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Monogamie, polyamour hiérarchique, anarchie relationnelle : déconstruire le couple et ses hiérarchies

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Raphaelle

le mercredi 10 juin 2020 à 00h43

Situation d’énonciation : cet essai est écrit avec une vague maitrise de la sociologie. Ce texte propose des pistes de réflexion empreintes de subjectivités. Mes critiques sont dirigées vers des modèles et des discours – elles ne visent pas les individus. Je suis en situation poly depuis 2013, polyamour hiérarchique de 2013 à 2018 (heureuse de la majorité des moments vécus durant cette période), anarchie relationnelle depuis.

De même que la famille est la forme principale de l’héritage du pouvoir de classe, le couple est la forme sanctifiée de la relation amoureuse contemporaine. Le polyamour hiérarchique demeure centré sur le couple. Il est une divergence mineure à l’intérieur du système monogame, c’est-à-dire une légère variation de la norme relationnelle des sociétés capitalistes. Dans une approche résolument politique, le polyamour hiérarchique devrait se penser comme une structure transitionnelle, un point d’étape rassurant avant de se diriger vers des formes d’anarchie relationnelle qui construisent en dehors du couple, au-delà ou en-deçà de la notion de couple.

Parenthèse : se qualifier ou être qualifié·e de célibataire est une manière de se positionner ou d’être positionné·e à l’intérieur de la grille de lecture du couple.

Le cadre symbolique du polyamour hiérarchique est, dans ses grandes lignes, identique à celui de la monogamie. Le polyamour hiérarchique est, dans le meilleur des cas, une tentative réformiste plus molle que vive et dont les limites structurelles peuvent apparaitre rapidement (cf. mon texte précédent : La relation poly hiérarchisée : une structure soumise à fortes tensions). Dans le pire des cas, le polyamour hiérarchique est une révolte spectaculaire. Autrement dit, il est la transformation inoffensive d’une bulle d’insatisfaction, une forme vidée de ses potentiels contestataires, une soupape qui non seulement est intégrée en proche périphérie du système normatif mais qui permet aussi sa perpétuation.
J’insiste sur le fait que je ne juge pas des situations personnelles. Je souhaite mettre en exergue le conformisme du polyamour hiérarchique et, surtout, son système de privilèges qui implique inévitablement des dynamiques oppressives, à l’intérieur et à l’extérieur de la relation principale. Je n’ai aucune velléité de destruction de la monogamie et du polyamour hiérarchique, ce qui mettrait en jeux des forces réactives. Je préfère pencher du côté des puissances créatives, celles qui visent à un changement de perception afin de mettre en lumière la grille dans laquelle nous évoluons, cette grille qui nous colle à la peau, cette grille d’ordinaire invisible puisque nous y sommes, puisqu’elle nous habite. Il n’y a qu’en la sortant de nous, qu’en la révélant, que les pas de côtés, ceux qui nous emmèneront ailleurs, seront possibles.

Parenthèse : je n’idéalise pas l’anarchie relationnelle (étiquette qui contient une multiplicité de possibles). Le tissu social actuel n’est pas adapté aux formes relationnelles non-bourgeoises. L’anarchie relationnelle se construit dans les franges aveugles de la divinité janusienne capitalisme/patriarcat qui prône l’enfermement, le repli sur les micro-utopies incarnées par la réussite de son couple et du couple qui fait famille pour que puisse se perpétuer… vous avez compris la boucle, la spirale infernale.

Je suis lasse de lire et d’entendre que l’anarchie relationnelle serait un chaos individualiste (« individualiste » a, dans ces contextes, le sens « d’égoïste », sens qui diffère dans un vocabulaire anarchiste où individualiste rime davantage avec indépendant·e et non-conformiste). L’anarchie n’est pas l’anomie. L’anarchie, c’est l’ordre sans les lois (cf. les centaines de villes qui se constituèrent en communes libres en Espagne en 1936, expériences viables dans l’ensemble qui prirent fin à cause des militaires franquistes). L’anarchie en général, et relationnelle en particulier, implique obligatoirement de penser le collectif dans lequel les individus s’articulent. L’anarchie relationnelle s’envisage sous la forme d’un réseau vivant, d’un écosystème complexe dont la stabilité repose sur davantage que deux colonnes (il ne s’agit pas de se bâtir un monument à soi, à sa relation avec l’autre, l’Unique). Le couple, qu’il soit d’obédience mono ou poly, est pourtant souvent présenté comme moins égoïste. DEUX (in)dividus, dans UN couple qui, souvent, fonde UNE famille, seraient moins égoïstes. J’en doute fort. Leurs intérêts, qui découlent de la structure couple, vont se porter en priorité sur les personnes auxquelles elles sont liées le plus directement. Celles dans les bordures seront des variables ajustables. Si une attention sincère et des sentiments affectueux et/ou amoureux peuvent être portés aux personnes en dehors du premier cercle, elles n’en resteront pas moins secondaires (à moins de remplacer LA personne primaire). Le couple fait racine quand l’anarchie relationnelle fait rhizome. Le couple définit l’essentiel de sa vision d’à-venir à partir de lui. Les relations satellitaires n’ont qu’à s’adapter ou passer leur chemin. Dans l’anarchie relationnelle, toutes les relations sont les satellites d’une personne qui est elle-même le satellite des autres. Non seulement, il n’y a pas une entité dominante, bien que tous les satellites ne croisent pas aux mêmes distances – variables –, mais il a aussi un autre système de prise de décisions censé inclure l’ensemble de la constellation, sans avantage accordé à l’antériorité. Pour quelles raisons valables une personne présente avant les autres devrait bénéficier d’un pouvoir sur celles qui arrivent par la suite ?

J’entends venir la question du respect des engagements, laquelle se pose d’une manière plus insistante lorsque deux personnes (ou plus) choisissent d’élever au moins un·e enfant. Dans ce cas, le couple, la hiérarchie à l’intérieur d’un système poly, prend souvent force d’évidence. Elle est même pensée comme souhaitable. Il est incontestable que, dans bien des cas, il y a indéniablement des avantages à cette hiérarchie conservée ou rétablie, dans notre société. C’est la solution de facilité, pour une vie (plus) facile. Est-ce pour autant la bonne solution, pour une vie bonne ? Au prétexte d’offrir un cadre sécurisant à un·e enfant ou, plus exactement un cadre que l’on conçoit comme sécurisant pour iel sans qu’iel ait pu se prononcer, l’imagination d’autres modèles est laissée en plan. Et, surtout, les relations non-hiérarchiques se trouvent invalidées. Se battre pour de petites réformes arrachées de longues luttes à l’Etat pour aménager de petites bulles élargies, une extension de la famille classique, est un pis-aller, une solution rustine, voire une récupération normative des tentatives d’éloignement d’avec le modèle standard. Je préfère militer pour une abolition de la famille et du couple. Si l’anarchie relationnelle semble parfois moins adaptée pour élever des enfants, ce n’est en rien en raison de ses fondements mais à cause du modèle sociétal qui l’enserre. Il est profondément injuste de se servir de la constatation de la difficulté à élever un enfant·e sans rétablir de hiérarchie, sans créer des fermetures, pour invalider l’anarchie relationnelle. Il est plus pertinent de relever que notre société, son tissu symbolique et juridique, est peu adapté aux développements de nouvelles formes de groupes qui s’écarteraient de la famille traditionnelle, recomposée ou non.

Si la famille et son noyau (le couple) sont supprimés, à quoi se raccrocher ? Ce qui est en jeu ici, n’est pas une remise en cause de surface, un changement d’étiquette. En dynamitant famille et couple, ce sont les notions de pérennité et de compromis qui doivent être intégralement revues. Famille et couple sont formés dans une idée de plus-value, de forteresse socio-économique, et de transmission du pouvoir au sein de la forteresse (avec toutes les inégalités de transmissions que nous connaissons ; cf. « les couilles sur la table #59, le patrimoine, enjeu capital » : . Tout ce qui se trouve à l’extérieur de la forteresse est perçu comme un danger potentiel. Que quelqu’un·e s’approche et la peur de perdre ses privilèges monte. Au moins la monogamie non-toxique (non-toxique à l’intérieur du couple) a la décence de poser la fermeture comme principe tandis que le polyamour hiérarchique laisse des portes ouvertes sans toujours indiquer qu’il faudra faire vite demi-tour dans certaines salles (cf. mon texte précédent : La relation poly hiérarchisée : une structure soumise à fortes tensions). Dit autrement, le couple mono craint d’être envahit et pose des garde-fous pour limiter les possibilités d’envahissement. Le couple poly accepte un accueil partiel avec la crainte permanente d’un débordement. Pourquoi cette crainte ? Parce que le couple est en jeu. Le couple est l’enjeu. Le couple est un acquis que les autres menacent. La peur réside dans la perte d’un statut, d’un rapport à l’autre qui établit une supériorité sur les autres, un surplomb des autres. Le couple se vit nécessairement dans une dynamique conservatrice. L’anarchie relationnelle voit autrement les relations. La fin d’une relation n’y est pas envisagée comme un échec. Et, comme il n’y a pas de couple à perdre, le sentiment d’insécurité autour du couple n’existe pas. Faire couple, c’est du même coup générer l’insécurité de la perte du couple. Inventer le couple, c’était inventer son explosion, sa rupture. La situation de couple peut difficilement être vécue d’une manière sereine si elle n’est pas appréhendée comme une situation temporaire. L’écrasante majorité des définitions du mot « couple » vont dans ce sens, celui de la réunion occasionnelle de deux personnes. Son acception courante, sa forme connotative, est pourtant tout autre : l’occasionnel est tordu à l’extrême pour se rapprocher de l’habituel.
C’est à ce moment qu’arrivent les incontournables compromis. Si le fugace peut être transformé en pérenne, c’est par le biais des compromis, ces prétendus indispensables outils des adultes prétendument responsables. Le couple instaure comme obligatoire les compromis. Tu DOIS faire des compromis, sinon tu n’es pas investi·e, tu ne m’aimes pas vraiment, tu ne prends pas soin de moi, etc. La belle mécanique de culpabilisation, le beau marchandage sous forme d’un compromis contre un autre compromis. Il y a des compromis acceptables. Ce qui est problématique est l’obligation du compromis. Pourquoi à tout prix trouver un compromis plutôt que de se dire que la modification de la forme de la relation est aussi une possibilité, une possibilité pas moins bonne que le compromis ? Dans le cadre du polyamour hiérarchique, ces compromis peuvent prendre la forme de restrictions abusives sur les fréquentations de son/sa partenaire principal·e. Depuis sept ans, quand j’écoute des polys hiérarchiques, je constate que, dans la majorité des cas, lorsque est abordée la question de prendre soin, celle-ci est entendue comme prendre soin de la relation principale, c’est-à-dire faire attention à ce que les privilèges en place soient conservés. Pourquoi les nouvelles relations auraient-elles droit à moins d’égards que les anciennes ? Ah oui, l’antériorité, ce qu’ailleurs nous qualifierions de respects des traditions. Dans ce cas, il est souhaitable d’être arrivé·e la première ou le premier, d’occuper le sommet et d’ériger de hautes murailles pour en rendre moins facile l’accès (à une autre échelle, on obtient la forteresse Europe). Dans cette conception, il est évident que le sommet est un espace étroit et non un large plateau. Lorsque primaire/secondaire rime de plus en plus avec dominant·e/dominé·e·s, pouvons-nous continuer à qualifier d’éthique le polyamour hiérarchique ? L’éthique peut être présente mais circonscrite au couple. Les satellites feront sans. Il est entendu que les satellites ne se comporteraient pas d’une manière éthique s’iels ne conservaient pas une respectueuse distance. Chacun·e à sa place et que le couple soit révéré.

Longtemps, trop longtemps, j’ai établi une distinction entre une hiérarchie descriptive et une hiérarchie prescriptive. Je suis convaincue, aujourd’hui, qu’il s’agit d’une erreur. S’il est pertinent de réfléchir à certaines étiquettes sous la forme descriptif/prescriptif (cf. ici), penser la hiérarchie avec cette catégorisation est une fausse route, je dirais même plus un chemin dangereux. Dans les faits, la hiérarchie descriptive est une version diffuse de la hiérarchie prescriptive, une hiérarchie prescriptive qui ne dit pas son nom, impensée ou non-assumée.

Parenthèse : deux personnes en relation qui habitent ensemble ne sont pas nécessairement dans une situation hiérarchique. Hiérarchiser, c’est établir des privilèges, une classification des individus sur une échelle verticale. Si habiter ensemble est désarticulé de mécanismes de mise à distance des autres, de privilèges et d’une mise en scène de la supériorité de la relation des deux personnes partageant un même espace sur les autres, alors il est possible que deux personnes qui selon les standards classiques seraient qualifiées de couple, de relation principale, soient deux personnes qui vivent en anarchie relationnelle dans un habitat partagé.

Une base incontestée de l’anarchie relationnelle est l’absence de hiérarchie. La hiérarchie est, j’espère l’avoir bien fait ressortir, non seulement dommageable pour les personnes extérieures au couple mais aussi pour le couple lui-même. Je ne prétends pas qu’il soit aisé de sortir des dynamiques hiérarchiques et de les mettre à distance sans qu’elles reviennent de manières insidieuses. La hiérarchie, et les prises de pouvoir qu’elle entraine, doit être davantage pensée. Et, dans un second temps, déconstruite lorsque nous nous sentons suffisamment en confiance pour le faire. L’absence de hiérarchie ne signifie en aucun cas que toutes les relations doivent être équivalentes, bénéficier du même investissement, etc. Ne pas hiérarchiser ne veut pas dire que nous n’avons pas envie de passer plus de temps avec une relation qu’avec une autre. Mettre la hiérarchie de côté, renvient à ouvrir les possibles, à accepter la fluidité des parcours et des émotions, les envies variées et les besoins différents de chaque personne. Déconstruire la hiérarchie me semble positif pour l’ensemble des personnes d’une constellation. Peut-être qu’individuellement ou pour les paires soudées, il y a des choses à perdre mais l’écosystème relationnel ne peut en sortir que plus résilient, plus brillant. Et, avec le recul, ces choses perdues apparaitront pour ce qu’elles étaient, des scories limitantes, aliénantes.

L’anarchie relationnelle ne fleurira pas dans les intervalles, dans les marges laissées vacantes. Elle poussera dans les marges conquises, par nos mots et par nos actes.

Références/influences bibliographiques :
BOURCIER Sam, Homo inc.orporated : le triangle et la licorne qui pète, Paris, Cambourakis, coll. Sorcières 2017.
BOURDIEU Pierre, Manet, une révolution symbolique, Paris, Seuil : Raisons d'agir, coll. Cours & travaux, 2013.
DAMASIO Alain, La Zone du Dehors, Paris, Gallimard, coll. Folio S.-F, 2009, édition réécrite et postfacée [Paris, CyLibris, 1999].
DEBORD Guy, La Société du Spectacle, Paris, Gallimard, 1992 [Paris, Buchet-Chastel, 1967].
Et, une pincée de Gilles Deleuze.

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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artichaut

le mercredi 10 juin 2020 à 02h26

Merci pour ce nouveau texte (et pour la peine prise à nommer la situation d'énonciation et les Références/influences bibliographiques).

Il m'a manqué peut-être en introduction une définition du "couple". Et je me suis demandé qu'elle était le sujet principal du texte : en finir avec le couple ou vanter les mérites de l'anarchie relationnelle ?

Aussi mon premier sentiment est que ce texte semble considérer qu'il n'y a que trois façon de relationner : la monogamie, le polyamour hiérarchique, ou l'anarchie relationnelle (le célibat étant énoncé comme appartenant a la grille de lecture du couple, donc au duo monogamie+polyamour.hiérarchique).

Certes on peut se dire que c'est lié à ton vécu : tu ne parles que de ce par quoi tu es passée : monogamie (de-fait), puis polyamour hiérarchique, puis anarchie relationnelle. Voire même on peut avoir l'impression que d'une certaine manière tu cherches à faire de ton parcours un modèle à suivre (dixit « le polyamour hiérarchique devrait se penser comme une structure transitionnelle, un point d’étape rassurant avant de se diriger vers des formes d’anarchie relationnelle »).

Mais du coup, moi, m'a manqué une ouverture à d'autres possibles que la trinité étudiée. Que ces autres possibles aient d'ors et déjà leurs ptit'noms ou pas.
Je pense que l'on est +d'un·e qui ne se retrouvent dans aucun de ces trois modèles et qui, comme moi, ont peut-être alors du mal à appréhender ce texte.
Peut-être est-ce aussi pour ça que je posais la question du sujet principal du texte… je pourrais être tenter de creuser +avant mais ne sais sur quoi porter mon attention : la critique du "couple" ou la pertinence de "l'anarchie relationnelle"…

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Lili-Lutine

le mercredi 10 juin 2020 à 08h30

Vaniel


Parenthèse : se qualifier ou être qualifié·e de célibataire est une manière de se positionner ou d’être positionné·e à l’intérieur de la grille de lecture du couple.


Parenthèse : deux personnes en relation qui habitent ensemble ne sont pas nécessairement dans une situation hiérarchique. Hiérarchiser, c’est établir des privilèges, une classification des individus sur une échelle verticale. Si habiter ensemble est désarticulé de mécanismes de mise à distance des autres, de privilèges et d’une mise en scène de la supériorité de la relation des deux personnes partageant un même espace sur les autres, alors il est possible que deux personnes qui selon les standards classiques seraient qualifiées de couple, de relation principale, soient deux personnes qui vivent en anarchie relationnelle dans un habitat partagé.

Merci @Vaniel pour le travail que tu as fourni dans ce texte qui participe beaucoup à mes réflexions en ce moment dans ma recherche en mots sur ma situation actuelle.

Ma situation poly, ces dernières années, à évolué, c’est modifiée, aux travers de mes expériences, par une plus grande prise en compte de mes besoins, de ce qui, pour moi, me semble important à déconstruire dans ma situation, à penser, afin que ma parole et mes actes puissent être plus proche de ce que je suis en capacité de vivre et d’offrir aux personnes avec qui je suis en relation.

J’ai toujours eu besoin de mots avant d’être en capacité de bien vivre ce qui est bon pour moi.

Tout comme il me semble, que j’ai besoin de mots pour assumer mes choix, sans devoir toujours les justifier, sans devoir non plus, me mettre dans une situation de dominante ou de sachante.
Sans emmener des personnes à douter ou à culpabiliser sur la leur de situation parce qu’elles ne sont pas au même endroit que moi dans leurs besoins, leurs limites et leurs réflexions.
Que tout cela ne sera jamais, pour moi, ni un objectif à atteindre, ni des concepts à classifier sur une échelle de valeur verticale, mais bien plus dans l’idée de prendre grand soin de soi ET de nos proches.

Il m’est nécessaire de bien savoir en parler autant à mon entourage qu’à mes relations en devenir ou en place.
C’est d’autant plus nécessaire pour moi, que je sais maintenant combien c’est important et rassurant, plus sécure, pour mes proches, que ma parole soit «  impeccable », c’est à dire en intention d’honnêteté et de sincérité.
Sur un plan intellectuelle tout autant que sur celui de ma pratique.

Tout cela va agrandir ma capacité à savoir en parler avec plus de clarté, avec des mots bien plus concis.

Pour moi, il me semble que ton texte part avant tout de ton expérience personnelle, de là où se situe actuellement tes réflexions et ton vécu, tu ne théorise pas au delà, comme par exemple vers des modèles que tu connais moins peut-être, ou que tu aborderas plus tard.

Mais comme @artichaut je serais curieuse d’en savoir plus, et notamment sur la façon dont tu vois les autres modèles, ce que tu peux en dire, comment tu peux nous emmener plus loin encore dans cette voie d’ouverture vers d’autres possibles de penser et de vivre nos relations poly, autant dans nos fonctionnements que dans ceux de nos réflexions.

Message modifié par son auteur il y a 3 ans.

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Raphaelle

le mercredi 10 juin 2020 à 16h57

artichaud
Il m'a manqué peut-être en introduction une définition du "couple".

Bonne remarque ! Je n'ai effectivement pas proposé une définition du "couple" au début du texte. Je pense que le suite du texte permet de la déduire : le couple serait une paire d'individus, une association contractuelle ou non de deux personnes réunies autour de sentiments communs et/ou d'objectifs communs. C'est son sens le plus strict. Son acception la plus courante place le couple comme une structure non duplicable dans le même espace-temps. Cependant, il est possible d'envisager qu'une personne fasse plusieurs couples avec plusieurs personnes. Sauf que dans tous les cas que je connais qui s'en rapprocheraient, les personnes tendent à refuser l'étiquette couple, trop connotée par son caractère exclusif. Pour améliorer ma réponse, il faudrait l'éclairage d'un·e sociologue ou que je lise davantage sur cette question.

artichaud
Et je me suis demandé qu'elle était le sujet principal du texte : en finir avec le couple ou vanter les mérites de l'anarchie relationnelle ?

L'anarchie relationnelle a le mérite d'apporter les outils pour en finir avec le couple. Et, propose des alternatives viables à l'absence de couple. Ce texte est celui que j'aurais aimé trouvé lorsque j'ai commencé à m'intéresser aux relations plurielles. Il est, avant tout, une mise en garde, un retour critique, sur le polyamour hiérarchique. Disons que ce texte entremêle plusieurs sujets qui permettent des éclairages réciproques.

artichaud
mon premier sentiment est que ce texte semble considérer qu'il n'y a que trois façon de relationner : la monogamie, le polyamour hiérarchique, ou l'anarchie relationnelle

Ce n'est pas l'idée que je voulais donner. Monogamie (ou mono-amour lorsqu'il n'y a pas de contrat), polyamour hiérarchique et anarchie relationnelle m'apparaissent comme trois catégories qui comprennent des sous-catégories, une infinité de variantes. Je pourrais multiplier les étiquettes, les appellations. Dernièrement, j'ai lu une personne qui préférait parler de "fluidité relationnelle" plutôt que d'anarchie relationnelle.
Je reprends ma réponse (Jim Dalva) au post de Zach Spectresur la page polyamour fb : "Dans les grandes lignes de ce que tu as écrit, je ne vois pas la différence entre la fluidité relationnelle et l'anarchie relationnelle, à moins de considéré la fluidité relationnelle comme une version dépolitisée de l'anarchie relationnelle, ce qui ne fait pas sens comme l'a noté Jules Peron plus haut. S'il est possible de mettre à distance les aspects politiques, poser qu'un "modèle" relationnel marginal qui va à l'encontre des structures sociales bourgeoises est délié du politique est un impensé qu'à titre personnel je trouve problématique.
Je ne vais surtout pas contester ton droit à t'autodéfinir. En revanche, j'ai envie de pointer un danger de la multiplication d'étiquettes similaires, le danger de l'émiettement et de la désidentification (danger mis en évidence, dans un autre registre, dans les théories post-queer) qui aboutit à des guerres de chapelles et, surtout, à une difficulté à se reconnaître et à construire entre personnes qui ont au minimum des aspirations communes. Identifiées, ces aspirations communes peuvent, éventuellement, aboutir à des luttes contre (forces réactives) ou à des projets utopiques. D'autre part, même en survolant rapidement l'anarchisme, il apparaît très vite qu'il existe autant de sensibilités anarchistes que de figures anarchistes. Le terme "d'anarchie relationnel" contient donc déjà en son sein une extraordinaire multiplicité."

artichaud
on peut avoir l'impression que d'une certaine manière tu cherches à faire de ton parcours un modèle à suivre (dixit « le polyamour hiérarchique devrait se penser comme une structure transitionnelle, un point d’étape rassurant avant de se diriger vers des formes d’anarchie relationnelle »).

Mon parcours n'est pas un modèle ou n'est qu'un modèle parmi d'autres, un cheminement imparfait. Je suis consciente que mon texte peut donner l'impression d'une progression linaire dans mon parcours, dans ma pensée. Il n'en est rien.
J'ai longtemps pesé l'emploi du verbe "devoir" que j'ai peu l'habitude d'utiliser à cause de son caractère injonctif. Si je l'ai utilisé, c'est parce que je suis convaincue que le polyamour hiérarchique, installé dans la durée, fait des dégâts. En revanche, je vois un biais dans la suite de la phrase. J'aurais du écrire "un point d'étape rassurant avant de se diriger vers des ailleurs", ce qui signifierais la possibilité du repli vers la monogamie par exemple. Mais, comme ce texte est partisan du dépassement du couple, j'appuie dans la direction où il s'efface.

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Raphaelle

le mercredi 10 juin 2020 à 17h07

Lili-Lutine
Pour moi, il me semble que ton texte part avant tout de ton expérience personnelle, de là où se situe actuellement tes réflexions et ton vécu, tu ne théorise pas au delà, comme par exemple vers des modèles que tu connais moins peut-être, ou que tu aborderas plus tard.

Je suis d'accord pour dire que je construit des pistes théoriques à partir de mon vécu et du vécu des personnes qui me sont proches, ainsi que de tous les témoignages que j'ai reçus en tant qu'organisatrice d'événements poly.
Je serais curieuse qu'artichaud et toi développiez sur ces autres modèles qui me semblent être présents dans les ramifications de l'anarchie relationnelle, au moins pour une partie d'entre eux et à l'exception d'une posture de retrait, non-relationnelle en quelque sorte.

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artichaut

le jeudi 11 juin 2020 à 01h49

J'ai l'envie (et même le besoin je pense), avant d'aller +avant dans la discussion, d'expliciter en quoi « l'anarchie relationnelle » ne me convient pas (sachant que je ne me ressent ni monogame ni poly-hiérarchique). Ceci m'aidera à y voir +clair, je pense, tant pour moi-même, qu'en vue d'un polylogue. Cela me permettra de rassembler quelques idées que je n'ai pas trop le sentiment de lire, ni même d'entendre autour de moi et donc d'étayer le débat vers, je le souhaite, d'autres possibles.

Je préfère ne pas le faire sur ce fil, pour ne pas décentrer ce fil de son sujet. Du coup je pense que je le ferais sur un autre fil (quand je trouverais le temps de faire ça), puis reviendrais discuter ici.

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Erion

le jeudi 11 juin 2020 à 10h14

Parce que ce texte peut laisser croire que l'anarchie relationnelle se résume à une absence de hiérarchie entre relations, je publie ici un texte que j'ai écrit pour différencier l'AR du polyamour : 
https://www.facebook.com/notes/r%C3%A9flexions-sur...

Et j'ajoute un commentaire que j'ai écrit en commentaire sur le groupe Facebook Polyamour :

"Ce qui m'amène au second point qui me tient à coeur : d'où je parle.
J'administre un groupe Facebook sur l'anarchie relationnelle. De nombreux textes proposent des définitions de l'AR proches du polyamour non-hiérarchique. Et régulièrement, je reçois des personnes sur ce groupe, convaincues d'être anarels parce qu'elles pratiquent du polyamour non-hiérarchique. Et quand je leur exprime que j'estime que les deux sont assez différents, ces personnes sont étonnées.
C'est la lassitude de me retrouver encore et encore pris dans ce genre d'échange qui me fait m'exprimer ici.
Pour moi, les anarels ont un chantier, un chantier qui me paraît très ambitieux : celui de transformer en profondeur notre imaginaire (et donc nos pratiques) des relations affectives, probablement en les recentrant autour des richesses de l'amitié. Et je pense que ma lassitude de ces échanges exprime mon envie que les anarels consacrent bien davantage leur énergie et leur créativité à la transformation de cet imaginaire.
Le thème de l'influence des hiérarchies dans les relations me paraît aujourd'hui devoir être laissé au domaine du polyamour."

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Raphaelle

le jeudi 11 juin 2020 à 18h04

J'attends de te lire avec impatience artichaut.

Merci pour ce partage Erion.
A mon sens, mais peut-être n'est-ce pas clair lorsque je l'ai écrit, l'absence de hiérarchie est aussi une absence de hiérarchie entre différents types de relations (amoureuses, amicales, etc.). Pour ma part, je ne trouve plus aucune démarcation pertinente entre amour et amitié, et je ne cherche plus à en trouver.

Erion
Le thème de l'influence des hiérarchies dans les relations me paraît aujourd'hui devoir être laissé au domaine du polyamour.

Sur ce point, j'ai un gros désaccord (mais peut-être est-ce une incompréhension ?). J'aimerais pouvoir dire la même chose, que l'anarel, entre autres, a autre chose à faire que se préoccuper de ce qu'elle a mis à distance... sauf que mettre à distance les hiérarchies et les y tenir dans la durée, sans continuellement les interroger, c'est courir le risque qu'elles reviennent par les petites portes. L'anarel peut-elle vraiment éluder la question des hiérarchies ? Nous vivons dans des sociétés construites sur des oppressions, des mécanismes de pouvoir. Nous ne sommes pas tou·te·s égaux/égales. Etc. Il me semble que c'est encore un peu tôt pour que des groupes d'individus puissent s'abstenir de continuer à réfléchir aux hiérarchies. Là dessus, je serais heureuse de me tromper.

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artichaut

le jeudi 11 juin 2020 à 19h18

— au fait, n'hésitez pas @Vaniel, @Erion et les autres à proposez vos textes comme articles du site, plutôt que de seulement les publier/mentionner ici en pages discussions : ça peut à la fois leur donner +de visibilité, et à la fois inciter d'autres à publier des articles à leur tour, et donc favoriser le débat et les réflexions —

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