut se dire que c'est super-spécial-magique sans avoir trop à regarder de près), tel passé.

Et c'est en ne partageant pas ça aussi totalement avec d'autres qu'on peut affirmer l'existence de notre relation. L'exclusivité : ce dont les autres sont exclus. Ce qui valorise notre identité c'est ce à quoi les autres n'ont pas (droit d') accès. Donc dans la norme amoureuse romantique, c'est à dire le couple, l'exclusivité est pour une bonne part cette frontière bien fermée entre "eux" et nous.

Les communautés (nationales, religieuses, politiques, économiques, et donc amoureuses) se définissent en partie contre "eux", contre les Autres. Des adversaires, des pas-comme-nous, des agents de changement qui menacent la rassurante stabilité de notre mode de vie commun.
Il est par ailleurs plus facile d'unir des gens contre un ennemi commun que par d'autres liens ; l'Autre désigné comme menace, c'est le dénominateur commun le plus petit et le plus évident possible. On passe une alliance pour ne pas perdre un rapport de force entre un monde hostile et nous. Notre quartier, notre ville, notre pays, notre amour contre le reste du monde. Tintintsin.

C'est ce phénomène d'une recherche de stabilité par la conservation et survalorisation des identités (la notre, les leurs) qui fait qu'une communauté devient souvent plus ou moins excluante et/ou discriminante envers ceux qui lui sont étrangers.
Cela explique, pour une bonne part, la xénophobie.
On a peur que l'Autre, avec ses prétentions à partager nos biens communs, perturbe notre ordre, notre stabilité.
Ainsi je crois que si on considère Le Couple comme une micro-communauté, on peut voir aussi l'exclusivité comme une micro-forme de xénophobie - dans le sens peur d'un étranger à notre communauté.
Plutôt de la peur de l'Autre que de la haine, mais on peut passer assez vite de l'une à l'autre : notez les noms d'oiseaux réservés aux amants et aux maitresses... En pratique plutôt moins coupables que le compagnon infidèle, mais tellement plus faciles à stigmatiser, à charger d'intentions prédatrices et de défauts moraux (et parfois physiques, tant qu'à faire on se défoule).
C'est pas tellement parce que l'autre est différent qu'on l'aime pas ; c'est plutôt que moins on s'autorise à l'aimer (ou le laisser aimer), plus on va vouloir que la différence compte pour quelque chose.
Car il (elle) met le "nous" en danger - parfois juste en se promenant trop souvent dans notre territoire !

Bien sûr qu'il y a d'autres phénomènes pour expliquer la jalousie. Mais si on dépasse le "Moi-Je avec mes émotions j'ai inventé l'amour dans mon coin et moi et mes sentiments sommes tailheument uniques", et qu'on considère l'amour romantique comme un genre de religion pratiquée à échelle réduite avec des totems ("notre" chanson, ton premier texto que je conserve) et des passages et dialogues obligés comme rites*, on comprend mieux pourquoi les gens construisent leurs relations en mettant tellement d'importance dans le fait d'en exclure plus ou moins fortement les autres ; sacralisant des gestes de communauté-couple et les frappant d'interdit lorsqu'ils pourraient être faits en dehors.
La relation exclusive mono n'est pas la seule à se construire ainsi, c'est aussi des non-exclusivités bienveillamment mais strictement limitées dont on parle ici.
La jalousie n'est pas seulement possessivité sur le corps ou les sentiments, ni réaction toute personnelle. Elle est aussi l'expression visible et construite d'une identité excluante : "nous-deux".
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* : c'est pas moi qu'invente cette grille de lecture, elle est proposée par des sociologues travaillant sur l'amour et le mariage : Randall Collins ainsi que Elizabeth et Ulrich Beck, tels que cités dans la BD Les sentiments du Prince Charles

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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Alinea7

le samedi 02 novembre 2019 à 09h13

OK ce qui suit est ma perception. Je le dis tout de suite pour pas le répéter à chaque phrase, ça simplifie pas mal la formulation...

A partir de son vécu chacun se construit un modèle du monde. Il faut bien faire du sens avec tout ça pour trouver un équilibre et avancer.
Ensuite, plus certaines valeurs/croyances mettent en danger le modèle, plus la personne va être déstabilisée. Notre modèle EST notre identité. Il évolue en fonction de notre vécu et il est plus ou moins flexible en fonction de ce qui a été ressenti au moment de la mise en place de chaque valeur/croyance.
Certaines croyances nous permettent de tenir debout, tout simplement. D'autres nous sont transmises par l'éducation.

Après, le phénomène de groupe se rajoute par dessus. Chaque arbre cherchant sa forêt, on se retrouve en groupe autour de croyances communes. Et donc il y a ceux qui font partie du groupe, ceux qui pourraient, ceux qui ne pourraient pas mais qui sont neutres vis à vis des croyances fondatrices, et ceux qui mettent en danger l'équilibre avec des croyances adverses. Et ça, quelque soit le groupe, on le retrouve.

L'exemple le plus flagrant pour moi c'est l'intolérance. Je vois beaucoup d'intolérance chez les gens qui ont comme valeur la tolérance. De la haine même. Envers les gens dont ils peuvent dire qu'ils sont intolérants. Tout cet effort de tolérance pour retomber dans le même travers d'imposer sa vision du monde.

Et dans ce sens là je trouve que tu vas trop loin en caractérisant le couple exclusif comme étant xénophobe par définition.
Pour moi (et je fais le raccourci de ne pas expliquer pourquoi mais je peux), on peut considérer l'exclusivité comme une religion. Et la non exclusivité aussi.
Chaque couple se trouve donc être une micro-communauté qui pratique une religion avec plus ou moins d'intégrisme selon ses membres : c'est pas parce qu'on pratique une religion qu'on est intolérant des autres religions. Et pour autant, c'est pas pour ça qu'on est d'accord pour changer de religion. Ce qui serait causé par l'ouverture du couple.

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Anonymous (invité)

le samedi 02 novembre 2019 à 10h06

Mouai bof j’avoue ne pas être convaincue pour le coup.
Déjà la notion de communauté (Avis purement subjectif hein) c’est la plus grosse connerie que l’homme est inventé.
Une communauté c’est une faiblesses dans le sens où sa n’appelle pas à l’union de tous, on se met ensemble parce que l’on se ressemble et on a peur de l’autre, mais quel faiblesse dans l’ouverture d’esprit.
Hé hélas elles sont bien trop présentes religion, sexualité, politique etc.
Personnellement celle qui me dégoûte le plus sont les classes sociales, on peut dire se qu’on veut les riches sont majoritairement entre riches les pauvres pareils etc.
Ramener sa au couple c’est d’une tristesse à mes yeux.
Je donne un exemple ma sœur ,blanche qui ne crois pas en dieux, marié depuis 9 ans à un sénégalais musulmans ( pas très pratiquants je l’avoue juste il fait le ramadan et ne mange pas de porc mais qui se gêne pas pour boire une petite mousse avec son beau frère ^^).
Donc j’avoue que lire que le couple met en place une forme de xénophobie sa me gêne particulièrement.
De plus cela s’applique aux mono et aux polys j’imagine que de nombreux polys ont certes plusieurs relations mais avec des gens qui seraient plus ou moins proche de leur «  communauté ».
Pour le coup je trouve que les auteurs de ce dont tu parles manque cruellement d’ouverture d’esprit avec une tendance à diaboliser la notion de couple. Je n’approuve pas la encore avis purement subjectif.

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Siestacorta

le samedi 02 novembre 2019 à 13h55

alinea7

Certaines croyances nous permettent de tenir debout, tout simplement.

En fait, je suis d'accord avec ça.
Je crois ( :-) ) que faire sans croyance (ou sans Foi si on le prend dans un sens très large, où ça marcherait par exemple pour une société meilleure) est extrêmement difficile.
Mais je pense que la plupart des gens n'ont pas le recul de se dire "j'ai une croyance", en admettant qu'elle est à la fois puissante et seulement une croyance.

Par ailleurs, je crois aussi que les communautés, ça aide. Elles sont supports de solidarité.
En rappelant l'aspect négatif de la communauté, je retire pas ce positif à la relation amoureuse ni au couple

En revanche, je pense vraiment qu'en vivant la croyance d'une communauté couple (ou celle qu'on identifie pas comme telle), on peut se louper - et on se loupe très souvent - quand il s'agit de faire avec l'Autre.
Je fais peut-être un raccourci pour dire exclusivité-xénophobie.

Mais pour le raisonnement que je propose, c'est directement par ces croyances et pratiques de communauté qu'on peut expliquer pourquoi l'Autre n'est pas bienvenu, en tout cas pas aimable d'amour dans ce cadre. Pas parce qu'il a un défaut particulier, mais simplement parce qu'il est Autre, pas inclus ni accueillable (j'fais ce que j'peux, je prend autre chose si on me trouve du vocabulaire :-) ).
Le Couple, c'est "nous-deux" sans les autres, et ça devient facilement contre les autres, quand le "sans" est remis en cause...
La plupart de ceux qui ont vécu des histoires où se rencontrent le Couple et au moins un tiers-aimé savent que sans non-exclusivité acquise, être ensemble "à deux" sera en conflit à "être ensemble nous et laisser d'autres ensembles exister pour une part de nous". Car on croit que l'autre ensemble se mettra entre nous. Donc déjà, on est contre.
Dit autrement : plus un ensemble est exclusif, moins il accepte d'intersections...

Socialement, c'est excluant et à terme probablement xénophobe, parce qu'il y a un (des) caractère(s) d'amour censé(s) être refusé(s) à tous ce qui est extérieur à la communauté.
Il faut un "plus" à notre Couple, ce plus est la croyance d'être Couple elle-ême : le "plus" d'amour par rapport aux autres n'existe que par la croyance d'un plus d'amour excluant les autres.
Ils ne peuvent avoir accès qu'à moins.
Parce qu'ils sont les autres.

Le mot xénophobie reste fort, peut-être trop.
Mais au fond c'est plus ou moins le même phénomène de peur de l'étranger vécu dans d'autres communautés, appliqué à des sentiments d'amour. Il n'est pas "nous-deux", c'est déjà un problème. On va bien lui en trouver d'autres après... Et ça oui, c'est observable, et finalement phobique : on trouvera des raisons de rejet après avoir construit notre capacité à rejeter.
L'étranger est l'étranger, et en plus il est différent, et en plus il nous veut du mal... c'est le fait qu'il soit étranger à "nous" qui nous a fait commencer cette justification. Or l'expérience prouve plutôt qu'il n'y a pas que le rejet possible, et qu'il arrive au contraire qu'on construise. Mais la croyance peut, par principe, rejeter des possibilités positives parce que la peur des négatives est plus forte que la curiosité.

Je suggère pas qu'on devrait faire sans croyance, mais de remettre un peu plus souvent celle-ci en particulier en question, en constatant que sa (ses) rigidité(s) de fond la rend(ent) mal adaptée à un monde et des individus qui ne se figent pas, nous rencontrent, nous aiment et nous font de l'effet.
Je pense vraiment que les croyances en la non-exclusivité sont, dans plus d'occasions que la norme ne le dit, intéressantes au moment où celle pour le Couple participe à intégrer le rejet systématique de l'Autre pour l'amour, et donc s'ajoute à d'autres façon de normaliser le rejet.

(précision : je pense pas que tous les autres sont bons parce qu'ils sont autres. Yen a pas que des biens... Je pense juste qu'ils sont là et qu'une variété de façons de faire avec mérite d'être considérée... Ce qui amène à remettre en question une société où on ne nous en a proposé qu'une seule de souhaitable, au point que la peur arrive seule dès qu'on nous en propose d'autres)

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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Lili-Lutine

le samedi 02 novembre 2019 à 14h20

Je suis une amoureuse inconditionnelle de tes pensées et de tes mots @Siestacorta :-D

Le site bug, où mon ordi ? ... je voulais reprendre des bouts de tes mots pour les citer précisément, ceux qui me sont importants, mais ça me dit à chaque fois en retour "Votre message a été identifié comme spam." et donc il m'est impossible de publier mon texte en entier :-(
Que faire ?

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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Siestacorta

le samedi 02 novembre 2019 à 14h33

Peux pas te dire... Ça te le fait que sur mon texte aujourd'hui ? (c'est un complot ! On veut me faire taire !)

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Lili-Lutine

le samedi 02 novembre 2019 à 15h14

Siestacorta
(c'est un complot ! On veut me faire taire !)

:-D :-D :-D :-D :-D :-D

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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Caoline

le samedi 02 novembre 2019 à 15h23

Lili-Lutine

Le site bug, où mon ordi ? ... je voulais reprendre des bouts de tes mots pour les citer précisément, ceux qui me sont importants, mais ça me dit à chaque fois en retour "Votre message a été identifié comme spam." et donc il m'est impossible de publier mon texte en entier :-(
Que faire ?

Il me semble que c'est quand il y a un très grand nombre de citations ou liens externes. Tu peux faire un message pour chaque partie à laquelle tu souhaites régir.

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artichaut

le samedi 02 novembre 2019 à 16h27

Alors zut j'ai pas le temps là de vraiment creuser pour réagir, mais il me semble y avoir des trucs pas clairs et quelques amalgames.

En tout cas, déjà, je vois de la confusion dans la délimitation du problème.


Voici tout de même des exemples de ce qui me pose problème :

Siestacorta
Une relation peut être vécue et décrite comme une communauté. Elle se définit, au moins avec le temps, par ce qu'on fait l'un avec l'autre, l'un pour l'autre : construction et solidarité. Nous pouvons vivre notre relation comme partie de notre identité, puisque dans le temps, elle fait partie de notre histoire. Dès qu'il y a cohabitation, on peut parler de communauté de biens matériels, mais cela n'est pas indispensable pour se sentir "ensemble".

- déjà conjugalité me semble plus proche de ce que tu cherche à dire que cohabitation
- ensuite si tu veux parler de conjugalité, pourquoi au début du paragraphe tu parles de "relation" (et non pas directement de "couple" ou de "relation avec conjugalité")

Parce que là, ça frôle le sophisme le trouve.

Siestacorta
dans la norme amoureuse romantique, c'est à dire le couple

Ouh la !

Déjà "amoureuse romantique" je trouve que ça fait pléonasme. Mais ça j'en ai déjà causé . Et pourquoi pas, tant qu'on s'entend sur les mots. C'est bien de ça dont tu veux parler ?

Ensuite le couple (ou le couple avec conjugalité… / de quoi veux-tu parler exactement ? on s'y perd un peu) n'est qu'une donnée parmi d'autres de cette "norme amoureuse romantique". Du coup ce c'est à dire me fait bugger. Et pareil me renvoie à du sophisme.

Siestacorta
Les communautés (nationales, religieuses, politiques, économiques, et donc amoureuses)

N'est-on pas en train de mélanger "tout et n'importe quoi là" ? C'est quoi une communauté pour toi ? Je ne comprends pas.

Faut-il qu'il y ai conjugalité (ou cohabitation) ou pas ?
Fais-tu la différence entre une communauté à laquelle on choisit d'adhérer et une autre à laquelle on appartient de fait ?
Etc.

Siestacorta
C'est ce phénomène d'une recherche de stabilité par la conservation et survalorisation des identités (la notre, les leurs) qui fait qu'une communauté devient souvent plus ou moins excluante et/ou discriminante envers ceux qui lui sont étrangers.
Cela explique, pour une bonne part, la xénophobie

L'argumentaire me semble un peu léger.
Mais ok, tu nuance dans tes posts ultérieurs.

Ce qui fait qu'on relationne ensemble etc, est aussi pour beaucoup lié a des choix positifs, des choses que l'on partage à deux, indépendamment de ce que vit ou pas le reste du monde. Non ?
Sinon c'est un peu triste comme façon de voir le monde.

Inversement, le maintien de privilèges n'est-il pas +important que la "recherche de stabilité par la conservation et survalorisation des identités" ?

Siestacorta
on peut voir aussi l'exclusivité comme une micro-forme de xénophobie

Là encore —au delà de l'emploi gênant du mot "xénophobie" (les couples mono étrangers et racisés vivant en France seraient xénophobes envers les français blancs poly ??)— de quoi parles tu ?
De triade ? de Metamour ?
Si je suis exclusif, je suis excluant (plutôt que xénophobe) envers qui ? Des gens qui voudraient être en couple avec moi ? Des gens qui voudraient être en couple avec mon/ma partenaire ?
Doit-on se forcer à relationner ? Et si oui dans quel cas, dans qu'elles circonstances ? Et selon quels critères ?


Bon désolé de n'être ici que critique, la discussion m'intéresse dans ce qu'elle amène comme éclairage sur la notion de couple, mais :
- d'une part je manque de temps là, pour approfondir (ça ce n'est que mon problème à moi)
- d'autre part la somme de ces approximations m'embrouille le cerveau et j'ai du mal à réfléchir (ça, ça ne me semble pas venir que de moi)

Je sais pas si tu vois (vous voyez) un peu ce qui m'ennuie.

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Siestacorta

le samedi 02 novembre 2019 à 17h22

Merci pour le feedback, déjà.
J'ai pas le temps de répondre non plus très précisément de suite, juste de bien accueillir, enfin, de mon mieux.

Je vois ce qui t'ennuie.
Oui, je suis approximatif. J'avais plus l'intuition d'une façon de voir qu'une vraie étude méthodique à proposer. Et je crois qu'en malaxant des intuitions, du moment qu'on est prudent à ne pas en faire des certitudes trop rigides, on peut arriver à des morceaux de connaissance plus solides, que des approches plus structurées n'avaient pas permis de voir.

Et c'est vrai que je mélange quelques notions. Je les définis pas ou peu... mais c'est pour évoquer les points où elles se recoupent. Quand c'est pas le cas, on peut débattre, affiner, trier, et faire ressortir autre chose sans annuler complètement l'intuition de départ.

Bref, cette grille de lecture ne prétend pas tout dire du couple ou des exclusivités, mais d'en éclairer un aspect qui permet de comprendre mieux le mouvement exclusivité/exclusion.

Il y a des moments où c'est probablement très bien que ce mouvement ait lieu. Perso j'ai pas envie d'inclure toute la planète dans l'Hamour Univhairsail, d'avoir à ressentir n'importe quel ensemble ni des milliers d'ensembles qu'une partenaire voudra intersectionner avec le notre.
Mais disons que j'aimerais montrer / avoir éclairé que souvent, ne pas permettre à l'Autre de rentrer ou de le limiter durablement, c'est déjà par principe en avoir peur et le rejeter.
Pas nécessairement à tort - c'est un des points où le mot xénophobie, s'il est seulement pris comme jugement moral et pas assez comme observation, pourrait sembler trop fort - mais je crois que c'est là.

Bref, je reviendrai là-dessus plus tard, encore merci si ça intéresse.

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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Loou

le samedi 02 novembre 2019 à 22h13

Eh bien, cette réflexion me parle beaucoup ! Et je dirais même que pour moi c'est ce que me questionner sur les relations m'a le plus apporté, beaucoup plus que la possibilité d'avoir plusieurs partenaires. (Et c'est d'ailleurs pourquoi je n'aime pas le mot 'polyamour' - coucou @artichaut ;) - parce qu'on se focalise là-dessus, sur cette idée de multiplicité alors que pour moi elle est pas centrale.) Si on ne se questionne pas sur ces histoires de frontières de manière plus globale on ne se rend pas compte que la monogamie structure non seulement les relations amoureuses mais toutes les relations : comment on doit se comporter avec les ami.e.s, avec les inconnu.e.s, ce qui est possible de faire ou pas, quelles sont les limites dans chaque relation. Exemple : là très récemment, lors d'un coup dur, j'ai fait appel à un ex qui n'a jamais été trop regardant sur ces histoires de frontières et donc m'a aidé. Bah, sa copine est venue me rappeler à l'ordre (ils sont mono), comme quoi je ne devrais pas demander sa solidarité à lui parce que c'est "son mec" à elle.

Et sinon, y a Brigitte Vasallo qui fait des réflexions qui vont dans ce même sens, Siestacorta. J'essaye de traduire quelques extraits (tiré d'ici https://www.pikaramagazine.com/2016/02/abrir-amore... :

"Les couples sont construits de manière identitaire, avec des frontières fermées et hermétiques. On est un couple, on est pas en couple. [...] La peur de la perte ne se résout pas en fermant les frontières pour éviter l'arrivée de cette altérité menaçante, parce que les frontières sont juste des coupe-feu qui ne tiennent jamais longtemps. La peur de la perte se résout quand on éteint le feu. En désactivant la menace. En désactivant l'idée de l'altérité comme menace.

Alors on parle d'amour ou d'état là?

On parle de la vie, de la manière comme on se positionne dans la vie, de la manière comme la pensée monogame, basée dans l'exclusivité et l'exclusion, nous travers entièrement, du privé au collectif, au commun.

La possibilité de nous relationner à partir de dynamiques non-monogames génère la panique de l'altérité. Cette "autre" qui vient nous voler notre tranquillité, notre bien-être, notre quotidien, notre confort, notre sécurité. Qui vient nous concurrencer et nous enlever la centralité. Qui nous met en danger. [...]

Cette autre qui vient nous détruire la vie sont aussi les réfugiées et les migrantes."

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HeavenlyCreature

le samedi 02 novembre 2019 à 22h55

J'ai trouvé très pertinante cette comparaison, et je trouve que le dernier commentaire apporte un bon complètement de réflexion (+)

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Lenah

le dimanche 03 novembre 2019 à 00h53

Bonsoir. Si on suit ton raisonnement jusqu'au bout, Siestacorta, pas besoin d'être en couple : dès qu'on refuse l'amour de quelqu'un et qu'on souhaite rester célibataire, on est xénophobe . Mais il y a une erreur dans ton développement : refuser de coucher avec quelqu'un ( ou d'avoir une relation amoureuse) n'est pas le rejeter. Aimer d'autres personnes, ce que font plein de couples monogames, ne se réduit pas à avoir une relation amoureuse avec d'autres personnes. Car ça,c'est l'objet d'un choix. De même que les polyamoureux ont leurs propres limites .

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Siestacorta

le dimanche 03 novembre 2019 à 01h12

Bonsoir,

Lenah
Bonsoir. Si on suit ton raisonnement jusqu'au bout, Siestacorta, pas besoin d'être en couple : dès qu'on refuse l'amour de quelqu'un et qu'on souhaite rester célibataire, on est xénophobe .

je n'ai toujours pas la capacité là de pousser très loin, mais cette remarque résonne pour moi de la même façon qu'une des réactions d' @artichaut , que je n'ai pas comprise non plus, quand il dit :

artichaut
Si je suis exclusif, je suis excluant (plutôt que xénophobe) envers qui ? Des gens qui voudraient être en couple avec moi ? Des gens qui voudraient être en couple avec mon/ma partenaire ?
Doit-on se forcer à relationner ? Et si oui dans quel cas, dans qu'elles circonstances ? Et selon quels critères ?

Bien qu'on puisse être individuellement capable d'être dans le rejet, ce n'est pas par là que va mon raisonnement. J'emploie le terme "xénophobie" parce qu'il ne s'agit pas de rejet par un individu, mais d'un rejet au nom d'une communauté, ou/et par une communauté.
(bon, je suis pas toujours tout seul dans ma tête, d'accord, mais...)
L'autre n'est pas seulement un inconnu, mais un étranger (xénos) à la communauté. Pour moi, une relation amoureuse crée une micro-culture, et dans Le Couple cette micro-culture est excluante.

Le rejet des personnes parce qu'elles sont autres, différentes, quand on est un individu, c'est de l'hétérophobie. Je n'ai pas employé ce mot-là, parce que le terme a deux usages très différents, et que parce que même dans celui qui collerait mieux, le cadre social ne serait pas le même.

Mon idée n'est pas l'inclusivité forcée, ni la rencontre forcée, ni le refus de comprendre le rejet et les choix individuels.
C'est vraiment le moment où le rejet de l'autre, l'incapacité à penser des relations amoureuses avec lui est la conséquence d'une façon de penser une communauté, en l'occurence la micro-communauté Couple (et certaines communautés poly couploïdes :-) ).

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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Lenah

le dimanche 03 novembre 2019 à 08h01

Siestacorta
Bonsoir,

je n'ai toujours pas la capacité là de pousser très loin, mais cette remarque résonne pour moi de la même façon qu'une des réactions d' @artichaut , que je n'ai pas comprise non plus, quand il dit :


artichaut
Si je suis exclusif, je suis excluant (plutôt que xénophobe) envers qui ? Des gens qui voudraient être en couple avec moi ? Des gens qui voudraient être en couple avec mon/ma partenaire ?
Doit-on se forcer à relationner ? Et si oui dans quel cas, dans qu'elles circonstances ? Et selon quels critères ?


Bien qu'on puisse être individuellement capable d'être dans le rejet, ce n'est pas par là que va mon raisonnement. J'emploie le terme "xénophobie" parce qu'il ne s'agit pas de rejet par un individu, mais d'un rejet au nom d'une communauté, ou/et par une communauté.
(bon, je suis pas toujours tout seul dans ma tête, d'accord, mais...)
L'autre n'est pas seulement un inconnu, mais un étranger (xénos) à la communauté. Pour moi, une relation amoureuse crée une micro-culture, et dans Le Couple cette micro-culture est excluante.

Le rejet des personnes parce qu'elles sont autres, différentes, quand on est un individu, c'est de l'hétérophobie. Je n'ai pas employé ce mot-là, parce que le terme a deux usages très différents, et que parce que même dans celui qui collerait mieux, le cadre social ne serait pas le même.

Mon idée n'est pas l'inclusivité forcée, ni la rencontre forcée, ni le refus de comprendre le rejet et les choix individuels.
C'est vraiment le moment où le rejet de l'autre, l'incapacité à penser des relations amoureuses avec lui est la conséquence d'une façon de penser une communauté, en l'occurence la micro-communauté Couple (et certaines communautés poly couploïdes :-) ).




Message modifié par son auteur il y a 6 heures.

Certes, mais a ce compte-là, que dire d'une famille qui ne souhaiterait pas adopter une autre personne ?
Selon moi le point faible de ton raisonnement , c'est l'ambiguïté du mot rejet. Refuser de faire l'amour avec quelqu'un n'est pas le rejeter. Aimer peut signifier avoir une belle relation d'amour sans sexualité et cela , beaucoup de couples ne le refusent pas. On peut être accueillant et aimant mais avoir individuellement choisi de n'avoir de relation amoureuse qu'avec un partenaire à la fois sans pour autant rejeter l'altérité, par exemple en raison de l'investissement émotionnel que demandent déjà une relation avec nous-même et avec un.e autre . Tu utilises des thèses developpées dans le livre de Liv Strömquist mais dans son cas, il s'agit de déconstruire la culture romantique et l'investissement quasi religieux du sentiment amoureux. Ce n'est pas une attaque spécifique de la monogamie, mais une analyse de son fonctionnement patriarchal - elle a d'ailleurs une remarque cinglante à l'égard du polyamour aussi -.J'ai lu tous ses livres, je les adore !
Ceci dit, je vois en relisant la fin de ton message que tu as ciblê un comportement particulier. Mais je ne suis pas convaincue, même si ton analyse fait réfléchir, car je pense que les conditions d'un rejet sont rarement uniques. Xénophobe peut ressembler à
un jugement que tu portes sur des gens ou des couples dont tu estimes
ne pas faire partie - j'imagine que tu ne te considères pas comme xénophobe - en présumant de leurs intentions ou de l'intention de leur micro-société.

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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Siestacorta

le dimanche 03 novembre 2019 à 12h24

Je l'ai déjà un peu dit plus haut, mais je vais tenter de clarifier.
Je ne crois pas que tous les rejets soient mauvais.
Je ne crois pas que tous les choix préférentiels soient des rejets.
Je ne crois pas que parce que je souhaite mettre en lumière un mécanisme d'exclusion, je pousse à l'inclusion systématique et obligée.
Je ne le dis pas non plus, d'ailleurs. Menfin :-D !
Je veux bien admettre ceci-dit que je m'exprime pas parfaitement clairement et pourrais être plus précis. Mais en conclure que je fais un appel à une inclusivité forcée, ce serait une lecture un peu trop étendue, ou une réponse "homme de paille"/"faux dilemme" à ma proposition.

Je dis que : lorsque la vie amoureuse fait que l'exclusivité est plus une norme qu'un choix, alors on peut parler d'une culture spécifique.
Et que : la violence récurrente des réactions lors de l'arrivée d'un tiers-aimé ou même l'évocation de sa possibilité montrent une culture de l'exclusivité qui engendre du rejet dans les communautés concernées (pas systématiquement mais relativement spontanément).
"On dit d'un fleuve emportant tout qu'il est violent mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l'enserrent."

Bref, pour répondre à quelque chose que tu dis ensuite, je ne dis pas que les personnes d'une communauté sont individuellement xénophobes par nature si elles me rejettent. Je dis que dans le cas où une rencontre se fait, ouvre des possibilités, un rejet peut s'appuyer sur un fonctionnement, une identité communautaire, xénophobe et même y prendre sa source principale (peut).
Et bon, je vais pas chercher à m'imposer à des gens qui sont heureux sans moi sous un prétexte éthique. Je remet pas en cause leur bonheur non plus sous prétexte qu'on m'en donne pas un peu. Pfffffff ! :-)
Je dis en revanche que si c'est leur forme de relation qui décide de ça et pas les volontés et désirs conjugués, alors cette forme de relation est excluante. Je n'en suis pas systématiquement malheureux, et je n'affirme pas que toutes le rencontres seraient bonnes (encore moins toutes les rencontres avec moi, depuis l'incident de la crucifixion, je fais profil bas), seulement que l'impossibilité incontestable (surtout de l'intérieur du couple) de cette rencontre, quand elle est affirmée au nom du Couple et pour maintenir son existence, est un mécanisme fondamentalement excluant.

Une famille qui choisit de ne pas ou plus adopter serait-elle dans le rejet ?
- non, dans le sens où ce ne sont pas les adoptables qui vont vers la famille. L'initiative d'adoption vient du côté de la communauté, et va à la rencontre d'un individu. Ces rencontres sont possibles, mais on trouve pas à tous les paliers des gens qui les cherchent, les trouvent par hasard, se les proposent... A la différence de migrations ou de rencontres amoureuses qui ne peuvent qu'arriver.
- ceci dit, le mariage est une forme d'adoption mutuelle, pour des familles. Et un époux qu'une famille n'a jamais voulu intégrer, qui reste toujours "pièce rapportée", un peu incluse mais pas intégrée, ça se trouve, facile. Donc même quand il y a un protocole, le rejet communautaire familial peut exister. On peut en faire du cas par cas ou voir ce qui, dans la construction d'une communauté, rend l'exclusion possible.

Lenah
On peut être accueillant et aimant mais avoir individuellement choisi de n'avoir de relation amoureuse qu'avec un partenaire à la fois sans pour autant rejeter l'altérité,

Oui, à titre individuel.
Mais lorsque qu'il s'agit du choix commun, dans une société où c'est la norme, je dis qu'il n'est pas que la somme de deux choix individuels, mais aussi un choix communautaire.
Et qu'il montre son pouvoir d'exclusion lors des conflits mono-poly.
Parce que ce qui rend inenvisageable ou impensable la situation, c'est pas qu'il y a un mono qui n'aime qu'une personne et un poly qui en aime plus. Il suffirait que chacun vive sa vie amoureuse sans décider de celle de l'autre. Ce qui ferme la question que se posent tant de personnes en situation mono-poly, c'est quand au nom du "nous", on doit dire pour les deux, avec donc l'existence de la micro-communauté comme enjeu, que l'Autre a une place ou pas.

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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artichaut

le dimanche 03 novembre 2019 à 13h26

Je me suis dit qu'en fait ce dont tu parles ça ressemble plus au mariage.
Le mariage est dans les textes même une communauté (à deux d'abord, puis à+ avec la famille). Il a clairement des objectifs protectionniste. Et du reste pendant longtemps le mariage n'incluait pas l'aaamour, mais avait clairement des objectifs en terme de propriété et de communauté (à différent niveaux : la famille restreinte nucléaire, l'arbre généalogique famillial, la classe sociale… généralement bourgeoise, etc).

Et comme le mariage est en désuétude (mis à part dans les communautés LGBT+ avec le "mariage pour tous" ; mis à part également le Pacs, mais qui renoue avec les origines du mariage "par intérêt") peut-être en effet que c'est le couple (principalement le couple monogame) qui hérite de certaines de ces tendances protectionnistes.

On pourrait de même dire bien sûr aussi —avec le courant prônant les non-mogamies— que c'est la monogamie en elle même, et non le couple, qui fabrique cela.

On pourrait dire que c'est une certaine idéologie construite de l'amour, judéochrétienne et capitaliste (qu'on la nomme l'amour romantique… ou tout simplement "romantisme", l'amour conventionnel, l’amour-passion classique, l'amour bourgeois, l'amour "marque déposée", le grand AMOUR, etc) qui fabrique cela. Avec comme source historiques l'amour romantique (celui de l'époque romantique) et l'amour courtois.

Et tout cela est un peu vrai.

Ce qui m'intéresse dans ta proposition, c'est de nommer le couple, indépendamment donc de son caractère légalisé (mariage), idéalisé (l'amour passion) et même monogame (car il y a des couples poly, ou des trouple fonctionnant comme des couples etc).
Le couple serait une forme laïcisée, dépolitisée (au sens capitaliste), presque même en rupture avec l'état (plus besoin de se marier)… réunissant tout les attributs à la fois du mariage bourgeois et de l'amour passion, pour fabriquer un coktail égoïste, protectionniste, excluant, etc.

Ce coktail est éminemment libéral et individualiste au sens ou le couple a pour objet l'union, voire la fusion de deux (ou plus, en verion poly) personnes et qu'il élargit à deux (puis à la famille) l'injonction individualiste de ce monde, en le "magnifiant" et en en faisant un idéal à atteindre. Le mythe d'Aristophane, quoi.

Et cette critique du couple m'intéresse, en ce qu'elle déplace cette critique de l'amour qui perso m'a fait perdre beaucoup de temps en mettant tout dans le même sac, en faisant des amalgames et des approximations (d'où sans doute mes difficulté à lecture de ton fil, ne voulant pas me faire avoir une deuxième fois).

Aujourd'hui, je ne rejette plus le mot amour, et même je le revendique (d'où mon intérêt pour le mot poly-amour —coucou @Loou ).

Et par contre, je crains que cette critique du couple, et malgré toute la pertinence théorique que je lui accorde +que volontiers, puisse à son tour être utilisée, sciemment ou non, pour justifier des comportements que perso je considère comme égoïste, protectionniste (à un niveau +individuel), excluant, etc …et que j'avais tenté de circonscrire avec ma proposition de polybéral.

Ce serait certes parfaitement contradictoire d'utiliser un argumentaire théorique critiquant le protectionnisme et l'exclusion par le couple, pour faire exister le protectionnisme et l'exclusion par l'individu.
Et pourtant j'ai le sentiment que c'est ce qui arrive trop souvent.

Ce n'est donc, à mon sens, pas le couple en soi, qu'il convient de critiquer, mais bien les attitudes égoïste, protectionniste et excluante qui se donne le nom de couple.

Et de même, je me méfie d'une critique de la communauté (et son corrolaire raciste, la stigmatisation du communautaire) pour elle-même. Car on a besoin de faire exister de la communauté entre nous (on n'est pas pas êtres isolés et autonomes). La question serait plutôt qu'elle(s) communauté(s), dans quels buts et par quels moyens ?

Perso je n'adhère pas au terme "non-monogamie", car j'ai trop longtemps utilisé le terme "non-exclusivité" et que j'en ai soupé des termes négatif.
Pour l'instant le terme polyamour me convient, car il contient le mot amour (et que, là dans ma vie, j'ai envie de le réhabiliter) et j'aime le préfixe poly également (qui ouvre plutôt qu'il ne ferme).
Mais je ne vois que trop, combien il prête à confusion en laissant penser qu'il suffit d'avoir plusieurs relations pour être… mieux que les autres.

Alors j'ai envie et besoin de termes positifs qui décrivent et construisent ce vers quoi l'on veut aller. (Ce on étant vague, bien sûr, mais c'est pour pas dire juste "je")

Le mot compersion en est un. Il nous en faut d'autres.

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artichaut

le dimanche 03 novembre 2019 à 22h57

Siestacorta
Bonsoir,

Lenah
Bonsoir. Si on suit ton raisonnement jusqu'au bout, Siestacorta, pas besoin d'être en couple : dès qu'on refuse l'amour de quelqu'un et qu'on souhaite rester célibataire, on est xénophobe .


je n'ai toujours pas la capacité là de pousser très loin, mais cette remarque résonne pour moi de la même façon qu'une des réactions d' @artichaut , que je n'ai pas comprise non plus, quand il dit :

artichaut
Si je suis exclusif, je suis excluant (plutôt que xénophobe) envers qui ? Des gens qui voudraient être en couple avec moi ? Des gens qui voudraient être en couple avec mon/ma partenaire ?
Doit-on se forcer à relationner ? Et si oui dans quel cas, dans qu'elles circonstances ? Et selon quels critères ?

Ok, J'explique.
Alors oui, d'une part je voulais dire, comme @Lenah (si je comprends ben ce que tu veux dire Lenah) que stigmatiser quelqu'un·e d'excluant parce quil/elle ne veux pas être en couple ou relationner avec quelqu'un·e, c'est "un peu" exagéré.
Mais que je voulais suggérer aussi d'autre part que dans certaines circonstances (et seulement dans certaines circonstances à mon sens) en revanche ce peut être légitime de penser comme ça. Et puisque @Siestacorta tu emploie le mot de xénophobie, je pense typiquement à des situations où en tant que privilégié·e appartenant à une communauté invisible (car se donnant comme la norme), en l'occurrence la communauté des "français, blancs, avec papiers en règle et possédant de fait d'un minimum d'aisance financière, culturelle et sociétale" il me semble un devoir de s'obliger, oui, à relationner +loin que le bout de son nez, sinon on est de fait excluant·e.
Non pas bien sûr s'obliger à être en couple, ni encore moins s'obliger à ressentir des sentiments ou partager du sexe (ce serait absurde), mais se questionner et s'ouvrir à l'autre, différent de nous, et hors de nos (petits) milieux de privilégiés.
(Et je ne dis pas que j'y arrive en disant cela. Je dis qu'il serait normal de nous taxer d'exclusion et de xénophobie si l'on ne fait pas ce travail là.)
(Et que ça dépasse largement les problématiques de "couple")

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artichaut

le mardi 19 novembre 2019 à 17h06

…écoutant ce podcast j'ai entendu cette phrase qui m'a évoqué ton fil @Siestacorta.

Robert Macia (à 5'55)
Il nous est apparu (…) que le couple était une sorte d'addiction et que arrêter le couple (…) était quelque chose de très important pour la santé (…)
Qu'est-ce qui fait que les gens se mettent en couple ? (…) Pour ceux qui sont en couple, on constate que ça rompt souvent et pour ceux qui ne sont pas en couple on constate qu'ils sont souvent seuls. Donc le couple est un vrai problème de société qu'on est pas arrivé à le cerner autrement qu'en l'éclairant négativement, c'est à dire en le traitant comme une addiction.

La question du couple en tant qu'addiction est encore autre chose que celle d'une micro-communauté excluante, mais ça me semblait faire du lien, ou en tout cas proposer un autre axe pour critiquer le couple, en tant que tel.

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Siestacorta

le vendredi 20 décembre 2019 à 20h27

Sur le groupe Facebook, @Boucledoux a posté quelque chose de vachemon plus creusé que ce que je disais, mais qui va un peu dans le même sens

"La logique immanente à l'exclusivité qui se trouve ainsi posée prend la forme d'une domination qui procède par exclusions, comme dans les groupes hermétiquement refermés sur eux-même, et qui est au fond celle-là même de la grande industrie capitaliste. Rien n'est plus émouvant que l'anxiété des amoureux craignant de voir une nouvelle conquête attirer sur elle l'amour et la tendresse de l'autre - ces biens si précieux à posséder, justement parce qu'ils ne se laissent pas posséder - et ce en raison précisément de cette nouveauté qui est le produit même du privilège de l'ancienneté. Mais ce qu'il y a là d'émouvant, et dont la perte serait aussi celle de tout ce qui peut apporter chaleur et protection, conduit de proche en proche irrésistiblement aux lois sur l'immigration de l'Australie social-démocrate qui ferme la porte à tous les "gens de couleur", et même à l'extermination des minorités raciales par les nazis, en passant par l'aversion du grand frère pour celui qui est né après lui et par le mépris de l'étudiant membre d'une Corporation pour son bizuth : et du coup cette chaleur et cette protection finissent en une explosion nihiliste. Non seulement, comme l'avait bien vu Nietzsche, toutes les choses bonnes ont été autrefois des choses mauvaises ; mais les choses les plus délicates elles-mêmes, abandonnées à leur inertie propre, ont tendance à se réaliser sous la forme d'une brutalité inimaginable.

Il serait oiseux de vouloir trouver une issue à cette situation embrouillée. Toutefois, il est tout à fait possible de nommer l'élément fatal qui met en jeu toute cette dialectique. Il s'agit du caractère d'exclusivité attaché à ce qui est chronologiquement premier. La liaison initiale, dans sa pure et simple immédiateté, présuppose déjà une telle chronologie abstraite. Historiquement, le concept de temps est au reste lui-même fondé sur la base des rapports de propriété. Or la volonté de posséder reflète le temps comme angoisse, comme peur du dessaisissement et d'une perte irréparable. On fait l'expérience de ce qui est par rapport à la possibilité de son non-être. C'est ainsi qu'on vient à en faire vraiment quelque chose que l'on possède et même, dans une telle attitude de crispation, quelque chose de fonctionnel – que l'on pourrait échanger pour autre chose d'équivalent que l'on puisse posséder. Une fois que l'être aimé est devenu complètement un objet que l'on possède, on ne le regarde même plus. L'abstraction en amour va de pair avec l'exclusivité, qui prend l'apparence trompeuse de son propre contraire et se cramponne à tel ou tel individu dans sa singularité. Mais en le retenant ainsi, on laisse échapper son objet précisément dans la mesure où on en fait un objet ; et on manque l'être aimé en se l'appropriant, en le faisant « sien ». Si les êtres humains n'étaient plus objets d'appropriation possessive, ils ne seraient plus interchangeables non plus."

Theodor W. Adorno, Minima Moralia, réflexions sur la vie mutilée, « Morale et chronologie » (payot 2003, p.107)

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