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[Vocabulaire] Relation ou pas ?

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artichaut

le mercredi 06 août 2025 à 10h31

Il est vrai que ce fil s'est initié sur : à partir de quand « Relation ou pas ? » (sous-entendant, et ne remettant pas en cause, l'emploi même du mot relation) ; ce que j'ai amené par la suite sous l'angle (de la pertinence) du vocabulaire.

Du coup aujourd'hui, presque je l'entends comme : à partir de quand devient-on (mono)game ?

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Siestacorta

le mercredi 06 août 2025 à 11h55

Beh même si je comprend que ton questionnement passe par la limite, que tu joues avec pour voir ce qui bouge, ça pose un peu :
relation (= intimité affective+sexuelle) = amour (= couple = hiérarchies des liens = exclusivités) = monogamie = norme.
Et j'entends que les derniers mots pèsent aujourd'hui sur le sens qu'on donne aux premiers quand on en discute pas, mais à mon sens, dans des dialogues de travail relationnel et dans des dialogues intimes, ces mots là permettent encore d'échanger.

Ils sont assez différents, déjà, même des couples moins visiblement hétérodoxes que les partenairers non-exclusifs sortent de cette continuité par plein de bouts (et peuvent bien s'en porter). Et je peux les préciser de pleins de qualificatifs.
Je ne met pas d'évidence dans les termes relation et amour : je suis très méfiant à leur égard. Surtout dans amour...
Ptett moins que toi ? Mais pas tant.
Je ne les estime pas interchangeables, je tente au contraire de toucher, dans un échange, le moment où un manque de nuance marque un non-dit, qui n'est pas "seulement" la norme, mais la façon spécifique dont telle personne l'a intégrée. C'est à dire, pas seulement parce que la norme a produit les besoins relationnels de la personne, mais parce que la personne en a de toutes façons.
Moi aussi je pars d'un point où je sais que la norme risque de décider à ma place si je ne la reconnais pas en moi et dans le temps, moi aussi je cherche à ce que l'autre et moi gagnions de l'agentivité en ayant conscience de cela.
Pour partir d'une autre limite, je n'estime pas que les gens en relation exclusive ou mono vont pas pouvoir y trouver leur bien. L'enjeu, c'est que ce soit choisi, pensé.

Si ce choix leur convient, et qu'ils y mettent ce nom, même après réflexion ? Va bene.
Dès lors, dans une époque de norme mono, je peux dire va bene à beaucoup de non-exclusivités... Quand je vois le travail en train de se faire, quand j'entends la prise en compte des autres. Une fois que les gens se collettent à leurs besoins/limites / responsabilités, leur chemin n'est ni une question d'ouverture idéale, ni de norme. Ce travail compte plus qu'un horizon à dépasser, que j'ai pas atteint.
Tu pars des interactions, pour être plus concret. Mais je manque de perspective, avec ça.

Message modifié par son auteur il y a un mois.

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Alabama

le mercredi 06 août 2025 à 23h11

Siestacorta
Autrement dit, balayer les étiquettes relationnelles, "se libérer" de la forme relation, ça peut revenir à se déclarer systématiquement libre de ne pas répondre aux besoins et aux limites de l'autre, qu'il a exprimés en se référant à telle ou telle forme de relation. Si je rejette d'emblée les termes, je peux en venir à rejeter tes besoins parce que ça ne nous émancipe pas assez.

Je suis assez d'accord avec ça.
Et c'est une des raisons pour lesquelles je n'ai quasiment jamais utilisé le terme "anarchie relationnelle". Pourtant, il me correspond globalement. Mais je mesure à quel point cette conception, dans un monde où les inégalités sont beaucoup trop criantes (homme>femme, blanc>noir, cisgenre>transgenre, etc.), peut servir à reproduire de la domination.

Siestacorta
"Qu'est-ce que tu entends par amour, par relation", ce sont des questions à poser; et qui même sans aller jusqu'à dire "bah c'est des faux repères, on s'en débarrasse", font déjà peur à etre explicitemebt posées : "ah, merde, c'est pas évident toussa, ? alors peut-être que ça va pas être ce que je veux,? et peut-être j'aurai rien oskour ?"!

Oui j'aime beaucoup ce passage. Je pense que quand on cherche "autre chose", commencer par expliciter ce qu'on met chacun·e derrière les mots normés, quelles sont nos attentes et nos besoins, c'est sans doute la base sur laquelle il va éventuellement être possible de construire quelque chose de sain. On dérive un peu du sujet de base mais je trouve ça passionnant et tes posts mettent le doigt de manière très détaillée sur ce qui peut venir me gratter dans "je ne veux plus de relation car relation = monogamie".

artichaut
Pas du tout d'accord. Le propre des mots de la norme, c'est qu'ils ne disent rien et fonctionnent sur le l'implicite (qu'on est censé comprendre, connaître, transmettre et utiliser). Refuser d'utiliser ces mots-là, c'est refuser l'implicite normé. S'obstiner à utiliser ces mots-là, c'est continuer de propager le sens qu'ils portent, et les oppressions qui vont avec. On ne démolira pas la maison du maître avec les outils du maître.

Pas d'accord non plus avec ce que tu dis.
Il faudrait contextualiser. Je pense que c'est très compliqué de généraliser sans donner d'exemples.
Dans certains contextes, les mots normés créent de la discrimination et de la domination et comme tu le dis, des malentendus puisqu'ils sont basés sur de l'implicite.

Dans d'autres contextes, c'est de ne pas du tout les utiliser qui peut en créer. Cela dépend de ta position vis-à-vis de la personne avec qui tu interagis.

Il me semble, et je crois que c'est ce que dit Siestacorta, qu'il est plus respectueux quand on a une longueur d'avance en terme de recul sur la norme par rapport à l'autre, de partir des mots normés pour les redéfinir ensemble, et y aller pas à pas avec l'autre.

Pour revenir sur le terme "relation" et utiliser d'autres mots.

Pour moi la relation, cela veut aussi dire construire un lien avec l'autre. Sans relation, je suis seule, et je décide seule. Il y a aussi une notion d'engagement. C'est là où l'implicite est problématique : si on ne se dit pas clairement à quoi on s'engage et à quoi on ne s'engage pas, ça devient casse-gueule. Déjà que même en explicitant c'est pas simple du tout. Mais si on retire toute notion d'engagement, alors à mon sens on arrive à un endroit extrême d'individualisme et d'égocentrisme.

Dans le terme "interaction", j'entends qu'il n'y a aucune continuité, qu'on ne peut s'appuyer sur rien et que tout est à redéfinir à chaque instant.

artichaut
Ça implique de ne compter sur personne en particulier, mais faire plutôt confiance au global.

Mouais.
Je trouve ça joli sur le papier.
Dans la vie réelle, bof.
La monogamie, le mariage, la famille, aussi imparfait que soit tout ce système, a le mérite de clarifier des contrats relationnels. On peut compter les un·e·s sur les autres, il y a même des lois qui nous y obligent. Si l'on fait table rase de cela, en ne remplaçant par rien de concret, juste des "interactions" qui n'engagent à rien (c'est comme ça que je comprends le concept d'interaction), on crée un monde monstrueusement individualiste et qui laisse les plus précaires sur le carreau. De manière bien pire que ce qui existe déjà.

Pour ma part, je n'ai rien contre le contrat que constitue la relation. Bien au contraire.
Plutôt que de démolir tous les éléments qui constituent la monogamie en enterrant la relation, je préfère au contraire élargir son sens.
Interagir me semble appauvrir le lien humain plutôt que l'enrichir ou le désenchaîner. Ça me donne la sensation d'un ultralibéralisme de la relation humaine. Mais j'ai peut-être mal compris, d'où mes questions pour que tu explicites certaines choses.

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artichaut

le jeudi 07 août 2025 à 10h52

Alabama
d'où mes questions pour que tu explicites certaines choses.

J'y répondrai, mais plus tard (là suis peu dispo, alors je me contente de laisser ricocher ma pensée).

Hier le mot Partenaire a popé. Je me suis dit « à la limite, je préfère le mot Partenaire à la charge symbolique du mot Relation ».
Dans Partenaire j'entends le avec sans la charge injonctive de LA-RE-LA-TION. On peut être partenaires de jeu, partenaire de tendresse, partenaire de travail, partenaires de camping. On peut certes aussi être partenaires de vie (ce que j'apellerais la version "mono") mais ça ne va pas de soi, c'est une possibilité parmi d'autres, et qui nécessite d'être explicitée.

Mais en réalité ce terme, si je l'ai aussi utilisé, ne me convient pas beaucoup plus. Je trouve qu'il contient ausi ce truc de dualité, d'élection, d'inaltérabilité.
Même si je trouve que ça fait sens (pour moi) de critiquer le mot « relation » tellement il me semble porteur de monogamie invisible et tacite (et sans doute je reviendrai encore et encore affiner ici ma critique), il est peut-être temps de décrire en positif comment je vis (ou aimerais vivre). Avec toutes les précautions de langage nécessaires pour ce faire.

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HiBou

le vendredi 08 août 2025 à 11h29

Coucou,
il y a beaucoup de vos réponses (je ne vais pas citer pour ne pas accuser untel ou untelle) qui sont assez révélatrices de ce que chacun met comme attentes dans la création de la "relation", du moment partagé avec l'autre (et pas forcément dans le présent).
Je me demande si ce ne sont pas ces attentes, qui viennent justement déstabiliser l'équilibre relationnel, le rendre toxique, dans le sens ou comme on a un manque et qu'on ne sait le combler seul, on va aller chercher un autre (notre future "relation") afin qu'il nous apporte de quoi nous nourrir.

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artichaut

le dimanche 10 août 2025 à 02h05

Alabama
J'ai du mal à comprendre ce que tu veux dire concrètement par là. J'ai la sensation que tu essaies d'exprimer quelque chose qui serait différent de la norme, et donc j'ai besoin que tu définisses cette norme pour mieux imaginer ce que tu veux dire par "micro-ruptures" ou "ne plus aimer l'autre" tout en ayant "des élans, des pensées" et même "des émotions"...
Ce serait quoi, l'inverse de ce que tu dis ?

Bon, je vais essayer de prendre le temps d'enfin répondre à cette question.

Mon concept de micro-ruptures s'inspire du concept des micro-moments d'amours (c'est bien de suivre les liens).

Disons qu'en gros, j'ai le sentiment que le concept de relation, ou l'idéal normé (donc que je nomme facilement "monogame") des relations — notamment amoureuses — est quelque chose d'intense, continu, durable, voire immuable (puisqu'idéalement parfait), etc.
Soit un long fleuve tranquille, soit un long fleuve intranquille, mais toujours un fleuve (quand c'est pas une autoroute).

Et rarement on parle de, et encore moins valorise, des relations discontinues, intermittentes, ponctuelles, irrégulières, imprévisibles, impermanentes, etc. Comme peut-être ce que toi même tu nomme comète (qui dit bien leur caractère étrange ou vu_comme_exceptionnel) et que tu caractérise comme "besoin de très peu d'engagement".

Perso j'associe ce "fleuve" au mythe d'aristophane, d'une relation fusionnelle, mais appliqué au temps, à la durée. La monogamie la pense unique, là où le "polyamour" sera tenté de la vivre dans chacune (en tout cas idéalement plusieurs) de ses relations. Mais dans les deux cas il y a l'idée et l'envie d'une continuité.

Ce mythe/fantasme/croyance de la continuité, de la permanence, se retrouve dans le concept d'amour censé être constant (voire parfois inconditionnel) et dans la plus_pure_monogamie : du coup de foudre jusqu'à la mort, voire même au delà.

Et perso, j'ai le sentiment — que l'on soit mono, poly, anarel… — qu'on a tendance à la recalquer dans la plupart, voire toutes nos relations. Une relation n'est pas un truc qui s'arrête, c'est un truc continu. On n'arrête pas d'être en relation, car ponctuellement on ne se voit plus. (alors qu'en réalité, on se voit probablement moins qu'on ne se voit_pas, donc la 'norme', la référence devrait être plutôt de ne pas se voir).

Et j'ai l'impression qu'en contexte poly, qui peut impliquer la déconjugalisation (ne pas habiter ensemble) ou en tout cas le partage du temps (entre plusieurs relations), il peut y avoir un fort enjeu sur ce qu'on fait de la relation, lorsqu'on n'est pas avec l'autre (les autres), ou pire lorsqu'on est avec un·e autre.

On peut vite se sentir abandonné, délaissé, etc. Et ce forum regorge de témoignages en ce sens.


Or réalistement, on n'est que peu ensemble, on ne pense que peu à l'autre (les autres), on n'aime pas de manière continue, etc, etc.
La vie est mouvement, elle est tout sauf permanente, et nos liens sont tout sauf continus.

C'est comme si il fallait compenser, sans cesse se rassurer mutuellement, palier à la discontinuité de nos liens, par un sur-investissement des vides, de ces moments, où l'on n'est pas ensemble, ou bien où l'on ne pense pas à l'autre (les autres), voire où très sincérement, soyons honnêtes, on n'est pas en connexion et on n'aime pas l'autre (les autres).
Car juste on est ailleurs… et pourquoi pas (en réel ou en pensée ou en amour) avec un·e autre. Mais aussi… pourquoi pas… avec soi-même, avec le vide, les fourmis, Dieu, ou ce que vous voulez.

Et je trouve qu'on se mets une pression de ouf à compenser. Où qu'on met une pression de ouf à l'autre pour que sans cesse il/elle nous rassure.

Perso, j'ai besoin de beaucoup de temps avec moi-même. J'ai besoin de couper avec l'autre (les autres). J'ai besoin parfois de ne pas être là pour l'autre. J'ai besoin aussi de ne pas être indispensable, voire d'être rassuré que si je meurs demain, l'autre ne va pas s'effondrer. J'ai besoin de savoir que l'autre (les autres) ne comptent pas que sur moi, et que d'autres sont là pour elle/lui (merci compersion).

Et j'ai aussi besoin de sentir qu'on apprivoise la grande rupture (la mort à venir et l'impermanence de toutes choses). Et que donc on aille vers essayer de vivres des ruptures de manière moins trash. Et que donc on s'entraîne à vivre des micro-ruptures de manière sereine. Et pas toujours reporter ça à la saint glin glin.

Nos liens sont éminemment faits de micro-ruptures, et sont fait de plus de vide que de plein. Peut-on aller vers une acceptation progressive de ce fait ? Et pourrait-on aussi y trouver de la joie ? Ou au moins de la paix ?

Se réjouir de ce qui est là, et cesser de se focaliser sur ce qui n'est pas là.


Le concept de relation me semble fonctionner comme un leurre, convoquer un idéal inatteignable, et nous maintenir dans une frustration, elle quasi permanente.

Accepter de regarder la mort et l'impermanence en face, accepter la discontinuité de nos liens et de nos amours, et donc accepter les ruptures (giga ou micro) et en attendant accepter qu'on ne sera jamais en relation avec quiconque, si ce n'est avec soi-même ; me semble sinon salvateur du moins ouvrir une autre façon de voir, penser et surtout vivre les liens qui nous unissent, nous séparent, nous réunissent et nous reséparent sans cesse.


Et comme m'a dit un jour une personne de ce forum, alors que je vivais une rupture : « Le bon côté c'est qu'une rupture n'est pas vouée à être éternelle non plus ! »
Ça m'avait tellement fait réfléchir…
Comme si on me retournait le cerveau, et que je voyais enfin ce que jusque-là je refusais de regarder.
Non pas espérer et attendre une réconciliation, mais juste prendre conscience qu'une rupture est le pendant de la relation, que ni l'une ni l'autre ne sont éternelle ou permanente en soi, que l'impermanence c'est la vie, et que la vie c'est la seule chose que l'on ai.

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Alabama

le lundi 11 août 2025 à 00h28

J'avais fait une réponse assez longue, et puis bon, elle s'est perdue dans les limbes de l'informatique au moment de l'envoi.
C'est pas plus mal, ça va m'obliger à la concision.

D'abord, merci @artichaut d'avoir pris le temps de répondre et développer.

Ensuite, je crois qu'au fond, je ne suis pas tant en désaccord avec toi sur ce que tu essaies de dire. Je tends plutôt vers des relations qui puissent être résilientes, qui puissent s'adapter aux aléas de la vie, et sans doute qu'en ce sens, ça rejoint un peu ce que tu dis.

Mais je n'adhère pas à cette idée d'accumulation de micro-moments d'amour. Déjà parce que dans la vidéo en question, ça parle de sentiment d'amour mais pas d'aimer en action et que pour moi, l'un sans l'autre correspond encore à une vision Disney de ce qu'est l'amour et ça ne me parle pas (plus).

Aussi parce que la continuité, l'espoir de se revoir, sont pour moi des éléments importants pour construire de la confiance. Mais que veut dire continuité ? Je crois qu'on en a toustes une définition différente. Pour moi c'est simplement compter sur le fait que je vais revoir une personne dans un délai relativement régulier et qui diffère d'une relation à l'autre : certaines relations, je m'attends à les voir toutes les semaines, d'autres tous les 3 mois. Effectivement quand il y a "rupture" de cette régularité, ça me fait de la frustration, de la tristesse et tout le toutim. Mais je ne pense pas qu'on puisse éviter tout ça. Je préfère vivre ce qu'il y a à vivre de douloureux, plutôt que de tenter des stratégies pour avoir moins de douleur.
Je préfère reconnaître que j'ai des besoins/attentes qui seront parfois (souvent) pas remplis, quitte à m'éloigner quand dans certaines relations c'est trop récurrent et que je n'y trouve plus mon compte, plutôt que chercher à diminuer ces besoins/attentes avec l'espoir de moins souffrir. Je suis ok avec le fait de souffrir. Bon me redemandez pas ça pendant que je souffre par contre.

Message modifié par son auteur il y a un mois.

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artichaut

le lundi 11 août 2025 à 10h55

Alabama
J'avais fait une réponse assez longue, et puis bon, elle s'est perdue dans les limbes de l'informatique au moment de l'envoi.

Zut alors !
Mais ok pour la concision.

Alabama
Mais je n'adhère pas à cette idée d'accumulation de micro-moments d'amour. Déjà parce que dans la vidéo en question, ça parle de sentiment d'amour mais pas d'aimer en action et que pour moi, l'un sans l'autre correspond encore à une vision Disney de ce qu'est l'amour et ça ne me parle pas (plus).

Sur ça, j'ai choisi de répondre dans le fil dédié.

Alabama
Aussi parce que la continuité, l'espoir de se revoir, sont pour moi des éléments importants pour construire de la confiance. Mais que veut dire continuité ? Je crois qu'on en a toustes une définition différente. Pour moi c'est simplement compter sur le fait que je vais revoir une personne dans un délai relativement régulier et qui diffère d'une relation à l'autre : certaines relations, je m'attends à les voir toutes les semaines, d'autres tous les 3 mois.

Peut-on dire que tu a besoin d'un sentiment de continuité ? (puisque tu plussoie qu'il n'y a pas réelle continuité) Et que ça passe pour toi, par une certaine régularité (variable selon les personnes et les liens que tu construit).
Et pour rester dans le sujet du fil, que c'est cette régularité qui entre-autre, fait relation pour toi ? (en plus des actes d'amour, etc)

Alabama
plutôt que chercher à diminuer ces besoins/attentes avec l'espoir de moins souffrir.

Perso ce n'est pas tant l'espoir de moins souffrir, qui m'inciterais à diminuer mes attentes, c'est que perso je les trouve infondées (ou en tout cas, ce sont elles mêmes des stratégies pour répondre à mes besoins) et que très concrétement je vis mieux avec moins d'attentes.
…mais au final j'en arrive à la même conclusion : m'éloigner quand certaines relations ne me corresponde pas (et accepter que l'autre s'éloigne idem).

J'ai l'impression que ta stratégie pour avoir moins de douleur est désormais de nommer/assumer tes attentes.
La mienne est de ne pas compter sur l'autre (avoir moins d'attentes) pour répondre à mes besoins, de ne pas attendre de l'autre (un autre en particulier) qu'il/elle réponde à mes besoins.

Et c'est là qu'on rejoint un truc genré. Les personnes AFAN (assigné·es féminin à la naissance) ont été sociailsé·es pour donner beaucoup (et au passage ignorer leurs besoins). Ce qui fait qu'en tant que mec (personne AMAN) en contexte hétéro on reçoit déjà beaucoup sans avoir à le demander. Donc on est de fait plus entraîné à avoir peu d'attentes (et généralement peu conscients de nos besoins).

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artichaut

le vendredi 15 août 2025 à 02h56

Alabama

artichaut
Ça implique de ne compter sur personne en particulier, mais faire plutôt confiance au global.

Mouais.
Je trouve ça joli sur le papier.
Dans la vie réelle, bof.

Je conçois le bof. Et j'ai pu l'habiter aussi.

Pourtant j'ai le sentiment qu'il y a là quelque chose de vraiment intéressant, et très important pour moi.
L'idée du réseau affectif, plutôt que de continuer, autrement, le système monogame est dévelloppé depuis longtemps en Espagne, et pas juste comme une jolie théorie.

Plus largement je suis convaincu que l'amour appelle l'amour, que le don est contagieux.

Quand je donne (du temps, des coups de main, de l'argent, de l'amour…) j'essaie de ne rien attendre en retour.
Je n'aime pas le sentiment de redevabilité, et les services boomerang que l'on rend à la personne qui nous a donné.
J'aime l'idée d'une solidarité (même en amour) élastique et rézotique. On peut donner à l'un·e et recevoir d'un·e autre.

J'aime les groupes où quand l'un·e a besoin de soutien, et qu'un·e autre n'est pas dispo, un·e autre autre peut-être est dispo (et parfois personne n'est dispo est c'est pas grave).

Quand j'invite chez moi je pars du principe que je vais tout faire : faire les courses, prendre la charge mentale d'imaginer des repas, faire les repas, faire la vaisselle… je ne m'attends à aucune aide, et du coup tout aide qui pourrait venir, devient comme un cadeau de la vie.

Ces temps-ci je vivais ce que je pourrais nommer des phases quelque peu dépressives (pardon, je ne veux pas voler un terme médical, à des personnes vivant réellement une dépression, mais l'image météorologique me semble parlante) et je pouvais me sentir esseulé, peu en contact, peu en connexion avec mes proches, et même en perte de sens quand à ce que je fais de ma vie.
Et soudain une proposition est venue d'un endroit où je ne l'attendais pas du tout (et en l'occurence d'un homme) et ça m'a fait me dire « artichaut, tu as raison de faire confiance à la vie ».
Cette proposition, si je l'avais attendue, je pense que je l'aurais trouvée "normale" donc peu satisfaisante.

Se réjouir de peu, de ce qui est là et pourrait ne pas être là. Cesser de vouloir toujours plus, comme dit @Topper.

C'est un fil ténu, c'est pas facile tous les jours, mais je trouve la récompense à la hauteur de l'enjeu.
C'est mon vécu, et mes tentatives — paradoxales peut-être — de quitter le territoire de la frustration.

Et plus j'avance dans la vie (l'âge qui avance, le corps qui répond moins bien, ne plus être dans la tranche d'âge des personnes désirables, la vie post-covid déshumanisée, la retraite, la mort qui approche de plus en plus…) plus ça me semble le bon chemin, en tout cas pour moi.

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Alabama

le dimanche 17 août 2025 à 08h50

Brigitte Vassallo
[...]nous nous consacrons à faire des conférences ou à écrire des articles (comme cette « dénommée » Vasallo), comme si des femmes n’avaient pas besoin de la monogamie pour pouvoir élever leurs enfants, pour ne donner que cet exemple fort évident.

Je cite ce passage de l'article dont tu as mis le lien @artichaut.
C'est justement de ça dont je parle, quand je dis que dans la vie réelle, "bof".
Pour ma part, dans un système aussi impitoyable que le capitalisme patriarcal, j'ai besoin de relations engagées, de savoir sur qui je peux compter. J'ai besoin d'avoir des personnes autour de moi qui s'inquiètent de comment je vais. Qui sont engagées dans un lien avec moi, pas uniquement basé sur l'échange ponctuel et le reste on verra.
L'individualisme ambiant fait que globalement, à part le mariage, rien n'engage à rien. Être en relation, et à fortiori dans des relations où les liens sont forts, et exprimés comme tels, c'est aussi assurer une forme de sécurité pour les moments difficiles, que ce soit matériellement ou psychiquement.
Nous ne vivons pas dans des communautés soudées, pour la majorité d'entre nous. Dans mon village, je vois des situations extrêmement dures, des personnes qui n'ont pas de relations à proprement parler. Personne sur qui compter.
Dans ce contexte, je peux comprendre que pour toi, te contenter de ce qu'on t'offre peut être soulageant, ne pas espérer plus, etc. J'admets comprendre ce fil de discussion autrement, et plutôt comme quelque chose qui dépasse la situation individuelle. Je ne nie pas que toi tu puisses avoir envie de cela, individuellement. Mais je ne trouve pas cela souhaitable de manière plus théorique et généralisable. Bien au contraire.

Pour moi s'attaquer aux racines de la monogamie, c'est élargir à toutes les relations, certaines sécurités qui sont données par la monogamie : la sécurité affective (s'engager à aimer et ne pas quitter le navire à la moindre difficulté), élever les enfants ensemble, et pas que les femmes qui les ont portés, partager les ressources matérielles, décentrer bien évidemment la relation sexuelle/amoureuse/hétérosexuelle, etc...

Pour ma part, ces dernières années je me retourne vers le couple car je ne trouve pas ces éléments-là ailleurs suffisamment. Je suis mère solo à 100%, ce n'est sûrement pas un hasard si j'insiste sur l'engagement. Et à ce jour, je n'ai trouvé personne à part mon amoureux pour me proposer de gérer ma maison et mon ado de 15 ans pour que je puisse partir une semaine en vacances m'aérer la tête. Et encore, je n'en attendais même pas autant de sa part, mais ses restes de monogamie ont fait que c'est facile pour lui de proposer ça. Et j'ai conscience que c'est une énorme chance. Et pourtant, je le vis comme un besoin quasi vital de pouvoir m'extraire de mon rôle de mère quelques jours.

Concernant le réseau de soutien, filer des coups de main sans forcément attendre que la personne en question nous rende directement, je suis évidemment d'accord avec ça. Sauf que force est de constater que c'est difficile de faire partie d'un tel réseau de soutien (un peu moins à la campagne peut-être mais et encore, comme je le dis plus haut il y a des situations d'extrême solitude, aggravées par l'obligation d'avoir un véhicule pour se déplacer), que quand tu n'as plus l'énergie de donner des coups de main dans le réseau, ou peu d'énergie pour socialiser en groupe, tu reçois aussi assez peu de coups de main.

artichaut
J'aime les groupes où quand l'un·e a besoin de soutien, et qu'un·e autre n'est pas dispo, un·e autre autre peut-être est dispo (et parfois personne n'est dispo et c'est pas grave).

Eh bien si, cela peut être grave au contraire.
Je l'ai vécu moi-même, de ne trouver personne de dispo et de me retrouver dans des situations ultra casse-tête et anxiogènes. Et je suis quelqu'un qui a accès à un réseau d'entraide. Parfois le réseau d'entraide véritable, c'est aussi de ne pas avoir à demander. Et c'est la relation qui permet ça. Sans relation, qui est au courant que tu galères ?

artichaut
Quand j'invite chez moi je pars du principe que je vais tout faire : faire les courses, prendre la charge mentale d'imaginer des repas, faire les repas, faire la vaisselle… je ne m'attends à aucune aide, et du coup tout aide qui pourrait venir, devient comme un cadeau de la vie.

Idem, c'est joli dit comme ça.
Mais cela peut être un énorme frein à la socialisation.
J'ai eu des périodes de grande fatigue physique et mentale, que j'attribue à la charge immense que c'est de gérer seule une enfant qui a des difficultés de santé mentale (et vu le monde tel qu'il se profile, les enfants sont de plus en plus touchés par ce genre de difficultés). A ce propos je pense souvent aux parents (mères) qui s'occupent d'enfants avec handicap lourd et je ne sais mêmem pas comment ielles font tellement moi je galère déjà.
Inviter des gens chez moi c'était trop et pourtant j'avais besoin d'être entourée. Mais hormis dans une relation où il y a une grande confiance et beaucoup d'attention portée, je préférais ne pas recevoir plutôt que d'ajouter de la fatigue à la fatigue.

artichaut
Et plus j'avance dans la vie (l'âge qui avance, le corps qui répond moins bien, ne plus être dans la tranche d'âge des personnes désirables, la vie post-covid déshumanisée, la retraite, la mort qui approche de plus en plus…) plus ça me semble le bon chemin, en tout cas pour moi.

Je crois qu'on peut à la fois chercher pour soi une voie de sérénité et attendre le moins possible des autres afin de se réjouir de ce qui est ET vouloir un monde ou au contraire on pourrait plus facilement se reposer les un·e·s sur les autres, et où les attentes seraient tout à fait acceptables et acceptées.
Les systèmes de solidarité communautaires montrent la voie.
C'est encore à inventer, car il faut dans ces cas-là enlever toute la partie coercitive de contrôle social.
Mais à mon avis, ce ne sera possible que quand nous aurons à nouveau besoin les un·e·s des autres réellement. C'est à dire quand nous n'aurons plus la possibilité de nous raconter que nous sommes indépendant·e·s. C'est le besoin qui nous lie les un·e·s aux autres, le "boomerang" indirect pour reprendre ton expression, et dont il reste encore des bribes en milieu rural/paysan et qui est vivant aussi dans les quartiers pauvres.

Message modifié par son auteur il y a un mois.

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