"J'apprends à nouer une amitié avec le temps. Je me présente comme une personne de son âge. Le temps est là pour toujours et moi aussi, même si mon "pour toujours" est plus bref. Nous coïncidons dans les mêmes minutes, peu importe l'espace, nos immensités peuvent être contenues dans quelques centimètres. Tu y es toi aussi et rien d'autre ne compte pour moi.
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Un sujet délicat me vient maintenant à l'esprit. Tu me demandes parfois si je suis jaloux. Je te réponds non. Parce que "ti voglio bene", je t'aime. Le mot "bene", bien, change tout. Si on l'enlève, il reste "ti voglio", je te veux. Là oui, on est jaloux. Mais moi j'ajoute le mot en plus, juste et précis : "ti voglio bene".
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Tu es une femme au coeur de la vie. S'il t'arrive d'éprouver un désir impérieux pour un homme, tu l'exprimes et tu le satisfais. J'espère que tu ne tomberas pas amoureuse, mais quand bien même, je t'aime tant. Le bonheur que tu saisis avec un autre ne m'enlève rien de toi. Tu ne pouvais trouver ce bonheur avec moi.
J'ai toute une variété de bonheurs avec toi, tu ne m'en as pas privé, tu en as même inventé que je ne pouvais imaginer. Ils sont faits sur mesure pour moi et ne pourront se reproduire avec aucun autre.
Il en va ainsi des bonheurs."
Une lettre d'amour dans "Impossible" de Erri de Luca