[Lexique] Monogamie de fait
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artichaut
le vendredi 04 septembre 2020 à 09h59
Je voudrais ouvrir la discussion sur la Monogamie de fait.
Le lexique nous dit (bon il me semble que c'est moi qui avait proposé cette définition) :
Monogamie de fait
Fait d'être en relation monogame parce que c'est la norme, donc sans forcément l'avoir choisis, sans même forcément le savoir… pensant juste « être en relation ».
On en parle finalement assez peu ici je trouve : que puisque qu'on vit dans une société monogame, toute relation par défaut est monogame. …et qu'inversement il ne saurait y avoir de "polyamour de fait".
On est nombreuses et nombreux a avoir vécu cette monogamie de fait. Ça m'intéresserais de creuser le sujet. Comment ça arrive dans nos vies ? Qu'est-ce que ça implique ? Comment on deale avec ?
J'ai personnellement du mal à me rappeler comment je dealais avec, à l'époque où j'étais monogame de fait. Il me semble que j'étais ouvert à ce que ma partenaire de l'époque ai des relations sexuelles "de vacances" (passagère et secrète donc) mais c'est tout. Mais il faut dire qu'on en parlais quasi pas. Ce mutisme sur le sujet faisant déjà partie de la monogamie de fait.
Et je crois me rappeler qu'à l'époque (les années 90) il y avait une notion de "couple moderne" qui trainaît dans les couloirs des discussions sociétales de ma génération, et qui grosso-modo voulait dire "c'est ringard de ne pas accepter que son/sa partenaire puisse découcher de temps en temps". Mais ça n'allait pas +loin. Et aujourd'hui je me dis que c'était limite un renforcement, un aménagement, une adaptation de la monogamie, à l'époque et à son expression sociétale.
Et vous, comment viviez-vous, comment vivez-vous cela ?
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> Voir aussi :
- le fil générique : Décortiquons la Monogamie, sept 2020.
- le Lexique du site et sa page discussion.
- Monogamie(s) — définition(s) —
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artichaut
le vendredi 04 septembre 2020 à 11h45
…au sujet du "polyamour de fait" (parfois évoqué sur ce forum) j'avais écrit ceci en 2019 :
Qu'est-ce qu'une relation polyamoureuse de fait ?
Autant il y a des relations monogames de fait (car le mono est une norme invisible) : on est mono, mais cela n'est ni questionné, ni discuté.Mais s'il n'y a pas consentement d'une des parties, peut-on encore parler de polyamour ?
On peut peut-être considérer qu'il puisse y avoir des relations non exclusives "de fait", quoiqu'il me semble préférable de parler de relations non exclusives imposées.
Mais des "relations polyamoureuse de fait", je ne vois pas.Ce n'est pas parce qu'une personne se définit comme polyamoureuse que toutes ses relations sont poly.
S'il n'y a pas pas consentement d'une des parties, c'est que la relation n'est pas vraiment polyamoureuse.
On pourrait même aller +loin et se demander : S'il n'y a pas de consentement éclairé, volontaire et enthousiaste d'une des parties, peut-on vraiment appeler ça une relation polyamoureuse ?
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artichaut
le lundi 02 décembre 2024 à 02h12
Je viens de faire ici cette proposition : « toute relation amoureuse et sexuelle est monogame ».
Ce qui est une extension du concept de monogamie de fait.
Et qui pourrait s'étendre à : tout ce qui est LA norme en système monogame, est concernée par la monogamie de fait. L'hétérosexualité est monogame de fait. Etc.
Ça ne dit pas que la relation amoureuse_et_sexuelle ou l'hétérosexualité soient "bien ou mal", ça dit juste que c'est la norme.
Et donc ça peut par exemple raconter que le polyamour quand il cumule des relations normées, conforte la norme, plutôt qu'il ne la détricote (ce qui de même, n'est pas en soi "bien ou mal", mais ça évite de trop s'la raconter sur nos supposées déconstructions).
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litzi
le mardi 10 décembre 2024 à 06h49
Comme tu le dis, si on cumule plusieurs relations qui suivent les codes normés, est-ce qu’on ne reste pas finalement dans le cadre, juste étendu ? Ça me fait penser au parallèle avec le monde du travail. On valorise énormément l’idée de travailler différemment, de casser les codes des bureaux traditionnels. Pourtant, beaucoup de ces nouvelles approches finissent par adopter des standards déjà bien ancrés. Ça montre qu’on peut repenser les choses sans forcément tout renverser.
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Mon site : coopleo.care/
Message modifié par son auteur il y a 8 mois.
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Tiao88
le mardi 10 décembre 2024 à 14h02
C'est marrant, pour moi, la monogamie de fait était surtout de n'avoir qu'une seule personne comme partenaire amoureux et sexuel, non pas par principe (voir obligation réciproque) mais parce qu'aucune des deux n'éprouve le besoin de faire autrement à l'instant T. Par opposition à la monogamie de principe (bon j'avoue, je me suis assez contentée de la définition des fesses de de la crémiere et de fidélité mes fesses).
Mais oui effectivement, au début c'est pioché souvent, sans y réfléchir plus que ça... Jusqu'à ce qu'un certain nombre d'insatisfactions pointent le bout de leur nez en tout cas (c'est mon impression).
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artichaut
le mardi 10 décembre 2024 à 16h59
Tiao88
C'est marrant, pour moi, la monogamie de fait était surtout de n'avoir qu'une seule personne comme partenaire amoureux et sexuel, non pas par principe (voir obligation réciproque) mais parce qu'aucune des deux n'éprouve le besoin de faire autrement à l'instant T. Par opposition à la monogamie de principe (bon j'avoue, je me suis assez contentée de la définition des fesses de de la crémiere et de fidélité mes fesses).
Merci pour le lien vers ces définitions (qu'à la lecture j'ai l'impression d'avoir déjà lu, mais que dans tous les cas j'avais oublié) !
Est-ce que ça contrevient à ce que j'écrivais précédemment, je ne sais pas.
La différence que je verrais entre de fait et par principe rejoint la question du choix.
- de fait : ce n'est pas choisis, on est dans le modèle qu'on nous présente comme le seul modèle existant, sans forcément s'être posé la question d'une alternative ;
- par principe : on chois ce modèle et on en fait un principe pour soi, voire pour ses partenaires, voir pour tout le monde.
Bon les deux peuvent se superposer un peu j'imagine.
Surtout on passe de l'un de l'autre, de manière progressive, pas en un jour.
Et qui aime les principes, peut avoir tendance à en mettre dans tout ce qu'il vit.
Le de fait, du coup devient de moins en moins vrai au fur et à mesure que d'autres modèles (polyamour & co) deviennent mainstream. Difficile d'ignorer ces autres modèles aujourd'hui. Et j'imagine que dans certains milieux on pourrait être dans de la polygamie/polyamour de fait. Ce qui, sur ce point, peut contredire ce que je disais auparavant.
La lecture que tu propose, ou que Audren propose sur son site, me fait plutôt penser à la différence entre relationdescriptive et prescriptive.
Et il me semblerait à la fois dommage et erroné de réduire la monogamie au fait d'avoir une seule relation. La monogamie, pour moi, c'est un système sociétal complexe qui va bien au delà d'avoir une seule relation. N'avoir qu'une seule personne comme partenaire amoureux et sexuel est un moyen, une injonction, limite un symptôme, par lequel le système monogame se déploie.
Et la monogamie_de_fait, me semble toucher à bien d'autres choses que l'unicité de la relation amoureuse et sexuelle. Ne serait-ce que d'avoir des enfants, pour citer un exemple évident. Si tu as des enfants mais que tu n'es pas/plus en couple, ça passe. Si tu es en couple mais n'a pas d'enfant, ça passe. Si tu n'as ni l'un ni l'autre t'es vraiment un·e râté·e (du point de vue de la monogamie). La monogamie_de_fait, c'est donc aussi faire des enfants (non par choix délibéré éclairé enthousiaste et volontaire après mûre réflexion et avoir réellement envisagé d'autres possibles …mais parce que 'ça se fait', parce que papa-maman veulent des petits enfants, pour avoir un prêt bancaire, etc. Bref parce que la nomre monogame incite à le faire.) Et on pourrait dérouler ainsi plein d'autres choses.
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Alabama
le jeudi 12 décembre 2024 à 22h54
Je ne me souviens plus tout à fait comment je voyais le couple et les relations amoureuses quand j'étais au début de mes expériences en la matière.
Je me souviens qu'à 19 ans, j'ai eu ce que je considérais et considère encore ma première relation amoureuse.
A cette époque j'espérais rester toute ma vie avec la personne. Ça c'est la monogamie de fait. Je n'ai plus vraiment ce genre d'imaginaire aujourd'hui (espérer vieillir ensemble), même si j'espère toujours que mes relations durent (qu'elles soient amoureuses ou non).
Monogamie : avoir comme idéal non questionné de vieillir ensemble
Non-monogamie : apprécier ses relations quelles qu'elles soient sans se demander si ça va s'arrêter oufait
Il me reste aussi de la norme monogame le fait de "compter" les mois, les années, que durent ma relation amoureuse. Je le fais aussi pour certaines amitiés mais ça ne revêt pas la même importance ou la même symbolique. Je n'ai jamais compté les mois dans une relation dite amicale, alors que je je fais pour une relation amoureuse.
Bizarrement même à mes débuts dans les relations amoureuses, je ne comprenais pas certains codes. Je ne savais pas si j'avais "le droit" ou non d'avoir d'autres relations sexuelles et/ou amoureuses avec d'autres personne quand je commençais à coucher avec quelqu'un. Je me souviens demander leur avis à mes amies et pas tout le monde avait la même norme d'ailleurs, mais ce qui semblait évident, c'était qu'il y avait un seuil, sans forcément se mettre d'accord avec le partenaire, à partir duquel on trompait si on voyait d'autres personnes. Ce truc m'a longtemps laissée dans le doute car je ne savais pas comment "bien me comporter".
Dans la monogamie de fait, il existe des codes implicites, que pour ma part je ne maîtrisais pas et ne maîtrise toujours pas et qui de toutes façons semblent très subjectifs et à l'origine de pas mal de drama.
Aujourd'hui j'ai abandonné ce type de dilemme. J'en parle très clairement avec les personnes. Ça me semble être pas du tout monogame de fait d'aborder ces sujets de maniere directe.
Le fait d'habiter en couple est clairement un élément non questionné de la monogamie de fait. Pour ma part j'ai voulu habiter en colocation et c'était déjà un pas de côté par rapport à la monogamie, dans le sens où mon mec de l'époque etait pas hyper enthousiaste, le mec de ma pote avec qui je voulais habiter non plus. Il semble que mon amie et moi n'envisagions pas du tout d'habiter ensemble sans nos mecs = monogamie de fait
Aujourd'hui pour moi habiter avec un amoureux est plutôt indésirable car je crains que cela précipite à des réflexes monogames de cumuler, en plus du sexe et du sentiment amoureux, le quotidien. Habiter séparément est en plus d'être une réelle envie, un rempart à de nombreux éléments de la monogamie "réflexe".
A cette époque de ma première et quasi seule relation amoureuse monogame, avec l'imaginaire de vieillir ensemble, je ne supportais pas l'idée d'avoir eu un seul partenaire sexuel de toute ma vie. J'avais donc eu des discussions sur une éventuelle non monogamie avec mon partenaire. Je me souviens avoir abordé le sujet avec un couple d'amis. J'etais la seule à être frustrée de l'exclusivité sexuelle. Il m'a semblé à cette époque que j'etais juste bizarre er qu'il etait impossible de trouver des partenaires ouverts à cela. J'ai considéré que si je voulais avoir une relation amoureuse c'etait le prix à payer. À l'époque je n'imaginais pas possible d'avoir d'autres relations impliquant aussi du sentiment amoureux, donc je me questionnais seulement sur la non exclusivité sexuelle.
Message modifié par son auteur il y a 9 mois.
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artichaut
le vendredi 13 décembre 2024 à 00h45
Alabama
Habiter séparément est en plus d'être une réelle envie, un rempart à de nombreux éléments de la monogamie "réflexe".
J'aime beaucoup ce concept de monogamie-réflexe !
Qui vient subtilement compléter celui de monogamie de fait ou de schémas monogames dans nos relations.
Merci.
Je trouve très parlant.
Et merci pour ton témoignage sur le sujet qui vient enrichir le corpus de rélfexion.
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Tiao88
le vendredi 17 janvier 2025 à 12h15
Alabama
Je ne me souviens plus tout à fait comment je voyais le couple et les relations amoureuses quand j'étais au début de mes expériences en la matière.
Je me souviens qu'à 19 ans, j'ai eu ce que je considérais et considère encore ma première relation amoureuse.
A cette époque j'espérais rester toute ma vie avec la personne. Ça c'est la monogamie de fait. Je n'ai plus vraiment ce genre d'imaginaire aujourd'hui (espérer vieillir ensemble), même si j'espère toujours que mes relations durent (qu'elles soient amoureuses ou non).
Monogamie : avoir comme idéal non questionné de vieillir ensemble
Non-monogamie : apprécier ses relations quelles qu'elles soient sans se demander si ça va s'arrêter oufait
Message modifié par son auteur il y a un mois.
-> Personnellement j'espère bien vieillir avec mon amoureux (et il n'y a qu'une seule personne que j'appelle comme ça dans ma vie pour le moment). Pour autant, pour moi, cela ne signifie pas forcément habiter avec. Pour le moment nous n'habitons pas trop ensemble et j'espère continuer sur ce modèle. J'aimerais bien vieillir aussi entourée des membres de ma famille biologique que j'apprécie et de mes ami.e.s. Ou en tout cas pas loin.
-> Et j'avoue avoir du mal à envisager qu'une relation, qu'elle soit platonique ou non s'arrête (les ruptures totales et moi on n'est pas copines). Par contre qu'elle puisse se transformer pourquoi pas :) .
Alabama
Le fait d'habiter en couple est clairement un élément non questionné de la monogamie de fait. Pour ma part j'ai voulu habiter en colocation et c'était déjà un pas de côté par rapport à la monogamie, dans le sens où mon mec de l'époque etait pas hyper enthousiaste, le mec de ma pote avec qui je voulais habiter non plus. Il semble que mon amie et moi n'envisagions pas du tout d'habiter ensemble sans nos mecs = monogamie de fait
Aujourd'hui pour moi habiter avec un amoureux est plutôt indésirable car je crains que cela précipite à des réflexes monogames de cumuler, en plus du sexe et du sentiment amoureux, le quotidien. Habiter séparément est en plus d'être une réelle envie, un rempart à de nombreux éléments de la monogamie "réflexe".
Message modifié par son auteur il y a un mois.
-> entièrement d'accord avec ce "réflexe monogame" pour le fait d'habiter en couple (en lien avec cet "escalator relationnel"?) . Qui est certainement dû aussi au contexte économique : il y a la colocation, comme évoqué plus haut mais selon les personnalités ou l'espace disponible dans l'appartement, ça ne marche pas toujours :( . Et aussi le fait (c'est du vécu) que peu de propriétaires (ou en tout cas assez à mon gout) sont ouverts à la colocation : "on préfère les familles" m'a souvent été répondu. Sous-entendu : "les colocs c'est des jeunes/étudiants, ça va être le bordel et la bamboche tous les soirs." Ou alors tu arrives dans une coloc avec un bail "à la chambre", donc plus cher, souvent meublé, donc pas fait pour être dans la durée.
-> Et le quotidien, monogame ou non, la routine/train train (ou tout cas celui vécu ou subi comme tel) a plus de chances de venir si on habite avec un.e amoureux.euse. Quoique si on habite avec un.e seul.e ami.e, est ce que cela ne risque pas d'arriver aussi? Comparé aux colocations d'au moins 3 ami.e.s?
Message modifié par son auteur il y a 8 mois.
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artichaut
le samedi 26 juillet 2025 à 14h30
Je me demande si cette monogamie réflexe trouve aussi des espaces dans la sexualité ?
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Lili-Lutine
le samedi 26 juillet 2025 à 15h15
En lisant vos échanges, j’ai eu envie de partager un bout de mon propre cheminement, entre non-monogamie assumée et monogamies de fait vécues malgré moi
Voici ce que ça m’évoque :
Je n’ai jamais été monogame par principe
Mais j’ai connu des périodes de monogamie de fait
non pas co-construites comme exclusives plutôt des moments où le contexte, la fatigue, l’envie d’intensité ou le manque d’autres possibles faisaient que ça y ressemblait
Je pense qu’on parle peu de ce qui rend certaines formes de non-exclusivité inaccessibles, même aux personnes qui se sentent concernées par les alternatives relationnelles
Pas seulement par peur, mais par usure
Par manque de réseau, d’élan, d’espace de confiance
Par le simple fait de ne pas avoir de milieu ou de ne pas se reconnaître dans ce qu’on y trouve
J’ai l’intuition que la monogamie réflexe s’infiltre aussi dans nos sexualités
Pas seulement dans le fait d’avoir un·e seul·e partenaire mais dans le conditionnement à croire qu’il n’existe qu’une seule bonne manière de vivre l’intime
qu’une seule forme de lien mérite d’être érotisée
qu’un seul corps peut faire "safe"
Et que dès qu’on en sort on se sent soit déviant·e, soit en terrain glissant
Je me suis souvent demandé combien de fois j’avais dit non à des désirs qui n’avaient pas les bons codes
combien de liens j’avais censurés parce que leur texture ne correspondait pas à ce que j’avais appris à reconnaître comme érotique ou digne d’un engagement
La monogamie de fait ce n’est pas seulement l’exclusivité d’un partenaire amoureux ou sexuel c’est aussi tout ce qu’on exclut de soi, de sa capacité à désirer, à créer du lien autrement
Et je pense aussi que beaucoup de nos désirs sont socialement encadrés même quand on se dit en dehors des normes
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artichaut
le samedi 26 juillet 2025 à 17h46
Lili-Lutine
Je pense qu’on parle peu de ce qui rend certaines formes de non-exclusivité inaccessibles,
De même qu'on parle encore moins, je trouve, des formes d'exclusivités inaccessibles, et des personnes qui se tournent vers la non-exclusivité, faute d'avoir accès à la monogamie classique. Mais c'est un autre sujet…
Lili-Lutine
Je me suis souvent demandé combien de fois j’avais dit non à des désirs qui n’avaient pas les bons codes
combien de liens j’avais censurés parce que leur texture ne correspondait pas à ce que j’avais appris à reconnaître comme érotique ou digne d’un engagement
Oui, je me pose les même questions.