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[Texte] La jalousie une passion inavouable, iPhilo et Giulia Sissa, 2015.

Jalousie
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dede

le mercredi 17 juillet 2019 à 15h40

iphilo.fr/2015/04/03/la-jalousie-une-passion-inavo...

L’historienne et philosophe Giulia Sissa, chercheur au CNRS et professeur à UCLA (Los Angeles), vient de publier La jalousie. Une passion inavouable chez Odile Jacob. Elle répond dans iPhilo aux questions d’Alexis Feertchak sur cette passion honnie devenue véritable tabou.

iPhilo : La jalousie est-elle aujourd’hui devenue un tabou ?

Giulia Sissa : Oui, et c’est une longue histoire !

La jalousie fait l’objet d’un blâme aussi créatif qu’obstiné. Tout en reconnaissant que « la jalousie s’éveille avec l’amour » (Rousseau), que amorosus semper est timorosus (André le Chapelain), que la jalousie est raisonnable (Thomas d’Aquin, Thomas Hobbes, La Rochefoucauld), le discours philosophique a trouvé bien des arguments pour avilir et tancer cette passion.

Ce que j’ai tâché de faire, c’est retracer une histoire « en tableaux » de l’amour et, par conséquent, de la jalousie. Le fil conducteur en est l’interdit de dire sa jalousie : l’inavouable. Cet interdit se trouve au cœur des discours sur l’amour jaloux. C’est une véritable intimidation culturelle, un chantage moral et esthétique. Honte aux jaloux ! Honte aux jalouses ! « Les amants délicats craignent de l’avouer ». Je me suis donc livrée à un travail de marqueterie intertextuelle et d’histoire intellectuelle, mais je prends parti à la première personne. Je réponds que s’il y a une chose dont il faudrait rougir, ce serait non pas la jalousie, mais la honte d’avouer, précisément. Je plaide pour une parole confiante. Dire, non pas pour se soulager, mais plutôt pour parler à un(e) autre. Je défends l’aveu, comme acte de parole illocutoire et perlocutoire, si vous voulez. Cela permet de se situer honnêtement, de s’ouvrir à la reconnaissance de la part d’autrui et d’avancer. Les acrobaties de ceux et de celles qui s’acharnent à nier et à dénier leurs émotions, alors que, le plus souvent, tout le monde voit très bien ce qui se passe : voilà qui est ridicule, pathétique, velléitaire. Je me range ainsi avec les connaisseurs de la jalousie (Freud, Thomas Hobbes, Thomas d’Aquin, Aristote et, surtout, les écrivains et les poètes, Ovide, Shakespeare, Stendhal et Proust, en tête), contre les censeurs qui, depuis les Stoïciens jusqu’aux démarcheurs de « sécurité », de bonheur moléculaire et de développement personnel, puisent au fond de commerce d’un sens commun, bâti sur le refoulement.

Si vous me permettez une parodie des catalogues, décalogues et quatre vérités qui prétendent à la complétude oraculaire, je vous dirais qu’il y a huit malentendus pernicieux sur la jalousie. Les voici. La jalousie serait la même chose que l’envie : faux ! L’envie est le souhait de priver autrui d’un bien ; la jalousie est plutôt la crainte de perdre un bien auquel nous sommes attachés. La jalousie serait une forme de possession abusive de l’autre, comme si c’était une chose : faux ! On n’a pas envie de s’approprier un objet objectifié, mais de captiver le désir d’une personne hyper-personnifiée. Sartre a mille fois raison contre Beauvoir. La jalousie serait une excès d’amour propre : faux ! Il y a bien entendu une blessure narcissique, mais cela est, comme l’affirmait Freud, normal. La jalousie serait un symptôme d’insécurité : faux ! Le portrait de la personne parfaitement « sécure » (anglicisme ahurissant), immunisée contre la jalousie anxieuse, est un mirage. La jalousie serait une suspicion permanente, qui trahit un manque de confiance : faux ! On devient jaloux, on est rendu jaloux, on perd confiance. Cela se passe dans nos vies sentimentales trépidantes, et dans nos cultures érotiques complexes. La jalousie serait une maladie de l’imagination : faux ! Les jaloux sont, le plus souvent, réalistes. La jalousie serait un vice de caractère, hérité de l’enfance : faux ! Nous avons tous des parents, mais nous sommes parfois amenés à découvrir « l’étreinte de la douleur », lorsqu’un événement fait irruption dans notre vie amoureuse d’adultes. Plus on faisait confiance, plus on tombe de haut, plus on souffre.

Et, comble de bêtise : la jalousie ne sert à rien ! Il y a quelques jours, un psychiatre émérite gloussait à la radio canadienne que la jalousie (ou la « jalousette ») ne sert strictement à rien. Un darwinien lui répondrait que, tout au contraire, la jalousie a une fonction évolutive essentielle. J’aime mieux convenir que, bien sûr, la jalousie est inutile. Elle est aussi inutile que l’amour. On n’a qu’à s’en passer. Merci, Docteur!

(...)

Message modifié par son auteur il y a 4 ans.

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bonheur

le mercredi 17 juillet 2019 à 16h13

Merci pour l'information et le lien (+) .

Approche intéressante. La jalousie prend certainement diverses formes. Je trouve cela évident. Je vais lire tout ça, enfin si j'en trouve l'envie, en vacances on préfère du léger et là c'est très intello pour moi.

J'ai relevé tout de même que l'on assimile trop souvent la honte à nos émotions ou ressentis, quelqu'en soit la nature. Je crois pour ma part, en aparté (mais en lien quand même), que comme tout ce qui nous prend aux tripes, ça vient sans notre consentement intellectuel. Ce qui prend aux tripes n'est pas destinés à s'installer, à rester longtemps. Plus ou moins longtemps d'ailleurs suivant les individus et l'impact. Et justement, quand ça ne part pas, je crois (et j'ai peut-être complètement et partiellement tord) que c'est parce que l'intellect vient se mêler de ce qui ne le regarde pas. On nous apprend depuis petit qu'il faut justement enfouir, anéantir, passer par dessus, etc... nos émotions, nos ressentis et encore plus s'ils sont jugés "négatifs" (la colère, la jalousie…). Alors, moi je dis au contraire, il faut exprimer (pas expulser version exploser obligatoirement) tout ça et surtout pas attendre justement que cela devienne malsain version sortie explosive et indisciplinée. Pour cela, il faut un entourage qui accepte d'entendre, d'écouter aussi bien ces états jugés "mauvais" que ceux jugés "bons".

Aussi, je dirais à mon niveau que tout est bon (hein docteur !) et la capacité de résilience est importante pour justement ne pas laisser s'installer dans le temps et rebondir (ce n'est pas le bon mot, je n'en trouve pas d'autres), faire face de soi à soi et taire l'intellect sur l'instant. Il pourra être présent par la suite pour comprendre après coup, mais certainement pas pour vivre l'instant.

Merci à toutes mes émotions, révélatrices de moi et pertinentes dans mon évolution de moi et dans mon évolution avec les autres.

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bidibidibidi

le vendredi 19 juillet 2019 à 16h54

J'ai lu l'interview, et... Pour moi, elle devrait lire l'article d'hypatia from space sur la pieuvre à 8 pattes. Sa vision de la jalousie est ultra limitée. Elle romantise la jalousie. C'est un exercice de style, mais on est bien loin d'une quelconque analyse, pour moi. Enfin, merci pour le lien, mais j'irai pas perdre quelques zorros pour son bouquin.

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artichaut

le vendredi 19 juillet 2019 à 17h33

— je me suis demandé si ce fil ne serait pas en mieux en [Livre] qu'en [Texte], et puis du coup pour respecter le choix de @dede, j'ai créé le fil du livre (pour s'y exprimer sur le livre et non sur l'article) —

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