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Relations amoureuses et comparaisons

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crest

le dimanche 30 mars 2025 à 11h22

petite tentative théorique en réaction à ce fil : /discussion/-cZv-/J-ai-juste-besoin-de-partager-ce...

« Je sais que c'est MOI qui compare »

C’est quelque chose que je rumine depuis quelques semaines : certes c’est bien l’individu qui fait l’opération mentale de comparer mais est-ce que ce n’est pas la « situation » elle-même (qui transcende l’individu) qui induit cette comparaison ?
Pour caricaturer une épreuve sportive induit la comparaison, il est impossible d’y échapper.

Ce qui rend complexe ce dont on parle quand il s’agit de relation amoureuse et du sentiment d’être comparé c'est que :
- c’est une institution qui dans son essence même donne une place à l’individu en relation avec un autre (je te choisis toi)
- pour un individu donné il n’existe qu’une seule place de ce type-là (c’est ce que l’on nomme l’exclusivité, la monogamie)
- cette « place » ce sont des règles que l’on s’attend à voir respecter, qu’il s’agisse des protagoniste de la relation ou des autres
- il n’est possible de bricoler/changer ces règles qu’au prix effort, d’inconfort, d’ambiguïté car il n’est possible de changer une institution à soit tout seul ou à quelques individu (car ces règles ont une portée générales, elles valent à l’échelle de toute société)
- Parler de polyamour au sens d’avoir plusieurs relations amoureuse c’est réactiver cette institution donc ces règles donc l’attente de les voir être respectées.
- le but affiché du polyamour est que plusieurs relations amoureuses existent sans être en concurrence. Mais il faut alors construire des manières de différencier les places de chacun. Les hiérarchiser explicitement est une manière de faire (couple socle etc). Les autres manières vont plutôt être dans le fait d’éviter de faire le même genre d’activité ou de cloisonner sévèrement les espaces et les temps de chaque relation.
- l’insécurité naît quand il n’aura pas été possible de différencier les places (souvent par inconscience et manque de vigilance à mon avis, ou bien par fatigue des efforts à faire puisqu’on n’a pas toute faite la façon de faire). C’est manifestement le cas quand la relation n’arrive pas à quitter un script romantique qui d’abord naît d’un élan très intime mais qui ensuite suit des étapes codées socialement (des règles). C’est aussi le cas quand la hiérarchisation et le cloisonnement de l’espace et du temps atteignent leur limites propres (refuser d’être une relation secondaire, croiser l’autre partenaire dans les mêmes scènes sociales, recevoir des confidences sur les autres partenaires etc).

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artichaut

le dimanche 30 mars 2025 à 11h50

Déjà il y a t-il une différence entre comparer et le sentiment d'être comparé ? Est-ce qu'on se compare, car on a le sentiment d'être comparé ?

Ensuite j'aime bien la métaphore (pas si caricaturale) de l'épreuve sportive : tant qu'on vivra les relations comme des compétitions, la comparaison, les podiums, les trophées seront de rigueur.

Enfin je trouve que tu décris bien ce que tu appelle Institution (le poids de la Norme) avec ses règles, ses scripts, ses injonctions, ses mécanismes.
Pour autant il y a toujours un Je, un Moi, au prise avec cette institution, qui peut choisir (d'essayer) de vivre autrement.
Puisqu'on est dans des dynamiques relationnelles, certes ça ne dépend pas que de nous, et lorsqu'on est en dynamique non-exclusive, le danger, vient même des tiers (lorsque ceux-ci sont capables de retourner la personne avec qui nous étions en relation, que nous pensions sincérement non-monogame, et qui d'un coup se fait mettre le grapin dessus, le grapin de la norme, et de ses promesses).

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artichaut

le dimanche 30 mars 2025 à 11h50

Que peut-on faire face à ça : la monogamie qui revient nous frapper par la porte de derrière, alors même que nous avions le sentiment de créer à plusieurs autre chose ?

Je pense que les réponses sont à la fois individuelles et collectives.

individuelles
Chacun·e est responsable de soi, de s'engager ou pas, de s'impliquer ou pas, d'accueillir ses émotions, d'assumer ses choix et les conséquences de ses choix. etc.
Choisir d'être non-monogame — quand c'est un choix — n'est pas la solution de facilité.
Aimer, c'est pour moi vouloir le bonheur de l'autre. Y compris si le bonheur de l'autre veut dire qu'il/elle cesse de relationner avec nous. Et donc ça peut aussi être accepter que l'autre (que l'on aime) se fasse pervertir par un·e mono. Avec les conséquences que ça va avoir pour nous.
Et c'est là qu'on va avoir besoin de beaucoup d'amour de soi, pour non seulement accepter ça, mais le désirer.
Comme avec nos enfants, l'amour c'est accepter de laisser partir l'autre, c'est désirer ardemment le bonheur de l'autre, tout en le laissant maître à bord du chemin de son bonheur.

collectives
D'une part on n'est pas toujours non-monogame par choix. Et l'être quand ce n'est pas un choix est encore plus difficile.
D'autre part, quelque soient nos choix, nos privilèges, nos compétences, nos traumas, etc… toujours, quand on dévie de la norme (ici la monogamie), celle-ci viendra nous mettre des bâtons dans les roues.
Sans aller jusqu'à considérer la Monogamie comme une secte, et ses missionnaires comme de dangereux manipulateurs, de fait la monogamie et ses adeptes nous font du mal.
Et face à quelque chose de systémique, les réponses individuelles ne suffisent pas.
(Et comme pour chaque sytème d'opression, je ne dit pas que chaque monogame est un·e monstre, mais qu'à travers chaque monogame se déploie la monstruosité de la Norme).
C'est pourquoi il y a besoin de tels forums, d'entraide, de solidarité, etc.
C'est pourquoi il y a besoin de réléchir/théoriser/échanger ensemble et d'inventer des parades.

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crest

le dimanche 30 mars 2025 à 11h59


Déjà il y a t-il une différence entre comparer et le sentiment d'être comparé ? Est-ce qu'on se compare, car on a le sentiment d'être comparé ?

Justement, c'était le sens de mon propos : on n'a pas le choix de se comparer ou pas, c'est induit dans la façon dont est codée la relation amoureuse dans une société qui n'est pas polygame. Ce n'est pas une question de volonté ou d'auto-discipline personnelle.

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Alinea7

le dimanche 30 mars 2025 à 14h13

artichaut
Ensuite j'aime bien la métaphore (pas si caricaturale) de l'épreuve sportive : tant qu'on vivra les relations comme des compétitions, la comparaison, les podiums, les trophées seront de rigueur.

C'est amusant je comprenais la métaphore à l'envers : tant qu'il y aura des podiums et des trophées, il y aura une mise en compétition.

Et en fait je comprends ton point de vue dans le sens où tant qu'il y aura une mise en compétition réelle ou perçue, il y aura une incitation à la comparaison.

Et ce sont les trophées qui sont un indicateur du vainqueur : cohabitation, inclusion dans le cercle amical/familial, priorisation etc.

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artichaut

le dimanche 30 mars 2025 à 15h15

Alinea7
C'est amusant je comprenais la métaphore à l'envers : tant qu'il y aura des podiums et des trophées, il y aura une mise en compétition.

Je pense que les deux sont vrais. Et s'encouragent mutuellement.

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artichaut

le dimanche 30 mars 2025 à 15h16

crest
on n'a pas le choix de se comparer ou pas, c'est induit dans la façon dont est codée la relation amoureuse

Je dirais même que la relation amoureuse en soi, par son caratère hiérachisant de fait induit la comparaison.

Dire qu'une relation est amoureuse, c'est lui donner un statut, non pas seulement différent, mais généralement supérieur à une autre forme relationnelle.

Donc dès qu'il y en a plusieurs elles tendent à se comparer entre elles.
La hiérarchie fabrique la comparaison (ou la comparaison fabrique la hiérarchie).

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Profil

artichaut

le dimanche 30 mars 2025 à 21h08

crest
Ce qui rend complexe ce dont on parle quand il s’agit de relation amoureuse et du sentiment d’être comparé c'est que :
- c’est une institution qui dans son essence même donne une place à l’individu en relation avec un autre (je te choisis toi)
- pour un individu donné il n’existe qu’une seule place de ce type-là (c’est ce que l’on nomme l’exclusivité, la monogamie)
- cette «  place » ce sont des règles que l’on s’attend à voir respecter, qu’il s’agisse des protagoniste de la relation ou des autres
- il n’est possible de bricoler/changer ces règles qu’au prix effort, d’inconfort, d’ambiguïté car il n’est possible de changer une institution à soit tout seul ou à quelques individu (car ces règles ont une portée générales, elles valent à l’échelle de toute société)
- Parler de polyamour au sens d’avoir plusieurs relations amoureuse c’est réactiver cette institution donc ces règles donc l’attente de les voir être respectées.
- le but affiché du polyamour est que plusieurs relations amoureuses existent sans être en concurrence. Mais il faut alors construire des manières de différencier les places de chacun. Les hiérarchiser explicitement est une manière de faire (couple socle etc). Les autres manières vont plutôt être dans le fait d’éviter de faire le même genre d’activité ou de cloisonner sévèrement les espaces et les temps de chaque relation.
- l’insécurité naît quand il n’aura pas été possible de différencier les places (souvent par inconscience et manque de vigilance à mon avis, ou bien par fatigue des efforts à faire puisqu’on n’a pas toute faite la façon de faire). C’est manifestement le cas quand la relation n’arrive pas à quitter un script romantique qui d’abord naît d’un élan très intime mais qui ensuite suit des étapes codées socialement (des règles). C’est aussi le cas quand la hiérarchisation et le cloisonnement de l’espace et du temps atteignent leur limites propres (refuser d’être une relation secondaire, croiser l’autre partenaire dans les mêmes scènes sociales, recevoir des confidences sur les autres partenaires etc).

Je relis plusieurs fois cette liste, car je la trouve décidément très pertinente.

Déjà, j'aime beaucoup cette phrase qu'il me semble n'avoir lu nulle part : le but affiché du polyamour est que plusieurs relations amoureuses existent sans être en concurrence.
(Bien sûr certain·e·s chipotterons en disant que le polyamour, ou la polyamorie, n'implique pas forcément une/des relations amoureuses… mais dans la pratique, soyons sincères, c'est ça la principale promesse du poly-amour, autant que son sens littéral.)

Je tente de reformuler pour en mettre en exergue certaines idées :
L'amour monogame est une institution (qu'on ne peut changer à soi seul).
Elle est fondée sur la notion de place, la place de chacun dans une relation duale.
Le polyamour est un aménagement de l'amour monogame.
Cet aménagement créé des insécurités (car il ne supprime ni l'institution, ni ses règles).

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artichaut

le dimanche 30 mars 2025 à 21h28

L'amour monogame est déjà hyper compliqué. Le multiplier relève d'une vraie gajeure. Et se heurte très vite à de nombreuses difficultés. Sauf à inventer tout un tas de contre-règles, ou d'aménagement pas trop chamboulantes des règles initiales : conserver la hiérarchie, certaines modalités conjugales, certains scripts, ne pas trop se départir de l'escalator, etc.

Et nottament… quitter difficilement le régime de la comparaison, puisqu'il est au coeur même du procédé d'élection (je te choisis toi, je t'élis toi comme l'élu·e de mon coeur… car je te trouve mieux que les autres).

Et ce régime entre rapidement en confrontation avec le principe de la non-exclusivité qui est (ou devrait logiquement être) la compersion.

Il faut dire qu'on mésinterpréte le terme de poly-amour.
On le traduit par avoir plusieurs relations, au lieu d'aimer au pluriel, c'est à dire par exemple : aimer une personne et ses autres amours.

Les pratiquant·e·s du poly-amour ne viennent pas chercher de l'amour exponentiel, mais des relations. Et les relations ça se compare.

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Profil

Lili-Lutine

le dimanche 30 mars 2025 à 22h00

artichaut
L'amour monogame est déjà hyper compliqué. Le multiplier relève d'une vraie gajeure. Et se heurte très vite à de nombreuses difficultés. Sauf à inventer tout un tas de contre-règles, ou d'aménagement pas trop chamboulantes des règles initiales : conserver la hiérarchie, certaines modalités conjugales, certains scripts, ne pas trop se départir de l'escalator, etc.

Et nottament… quitter difficilement le régime de la comparaison, puisqu'il est au coeur même du procédé d'élection (je te choisis toi, je t'élis toi comme l'élu·e de mon coeur… car je te trouve mieux que les autres).

Et ce régime entre rapidement en confrontation avec le principe de la non-exclusivité qui est (ou devrait logiquement être) la compersion.

Il faut dire qu'on mésinterpréte le terme de poly-amour.
On le traduit par avoir plusieurs relations, au lieu d'aimer au pluriel, c'est à dire par exemple : aimer une personne et ses autres amours.

Les pratiquant·e·s du poly-amour ne viennent pas chercher de l'amour exponentiel, mais des relations. Et les relations ça se compare.

Je ressens beaucoup de justesse dans ce que tu écris
Merci pour ces mots lucides, exigeants, et tendres à la fois

Pour ma part, je ne cherche pas à multiplier les amours
Je ne cherche même pas à les nommer, à les placer dans des catégories fixes
Ce que je vis, ce sont des liens , des présences, des formes mouvantes d’attachement et d’exploration , qui naissent dans le respect, la clarté, le désir partagé, et surtout… dans le renoncement à posséder

Je ne crois pas que la compersion soit une condition ou un objectif
C’est un possible, oui
Mais je crois encore plus à l’écoute , à l’humilité, à la capacité de ne pas savoir à l’avance ce qu’un lien va devenir

Ce que tu dis sur le mécanisme de l’élection, du « je te choisis toi parce que tu es mieux », me touche beaucoup
Parce que c’est précisément ce dont j’essaie de me détacher totalement !
Je ne veux pas aimer en préférant
Je veux aimer en reconnaissant, en accueillant, en laissant la place
Pas une place hiérarchique ou concurrentielle, mais une place d’existence entière

Et oui, les relations se comparent parfois
Mais quand on cesse d’en faire une course ou un classement , on découvre autre chose : des reliefs , des textures , des paysages d’attachement qui ne cherchent pas à se superposer, mais à coexister

Merci de nourrir cette réflexion avec autant de clarté.
C’est précieux et je suis heureuse que ça vienne de toi <3

Message modifié par son auteur il y a 5 mois.

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