Brigitte Vasallo
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artichaut
le mercredi 25 septembre 2019 à 00h37
Brigitte Vasallo est écrivaine, conférencière, enseignante et activiste antiraciste, féministe et LGBTI espagnole.
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Conférences :
- OccupyLove: Pour une révolution des affects. Rompre la monogamie comme pari politique., juin 2015 VOstFr (lien direct) : voir dans le post suivant, le texte de la conférence.
- Place de la République des affects : Monogamie et polyamour dans la culture hispanique, juin 2020 VFstEs (lien direct)
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Bibliographie :
- Pensée monogame, terreur polyamoureuse (Pensamiento monógamo, Terror Pollamoroso). de Brigitte Vasallo, 2018 (non encore traduit en français)
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Textes :
Brigitte Vasallo a écrit de nombreux textes. Certains ont été traduit par Elisende Coladan en français, par exemple :
- Polyamour et polyfake, août 2015
- Polyamour néolibéral : ressers-moi une assiette de gambas, janv 2018
- Le polyamour, Le nouveau miracle au pouvoir dégraissant, janv 2018
- Je suis polyamoureuse et jalouse, fév 2018
- Polyamour et réseaux affectifs : réforme ou révolution ?, déc 2018
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Ressources :
- le site de Brigitte Vasallo : perderelnorte.com (en espagnol)
- Brigitte Vasallo sur le blog nonmonogamie.com (fr)
- la page wikipédia de Brigitte Vasallo
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Voir aussi la liste Liste non exhaustive de Personnes ayant marqué, l'histoire de la pensée et la pratique des relations affectives.
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artichaut
le mercredi 25 septembre 2019 à 10h44
Et voici le texte de la conférence disponible sur YouTube (juin 2015) :
Brigitte Vasallo
Comment repenser les constructions amoureuses ?Ce dont nous allons dicuter aujourd'hui est ceci : que se passe -t-il quand tu tombes amoureuse d'une autre personne ? Ou que tu es dans une relation qui se passe bien, qui va bien, et qu'apparaît quelqu'un qui chamboule ta vie. Ce qui est très commun...
Et malgré toutes les ressources dont nous disposons dans la vie, et bien nous n'avons rien trouvé de mieux que de semer un cadavre émotionnel, livrer une horrible bataille, provoquer une terrible guerre et finir avec le cœur brisé, le notre ou celui de notre partenaire.
Donc à partir de là, moi et beaucoup d'autres personnes, nous nous sommes mises à réfléchir. À faire de l'activisme, à mettre le corps au front et voir si il y a d'autres possibilités.Et j'en suis arrivée à la conclusion que le coupable de nos malheurs c'est ce personnage [Cupidon] qui est là sur les toits et qui attend avec son arbalète.
Et qui nous a fait croire que l'amour réel, l'amour "marque déposée", le grand AMOUR
possède trois caractéristiques qui vous allez le voir sont celles qui nous mènent au désastre.Premièrement, il s'agit d'un amour unique. Tu as seulement un train du grand amour qui va te passer devant, donc tu ne dois pas le rater. Si tu le rates, ça va être un désastre, tu vas être obsédée par le fait que tu ais raté cette unique opportunité. C'est pourquoi, si tu croises quelqu'un qui te plaît dans la rue, et si cette personne ne veut pas te donner son numéro, tu es capable de la solliciter jusqu'à l'infini.
C'est que le grand amour, c'est aussi un amour exclusif. Moi quand on me demande comme amie sur Facebook et que cette personne n'a aucun ami, ça me fait peur franchement ! Par contre, en amour, c'est plutôt bien si je suis le seul être aimé et que cette personne est incapable d'avoir d'autres amours.
Et en plus le grand amour est un amour éternel, qui reste immuable comme une photo et qui n'est ni traversé par la vie, ni par les événements que nous verrons se succéder tout au long de notre vie.Pourquoi je crois que c'est important de réfléchir à tout cela, …au delà du fait que ce soit tendance ?
Parce que je pense que premièrement il y a beaucoup de violences qui se justifient au nom de cet amour. Nous pouvons constater les cas de femmes assassinées cette année en Espagne "par amour". Et c'est un amour qui est lui même construit sur ces bases.
Là j'ai laissé l'écran en violet, j'aurais pu mettre ma photo ou vous la vôtre, ça représente
tous les désastres que nous accumulons dans nos CV amoureux, toutes les blessures dont nous souffrons dans nos petites âmes, toutes les fois où nous avons exercé de la violence sous forme de chantage émotionnel et toutes les fois où nous les avons reçues dans notre vie.Que signifie cette proposition de faire "une révolution des affects" (ce que nous appelons occupylove) ? Comment modifier tout cela ?
Tout d'abord, je lance un appel au calme, parce que que le sujet est à la mode en ce moment et nous sommes tous un peu au taquet. Parce que nous nous sommes rendus compte que la monogamie n'est plus "cool" et du coup on est genre "faut la détruire!!" de manière radicale et immédiate. Bon, comme disait une fille qui a participé à un atelier la semaine dernière :
"Que les amours non monogames auxquels nous aspirons ne nous fassent pas haïr nos amours monogames que nous avons". Nous allons y aller petit à petit, et nous allons voir comment nous pouvons élaborer d'autres formes d'existence.Je lance donc trois propositions, comme nous avions fait avec le grand amour :
L'une est de penser l'amour comme une énergie renouvelable. Ne pas penser si il/elle aime cette personne en même temps que moi, ma part du gâteau est plus petite qu'avant. Parce que peut- être que ça ne fonctionne pas comme ça, le thème de l'amour. Peut être que plus tu aimes, mieux tu sais aimer et plus tu as d' "entraînement amoureux" pour être meilleur amoureux/se
Nous comprendre les unes les autres, cela va beaucoup plus loin que l'amour, il s'agit de coopération et non pas de confrontation. Nous créons nos amours comme des États entourés de barrières électrifiées : "Que personne n'approche !" Mais peut être que les gens qui nous approchent sont des opportunités de coopération.Ensuite, comprendre l'amour comme une construction. Ce qui nous arrive dans la rue c'est un coup de foudre, la flèche du personnage maléfique. Mais après l'amour c'est un compagnonage quotidien et une construction commune. Voilà comment je l'illustre, il s'agit d'un rhizome dans un champ de pommes de terre, celui dont parlait Deleuze. Il n'a pas de centre fixe, il n'a pas de structure hiérarchique, il peut s'étendre et il peut bouger. Il me semble que cette proposition de rompre la monogamie se trouve à une intersection. D'un côté il y a le néolibéralisme, qui dit: "Nous pouvons rompre la monogamie car nous sommes libres !". C'est à dire, je fais ce que je veux, je suis un sujet isolé qui fait du capitalisme sauvage des affects, qui exerce une consommation des corps et qui se fout de tout car nous sommes libres.
Là, il me semble qu'il y a un danger de reproduire les violences, car nous nous devons d'envisager les violences, le genre, les structures, la classe pour ne pas reproduire la même merde
multipliées à toutes les relations que nous voulons avoir. Le risque c'est aussi de continuer à rendre cocu(e) comme on l'a toujours fait, mais en mode "tendance". Avec tout l'argument philosophique pour finalement avoir l'amant(e) du moment d'un côté et la mère ou le père de tes enfants d'un autre.Du coup, j'aimerais faire une proposition d'amours qui ne soient pas possessifs, qui ne soient pas nécessairement exclusifs, mais qui soient pensés comme prendre soin de l'autre et de soi même en mettant le lien au centre de l'attention.
La philosophe Marni Garcez explique : "On ne doit pas créer des liens entre nous, puisque nous sommes tous liés mais on doit arrêter d'avoir peur de ce qui nous lie aux autres." Pouvoir le regarder et le construire d'une belle manière.
Réaliser des accompagnements qui ne soient pas tutélisés et qui ne génèrent pas de dépendance. Répondre à nos entrailles, ne pas prêter seulement attention à ce qui se passe dans la tête, mais prêter attention à ce qui nous fait mal au ventre quand nous sommes dans ce genre de situation
et finalement s'occuper des affects comme nous occupons les places, pour construire un monde qui soit réellement et radicalement nouveau.Merci beaucoup.
(c'est moi, artichaut, qui souligne)