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Réflexions sur la sexualité exclusive, ou relation sexuelle unique.

Politique
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artichaut

le samedi 26 juillet 2025 à 11h37

Je vais parler ici de monogamie, mais sous un angle spécifique, celui de la "sexualité" (terme que pour l'instant, je ne vais pas définir).

Et je vais d'abord parler de sexualité exclusive, c'est à dire de relations sexuelles avec une seule personne. Avec l'idée d'élargir ensuite et voir en quoi dans "la sexualité" aussi, il peut y avoir des formes d'exclusivité dans nos relations poly.

Je parle donc pour l'instant de sexualité exclusive. C'est à dire que l'on peut éventuellement être "poly" (en amour, en relation affective, en amitié même…) mais que l'on choisis (temporairement ou non) de n'avoir qu'un·e seul·e partenaire sexuel·le.

*

J'imagine que les raisons de n'avoir qu'un·e seul·e partenaire sexuel·le peuvent être très variées : sécurité affective, sécurité sexuelle, lassitude, simplicité, gestion de l'intensité, vouloir profiter pleinement, etc. (je ne parle pas ici des personnes qui aimerait bien avoir plsuieurs relations sexuelles et n'en ont qu'une ou zéro).
De même qu'il peut y avoir plein de raisons pour être "en relation amoureuse" avec une seule personne.

Mon but n'est pas de juger individuellement les personnes qui font ce(s) choix (moi aussi à des endroits je fais des choix mono), mais de voir ce que ça raconte sociétalement, symboliquement, affectivement… et de venir mettre de la complexité dans nos réflexions, dans nos ressentis, …dans nos choix, justement.

*

Pourquoi sommes-nous tentés, parfois souvent jamais, de ne partager de la sexualité qu'avec une seule personne ?

Est-ce que la sexualité est un régime d'interaction spécifique, tellement spécifique qu'il incite à la fusion, non seulement des corps, mais des êtres ?

Et si oui, est-ce le sexe en lui-même, l'intensité de l'intimité sexuelle en elle-même, qui fabrique ça, ou est-ce une construction culturelle et sociale ? Par exemple lié au tabou (donc au sur-investissement de la chose), au sur-traitement du sujet par le cinéma, les livres… (qui fabriquent des injonctions collectives inconscientes).

Et pouquoi il y a t-il des personnes asex ? (même s'il y a plein de raisons/causes de ressentir ou choisir l'asexualité)

Se contenter d'une seule (ou même zéro) relation sexuelle, est-ce une manière de lutter contre le capitalisme et son incitation à toujours consommer plus (au détriment de la planète et des êtres en jeu) ? Ou bien est-ce une manière de faire moins de mal, d'arrêter les dégâts et les cadavres affectifs (surtout si on est un homme cis dans ce monde) ?
Ou au contraire, refuser la sexualité exclusive, est-ce une manière de refuser les carcans, les tabous, le puritanisme, et l'injonction à rester bien à sa place dans cette société ?
Sachant que de toute façon on est traversés et soumis à des injonctions contradictoires.

*

Il y a quelque chose dans la sexualité, comme dans nos liens affectifs, qui en ce moment me questionne au sujet de l'élection.
Pourquoi choisir untel-unetelle, et surtout pourquoi continuer ensuite avec untel-unetelle, et même souvent, prioriser untel-unetelle ?

Et là aujourd'hui pour moi, c'est dans le sujet de la sexualité que ça vient toquer.

*

Il y a comme un double mouvement que je ne comprends pas, que je ne comprends plus.

D'une part la fermeture a priori (c'est à dire avant d'avoir vécu) à vivre quelque chose de l'ordre de la sexualité (ou de l'intimité) avec une autre ou d'autres personnes.

Mais aussi pourquoi continuer, pourquoi vouloir refaire, voire même systématiquement, avec telle personne ?

Je pense être plus ou moins passé par là, donc il y a une part de moi qui peut comprendre, et pourtant une autre aujourd'hui qui ne veut pas comprendre.

*

Dans la caricature de la monogamie, c'est : on partage du sexe une fois avec une personne, et tout de suite on imagine le mariage, les scripts, l'escalator… et ça génère… du repli sur soi.

Même si la liberté sexuelle (ou le libertinage) sont passé par là, j'ai le sentiment qu'il reste quelque chose de cette ordre-là profondément ancré quelque part en nous (ou en certain·es de nous).

Comme si la sexualité venait appuyer à un endroit spécifique. Nous guérir (ou sembler nous guérir) de certaines blessures. Nous ouvrir un monde soudainement désirable et qu'il ne faudrait surtout pas lâcher.

Comme si la sexualité générait par elle-même (et non pas sociétalement) un biais d'engagement hyper fort. Et qui, on le sait, nous fait parfois accepter des choses que l'on ne devrait pas accepter.

Donc on reste avec la personne avec qui on a partagé une fois du sexe chouette, voire carrément on ferme les écoutilles et on ne veut plus que lui/elle (au moins pour un temps).

On participe soi-même à s'enfermer dans ce qui deviendra possiblement notre prison, et ce faisant on limite drastiquement le champ des possibles et on réprime notre besoin de liberté.

*

En fait aujourd'hui, je ne comprends plus qu'on puisse dire en matière de sexualité :
- j'ai envie de revivre du sexe plein de fois avec toi (voire même qu'avec toi/lui/elle)
ou
- avec toi je ne veux pas (je ne voudrais jamais) de sexualité (sauf bien sûr si on a vécu un truc pourri avec la personne, ou si la personne nous connecte — même malgré elle— à nos traumas, etc.)

Je me rends compte que je ne comprends pas le désir a priori. Ni d'ailleurs le non-désir a priori. Être capable de dire, au 1er regard, ou à la 1ère rencontre : je veux (ou je ne veux pas) faire du sexe avec toi.
Perso je suis trèèès lent, et ça ne peut généralement se construire que dans la lenteur, dans la confiance, dans la rencontre.
Et le désir a priori, a plutôt toujours été source pour moi de malentendu, de pression exercé sur l'autre, d'objectivation des personnes et au final de non respect de consentement (de non respect tout court) ou d'agression des corps et des êtres.

*

Je me dis que la sexualité, moi je pourrais vouloir en partager parfois avec telle ou telle personne (et peut-être même pourquoi pas une fois tous les deux ans avec certaines personnes). Et que pour la plupart des gens, la sexualité avec une personne donnée, c'est soit tout le temps, soit jamais.

J'ai rencontré une personne pour qui la sexualité est extrêmement variable. Elle n'est ni asexuelle, ni hypersexuelle, mais parfois l'un, parfois l'autre… et parfois tout autre chose. Et je trouve ça beau. Même si pour le coup elle galère beaucoup beaucoup avec ses amant·e·s.

Moi je dois bien admettre que je viens plutôt aussi du "tout le temps ou jamais".
Mais pourquoi restreindre la sexualité à ça ?
Beaucoup de chose dans ma vie, bougent à cet endroit-là ces dernières années.

Il y a celles/ceux qui sexent d'abord et voient ensuite quelle relation créer.
Il y a celles/ceux qui mettent très lontemps avant de sexer.
Mais presque toujours ensuite (quand c'est pas a priori) la relation se stabilise en un genre de "toujours ou jamais".

Pourtant ça existe, j'en ai rencontré : il y a des personnes pour qui il n'y a pas de règle : pouvoir passer du plein désir sexuel à plus du tout, puis re-plein, puis re-plus-du-tout et ainsi de suite… avec la même personne, et très rapidement.
Et quand j'y réfléchis, ça me semble plutôt sain.

Je ne parle pas de ne pas avoir envie une fois de temps en temps, mais d'une vraie variabilité.

Pourquoi faudrait-il que la sexualité soit continue, homogène ?

On peut vouloir manger une pizza un jour et plus jamais pendant 6 mois, et re-en avoir envie.

Comment peut-on affirmer qu'on ne voudra jamais sexer avec tel ou telle personne ??

Quand je rencontre quelqu'un je suis incapable de dire si j'aurais envie de sexer avec elle/lui. Rencontrons nous déjà. Ça vient, ça vient pas, qu'importe.
On ne rencontre pas des culs, des bites et des vagins. On rencontre des personnes. Et de n'importe quelle interaction avec n'importe qui (ou presque) pourrait naître du désir de (formes de) sexualité, ou pas.
J'ai le sentiment que c'est ce qui se vit dans le corps (et la confiance) qui va ou pas fabriquer ça sur le moment. et pas tel physique, telle corps, telle coiffure, tel acoutrement, ni même… telle personne.
C'est pour moi la confiance et la tendresse vécue qui peut emmener vers des territoires serein de sexualité. Et tout aussi bien ne plus arriver pendant 2 ans et revenir. Avec la même ou une autre personne. etc.

Le monde sexuel me semble tellement restrictif : je baise ou pas avec toi. Et c'est censer durer ainsi.
Ça me semble tellement absurde aujourd'hui.

*

Je précise que je ne cherche pas à dire qu'il faudrait se forcer. Tout refus de sexualité est légitime, et prime sur tout désir.

Mais pour autant je trouve qu'on se met tellement de barrières.

Comment puis-je dire "je ne sexerais pas avec tel genre, ou telle personne" ? Ça me semble absurde, ou nécessairement lié à un conditionnement social ou à des peurs (justifiées ou non).

Mais pour rendre ça possible, il faudrait déjà que la non-sexualité soit la norme (pour qu'on puisse aller sereinement avec presque n'importe qui vers des territoires où de la sexualité pourrait advenir), ce qui clairement n'est pas actuellement le cas, dans ce monde.
Au lieu de ça, la sexualité me semble dans ce monde d'abord un territoire de danger. Et que donc s'y aventurer, ou même s'approcher de zones pouvant y mener est en soi dangereux.
Et donc pour pouvoir se sentir en sécurité, oui, ça incite à fermer des écoutilles, à réduire le champ des possibles, et à refaire et prolonger avec telle personne avec qui nous aurions eu la chance — et même la rareté — de vivre une interaction sexuelle pleinement épanouissante et consentie.

*

Et je trouve que même chez les poly, chez les non-exclusifs — puisqu'on vit dans ce même monde dangereux — on subit les même peurs et on est contraints aux mêmes replis ou processus d'élection, quand c'est pas de la tentation de la privatisation.

Je ne vois malheureusement guère de solution (en tout cas à court et moyen terme, tant que ce monde est ce qu'il est).
Et nous sommes tous et toutes à mon sens traversé par des formes de sexualité restrictive.

*

La seule voie, que j'aperçois — à part se contenter de ce monde tel qu'il est et faire avec — serait quelque chose comme redéfinir complétement la sexualité.

Ce à quoi certain·e·s s'essayent, et c'est pourquoi l'on parle plutôt aujourd'hui des sexualités.

À la fois faire tomber la sexualité de son piédestal (a minima la sexualité hétéro-normative) et élargir le plus possible le champ des autres possibles (quitte à retomber dans le piège du capitalisme accumulatif et des frustrations associées).

Pour l'instant, perso, je ne trouve pas mon compte dans cet élargissement des sexualités, même si quelque chose de ce mouvement me parle.
Pas plus que je ne trouve mon compte dans l'appauvrissement inverse (même si je peux trouver ça parfois moins pire).

*

Bref pour ma part ni sexualité exclusive, ni sexualité non-exclusive ne me convient. J'ai besoin de questionner déjà ce qu'est la sexualité et comment on s'y rapporte.

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Lili-Lutine

le samedi 26 juillet 2025 à 14h52

Ce que je lis ici entre en partie en résonance avec certaines de mes expériences

J’ai déjà partagé ailleurs combien aujourd'hui, depuis quelques années, mon rapport à la sexualité ne peut se penser sans prendre en compte le corps vécu, la sensorialité fine, le système nerveux, les états de sécurité ou d’alerte, et leur fluctuation constante

Pour moi, la sexualité n’est ni exclusive ni non-exclusive, ni stable, ni toujours accessible. Pour moi, elle est conditionnée aujourd'hui par l’état intérieur dans lequel je me trouve. Si mon système nerveux perçoit un danger, même subtil, surcharge sensorielle, attente implicite, rythme imposé, bruit, tension dans l’air , plus rien ne circule. Mon corps se ferme. Ce n’est pas un refus raisonné : c’est une impossibilité incarnée

Et inversement, dans des conditions très précises de lenteur, de confiance, de non-attente, de pleine présence… quelque chose peut s’ouvrir, parfois de manière inattendue

Ce n’est donc pas "avec qui" je sexerai ou non, mais dans quel climat relationnel, émotionnel, sensoriel, temporel cela devient envisageable Et ce climat peut varier d’un jour à l’autre, même avec la même personne. Le désir n’est pas une ligne droite, c’est une météorologie interne mouvante, qui demande à être écoutée, pas planifiée

J’aime l’idée qu’il n’y ait ni tout le temps ni jamais
Qu’il puisse y avoir du désir, puis plus, puis à nouveau
Qu’on se laisse surprendre
Qu’on ne décide pas à l’avance

Mais pour cela, il me semble qu’il faut des conditions de sécurité rare, hors des logiques de consommation et de performance. Il faut désapprendre l’urgence. Désapprendre la projection. Revenir au contact. Au silence. À ce qui est

Je pense aussi que notre monde rend difficile l’accès à une sexualité fluide et non scriptée, car il abîme nos régulations profondes
Il nous pousse à produire, à performer, à plaire, à nous définir, à choisir… là où le corps réclame parfois juste de ne pas savoir

Alors pour ma part, je ne sais pas ce que je suis sexuellement :-/
Je sais que parfois le lien appelle une sensualité, parfois non
Que j’ai eu des relations très incarnées avec une seule personne, puis aucune. Puis plusieurs, puis à nouveau une seule
Mais ce n’est jamais un modèle que je cherche à reproduire
C’est un état de présence et d’ajustement que je cherche à préserver

Et j’aimerais que la sexualité puisse s’éloigner des schémas binaires : exclusif / non-exclusif, désir / non-désir, pour devenir un territoire habitable, respirant, variable, sensible
Un territoire où l’on ne serait pas sommé·e·s de savoir à l’avance
Et où l’on pourrait dire : je ne sais pas encore… et c’est très bien comme ça

Message modifié par son auteur il y a un mois.

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MPB

le samedi 26 juillet 2025 à 16h16

Je vais peut-être être hors-sujet, mais vos réflexions me donnent envie de partager les miennes.

Je me retrouve dans certaines phrases de @Lili-Lutine, et dans ma difficulté à me définir sexuellement.
Pour ma part j'ai toujours pensé avoir une très faible libido, et surtout, je n'ai jamais éprouvé le désir "simplement" physique pour une personne que je ne connaissais pas : je n'ai jamais eu ce truc de "oh wahou, cette personne est si attirante, j'ai très envie de la mettre dans mon lit maintenant" à la première rencontre, ni forcément aux suivantes ! Je n'ai jamais imaginé avoir les "coups d'un soir" dont parlaient mes ami.e.s, tout simplement parce que je m'en sens incapable et que je n'en ai pas envie ! Et ce dès l'adolescence, je me sentais donc assez anormale. Même les questions "et si tu pouvais coucher avec une star, ça serait qui ?" me mettent en difficulté ! Moi la star j'aurais envie de parler avec, pas de faire du sexe 😅. En ce sens, je crois que la demi-sexualité me définit assez bien : besoin d'une connexion ou de sentiments forts pour envisager de la sexualité. Cela exclut donc les personnes dont les valeurs sont opposées aux miennes par exemple. Par contre, j'ai toujours été très tactile avec les gens de mon entourage qui me sont chers (jusqu'à être très proche physiquement sans ambiguïté érotico-sexuelle), et j'ai toujours dit que je pourrais me passer de sexe, mais pas de câlins. Ce truc d'être blottie contre une personne, même partager un moment peau à peau, sans imaginer d'érotisme ou quoi que ce soit.
Par contre, j'ai pu avoir une sexualité débordante (ce qui m'a refait questionner ma libido), notamment dans un cadre BDSM, mais là il y a clairement d'autres trucs qui se jouent.

Pour revenir au sujet, j'ai clairement quelque chose de monogame qui s'est joué au niveau de la sexualité lorsque j'ai eu plusieurs partenaires. Je crois que c'était surtout la recherche de telle sexualité (en l'occurrence BDSM donc) plutôt qu'une autre (éprouvée durant une dizaine d'années, donc avec les biais d'ancienneté qui vont avec face à la nouveauté).
Cela fait plus d'un an que je n'ai pas fait de sexe avec qui que ce soit aujourd'hui (ce n'est pas forcément un choix, mais je ne cherche pas à changer ça actuellement), parfois la connexion me manque, parfois j'apprécie cette forme de "sérénité" : cela me stressait parfois de devoir dire non, ou au contraire d'être dans l'attente d'un moment qui pouvait ne pas arriver. Ou alors, d'avoir cette petite pression de la performance (eh oui, vive l'anxiété !).
Cela m'aide aussi à m'attacher d'une manière plus douce je crois : je ne veux plus du tout de fusion comme ce que je pouvais chercher à une époque, mais sexer avec une personne amène une forme de fusionnement je trouve. Comme si la sexualité faisait sauter certaines barrières, décuplait les émotions, peut-être même l'idée de "possession" de l'autre durant un temps, mais où commence ce temps, et ou finit-il ? C'est un peu flou ce que je dis, vous prenez ce qui vous parle, vous laissez le reste !

Quant à exclure certaines personnes de ma vie sexuelle, pour ma part je n'ai jamais été et ne suis absolument pas attirée par les hommes cisgenres et même si un jour, c'était le cas, je crois que politiquement, je n'aurais pas envie d'aller explorer ça. Je me définis comme lesbienne, mais là encore c'est plutôt politique, et c'est comme ça que je me sens. C'est sûrement quelque chose à prendre en compte dans les questions de "comment je sais avec qui je vais vouloir sexer ou non ?" !

Bref, moi aussi je me questionne sur la sexualité actuellement, peut-être que j'irai voir une personne pour en parler.

Message modifié par son auteur il y a un mois.

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artichaut

le samedi 26 juillet 2025 à 18h11

Je trouve ces réflexions passionantes, et je me sens un peu moins seul à vous lire. Merci.

On s'éloigne certes, un peu du sujet-titre de ce fil (ce qui va perturber mon besoin de classer/ranger les idées, notamment sur ce site) mais j'ai moi-même dérivé sur la fin de mon texte. Donc ça me semble assez logique.

Je trouve @Lili-Lutine, comme souvent, que tu dis mieux que moi, certaines choses que j'essaie de dire.

Si ce monde n'était pas hétéro-patricarcal @MPB, il n'y aurait pas besoin d'éviter les hommes cisgenres. Donc ça ne rentre pas vraiment dans le manque d'ouverture que je critiquais. C'est disons inhérent au monde tel qu'il est, même si je trouve ça un peu triste en soi.

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artichaut

le samedi 26 juillet 2025 à 18h23

MPB
Par contre, j'ai toujours été très tactile avec les gens de mon entourage qui me sont chers (jusqu'à être très proche physiquement sans ambiguïté érotico-sexuelle), et j'ai toujours dit que je pourrais me passer de sexe, mais pas de câlins. Ce truc d'être blottie contre une personne, même partager un moment peau à peau, sans imaginer d'érotisme ou quoi que ce soit.

Aujourd'hui, je n'imagine pas pouvoir vivre de la sexualité avec quiconque sans que s'installe d'abord ce tactile, cette tendresse dont tu parles …et que ce tactile, cette tendresse soit d'abord vécue en acte, éprouvée en corps, comme non érotique.
Ce n'est que depuis ce territoire de tendresse non-sexualisée qu'éventuellement, peut-être, facultativement, et après en avoir pleinement profité et s'être pleinement mis en confiance, que pourrais naître un élan de sexualité.
Quand les dits "préliminaires" seront la norme, on pourra éventuellement recauser de saine sexualité. En attendant et tant que le désir et la séduction présiderons, j'ai le sentiment que la sexualité restera un territoire de chasse, d'abus et de danger perpétuel
…et non, comme dit @Lili-Lutine, un territoire habitable, respirant, variable, sensible.

Et du coup, homme, femme, non binaire, jeune, vieux, moche, beau… je m'en fous, la question est : est-ce cette tendresse et cette confiance peut s'éprouver et s'installer ? Et se vivre en tant que telle sans chercher à aller nulle part ailleurs.

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artichaut

le samedi 26 juillet 2025 à 18h58

Lili-Lutine
là où le corps réclame parfois juste de ne pas savoir
(…)
Un territoire où l’on ne serait pas sommé·e·s de savoir à l’avance
Et où l’on pourrait dire : je ne sais pas encore… et c’est très bien comme ça

Ça me fait penser au livre de Clara Serra La doctrine du consentement (La Fabrique, 2025).
Elle y fait une critique de la notion, nottament juridique, du consentement, qui se pense comme un oui ou un non, et jamais comme un Je ne sais pas.

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Tiao88

le lundi 28 juillet 2025 à 01h42

Je pense que dans la décision d'exclusivité sexuelle y a une peur que l'autre nous préfère quelqu'un et ne se barre avec et donc ce serait de la sécurité affective. Ou de confiance en soi ou d'amour propre qui viennent jouer et peut-être potentiellement appuyer sur des soucis/blessures mal cicatrisées ou pansées.
Si on est déjà précaire dans certains domaines, je peux comprendre que ça soit compliqué d'avoir potentiellement le sentiment d'être "en compétition" avec d'autres en plus (merci le monde capitaliste).

Et même sans ça, se faire juger par un ou des partenaires sur nos "savoir-faire" ou nos gouts, ça peut être sacrément destructeur. Comme dit plus haut, c'est quand même un domaine où on peut avoir rapidement l'impression de devoir "performer" par peur du jugement / rejet. Et cette impression, je trouve dans mon cas personnel est très longue, potentiellement à éjecter.

ça plus d'autres conditions/exigences comme beaucoup de tactile avant du sexe ou après ou les deux, le fait de connaître la personne (dans 80% des cas, la première fois que je rencontre une personne je ne la trouve pas désirable), qu'il n'y ait pas insistance en cas de refus d'avance (là par contre je vais clairement avoir du mal à avoir envie de sexer avec le quelqu'un), qu'il y ait autre chose dans la relation/lien que du sexe...

ça ne fait pas de moi une personne exclusive sexuellement mais ça exclut bcp de personnes dans un premier temps, j'ai l'impression.

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HiBou

le lundi 28 juillet 2025 à 10h01

artichaut
Se contenter d'une seule (ou même zéro) relation sexuelle, est-ce une manière de lutter contre le capitalisme et son incitation à toujours consommer plus (au détriment de la planète et des êtres en jeu) ? Ou bien est-ce une manière de faire moins de mal, d'arrêter les dégâts et les cadavres affectifs (surtout si on est un homme cis dans ce monde) ?
Ou au contraire, refuser la sexualité exclusive, est-ce une manière de refuser les carcans, les tabous, le puritanisme, et l'injonction à rester bien à sa place dans cette société ?

artichaut
il faudrait déjà que la non-sexualité soit la norme (pour qu'on puisse aller sereinement avec presque n'importe qui vers des territoires où de la sexualité pourrait advenir), ce qui clairement n'est pas actuellement le cas, dans ce monde.

Merci, pour ton verbe et tes réflexions partagées!!!
J'en suis rendu là aussi, je suis un homme "polyamoureux" cis hétéro et j'aime pas le plastique lol. Je suis fatigué de tenter de rassurer les gens que je rencontre.
Du coup j'ai opté pour un arrêt du sexe, ça me permet dans mes conversations, de pouvoir verbaliser avec clarté ma vision de l'amour (inconditionnel), de la liberté (d'être) et de pouvoir mettre en lumière les freins (peurs, blessures, attentes) avec force et conviction !!!!
Je pense que ce passage, cette transition, va être difficile, mais que c'est une étape nécessaire pour l'humanité !
J'adore le sexe, mais je ne veux plus faire semblant, je ne veux plus me contenter de rassurer l'autre pour qu'il me partage son corps.
J'aime l'idée de prendre le temps d'écouter l'autre, de l'accompagner à identifier et libérer ce qui n'a plus de sens (les vieux schémas relationnels toxiques).
J'aime à penser que ce travail de guérison, de reconnection à Soi, mène au choix de "normer" la non sexualité, par amour pour soi, pour notre unité !

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artichaut

le lundi 28 juillet 2025 à 14h58

HiBou
Du coup j'ai opté pour un arrêt du sexe, (…) cette transition, va être difficile, mais que c'est une étape nécessaire pour l'humanité !

Oui, je partage cet avis. Surtout, en tant que mec : arrêter de chercher du sexe.
Si ça vient, ça vient, si c'est là pourquoi pas, mais cesser de chercher (et donc cesser de me plaindre de ne pas en avoir).

Perso c'est à la fois un soulagement (c'est fou le temps perdu à ça), une nouvelle façon de voir la vie, et des liens/interactions inédits avec les personnes de tous genres.
Je n'ai pas besoin de sexe (même si j'aime ça). En revanche j'ai besoin de tendresse, de contact physiques et de lien d'intimité privilégié (3 choses généralement incluses dans le package-monogame de la sexualité).
Séparer les vrais besoins, des bonus facultatifs a été pour moi décisif dans mon chemin.

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artichaut

le lundi 28 juillet 2025 à 15h12

Tiao88
ça ne fait pas de moi une personne exclusive sexuellement mais ça exclut bcp de personnes dans un premier temps, j'ai l'impression.

Ça exclut beaucoup de personnes, mais sur des considérations comportementales. Ça n'exclut pas a priori des personnes. C'est juste que dans les faits (dans un second temps je dirais), ton champ des possibles s'arrête assez vite.

Je trouve ça différent d'avoir des exigences a priori (orientation de genre, exlusivité sexuelle, désirs construits…), ce qui génère de l'exclusion (et diminue du même coup drastiquement notre champ des possibles), et d'avoir des exigences sur le comment pour ne pas se retrouver à performer, à être pris au piège, etc.

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Alabama

le mardi 12 août 2025 à 21h27

MPB
Cela m'aide aussi à m'attacher d'une manière plus douce je crois : je ne veux plus du tout de fusion comme ce que je pouvais chercher à une époque, mais sexer avec une personne amène une forme de fusionnement je trouve. Comme si la sexualité faisait sauter certaines barrières, décuplait les émotions, peut-être même l'idée de "possession" de l'autre durant un temps, mais où commence ce temps, et ou finit-il ? C'est un peu flou ce que je dis, vous prenez ce qui vous parle, vous laissez le reste !

C'est vrai qu'il y a un truc avec la sexualité. Peut-être plus avec le peau à peau d'ailleurs, qu'avec le sexe à proprement parler ? Je n'ai pas de réponse à ça, c'est une question que je me pose.
Pour ma part, je recherche cette intensité que l'on vit dans la sexualité.
Etant féministe mais tds, j'ai cherché depuis plusieurs années à relier les deux. Comment en étant tds je pourrais hacker un peu la norme hétérnormée du sexe.
Et de fil en aiguille, j'en suis arrivée aujourd'hui à pratique le massage tantrique. Et cela m'a ouvert des portes de fusion et d'intensité, en-dehors de tout sentiment amoureux ou relation amoureuse au sens classique du terme.
J'explore cela depuis environ un an, influencée par des amies masseuses tantriques, et j'ai découvert que je peux vivre des sentiments très forts avec des inconnus ou semi-inconnus, pour qui je n'ai pas spécialement d'attirance et avec qui je n'envisagerais pas du tout de relation en-dehors de ces rendez-vous qu'ils paient.

Je dirais que cela me permet quelque part de décorréler l'intensité émotionnelle vécue, des attentes amoureuses et du lien amoureux. Je pense que d'autres personnes trouvent cela en faisant des stages tantriques, enfin je l'imagine. L'avantage du tds c'est qu'il n'y a pas de flou sur l'avenir de la relation, et jamais de déception puisque je ne m'attends à rien.

Concernant la relation sexuelle avec une seule personne, du plus loin que je m'en souvienne je n'ai jamais pu me faire à cette idée, ni n'ai jamais demandé cela à un·e partenaire. J'ai été en couple monogame, mais j'y étais faute de savoir que j'avais le choix de vivre autre chose. L'exclusivité sexuelle n'a jamais vraiment été dans mes projections, sauf peut-être ado par automatisme. C'est quelque chose qui ne me parle pas vraiment. Mais avec le temps, c'est devenu moins important pour moi la question de l'exclusivité ou non. Je serais ok, je pense, de donner l'exclusivité sexuelle si cela devait trop faire souffrir un·e partenaire, mais je me sentirais à l'étroit si cela est attendu comme une évidence et non quelque chose dont on discute et qu'on aménage ensemble.

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MPB

le jeudi 14 août 2025 à 09h11

Alabama
Et cela m'a ouvert des portes de fusion et d'intensité, en-dehors de tout sentiment amoureux ou relation amoureuse au sens classique du terme.
(...)
Je dirais que cela me permet quelque part de décorréler l'intensité émotionnelle vécue, des attentes amoureuses et du lien amoureux.

Je trouve ça extrêmement intéressant, moi qui ai justement l'impression que je ne pourrais pas du tout séparer les sentiments forts de ma sexualité comme je le disais. Cela dit, même si ce n'est pas comme du massage tantrique, j'ai pu faire un stage de danse entre personne queer, qui a amené à de la danse contact et des lap dance, et effectivement j'ai été surprise de voir comment le lien pouvait se créer très vite et très fort, et justement sans attentes derrière (ce qui était très précieux pour moi et me donnait l'envie très paradoxale d'explorer plus de physicalité justement, puis espace très safe et pas d'attentes ressenties).

Alabama
Comment en étant tds je pourrais hacker un peu la norme hétérnormée du sexe

J'aime beaucoup cette formulation ! Merci pour ton partage en tout cas 🙏

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artichaut

le jeudi 14 août 2025 à 11h17

MPB
j'ai pu faire un stage de danse entre personne queer, qui a amené à de la danse contact et des lap dance, et effectivement j'ai été surprise de voir comment le lien pouvait se créer très vite et très fort, et justement sans attentes derrière

Les cercles de paroles ou la co-écoute fabriquent ça aussi pour moi. Même sans partage tactile donc, et juste a un niveau émotionnel, via la parole.
Et pouvant incure du tactile, ce qu'on partage en ateliers tendresse également.

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kill-your-idols

le vendredi 15 août 2025 à 12h15

De mon côté, j'ai une sexualité relativement tranquille, presque monogame. J'ai une femme stable, avec qui je suis en couple officiellement, une maîtresse assumé, que tout le monde connaît, et quelques amies avec qui je sors mais avec qui je ne fais pas forcément du sexe.

Et je ne cherche pas activement de nouvelles personnes.

Pourquoi?

Aucune raison idéologique ou philosophique, mais beaucoup de raisons très pratiques.

1) je n'ai pas le temps pour d'autres partenaires. Je travaille beaucoup, et ma vie sociale en est fortement réduite. Au vu de ça, je préfère dédier mon temps libre à peu de personnes, plutôt que de multiplier les rencontres.

2)rencontrer des nouveaux partenaires prend du temps. Du moment où je décide que je veux rencontrer un nouveau partenaire, jusqu'au moment où la relation se stabilise et on trouve un équilibre avec tout le monde passent environ 2-3 ans. 1 an pour trouver la nouvelle personne, et 1-2 ans pour qu'on arrive à trouver un nouvel équilibre avec tout le monde. De plus, c'est un processus qui peut être stressant. Il faut redéfinir tous les équilibres et tout l'emploi du temps, et il y a un certain risque que avec des nouvelles personnes la relation n'aille pas bien. Jusqu'à présent, j'ai initié la recherche de nouvelles personnes une fois tous les 10 ans (deux grosses vagues, en 2012-2014 et 2020-2021), et je n'ai pas trop envie de m'y remettre.

3)j'ai peur des MST, et je n'ai pas trop envie de me protéger. je préfère réduire les risques en limitant l'activité sexuelle aux personnes de confiance. Pénétration uniquement avec ma femme, quelques jeux avec ma maîtresse, et cela me suffit largement.

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