Ça veut dire quoi hétéro ?
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Alabama
le jeudi 25 avril 2024 à 17h34
artichaut
Tes attirances semblent donc d'une certaine manière assez genrées, mais comme en inversé de la norme. Les hommes plutôt effacés (qui colle peu au modèle viril) et les femmes plutôt puissante (qui colle peu à l'injonction de réserve faite aux femmes).
Mais du coup il y a tout de même une sorte de séparation des genres, qui fait que ça m'étonne que ça soit étrange pour toi de pouvoir n'être attiré que par l'un ou par l'autre (dans un sens plus classique, comme dans un sens inversé)… il suffirait par exemple, d'être comme toi, mais de n'être attiré que par les caractères clames ou au contraire puissant, non ?
Oui mes attirances sont genrées, car je ne vis pas sur Mars. Si quelqu'un me disait que ses attirances ne le sont pas du tout, je serais sceptique.
Je pense que c'est une réaction au système de domination patriarcale : un homme (donc avec tout ce que ça implique socialement) qui en plus coche toutes les cases de la virilité, ça va faire "trop" en terme de dynamique de domination vis-à-vis de moi qui suis une femme, ces hommes-là ne peuvent pas supporter que je me mette au même niveau qu'eux.
Une femme (avec tout ce que ça implique socialement) qui en plus est effacée, je risque de l'écraser ou de devoir me minimiser pour ne pas prendre toute la place, aucun des deux ne serait vivable (ceci étant, bizarrement j'ai des ami·e·s effacé·e·s et ça se passe bien mais j'ai quand même souvent besoin de vérifier que je ne prends pas trop de place).
artichaut
il suffirait par exemple, d'être comme toi, mais de n'être attiré que par les caractères clames ou au contraire puissant, non ?
Arg, je n'arrive pas à faire la gymnastique mentale qui me permettrait de comprendre ce que tu veux dire par là. Je pense que c'est compliqué parce que là, je me suis limitée à ce qui est genré dans ce qui m'attire, pour t'aider à cheminer sur c'est quoi être hétéro. Mais ce ne sont pas les seuls critères qui font que je suis attirée. Et si on parlait uniquement d'attirance sexuelle, je pourrais très bien être attirée par des femmes timides. Là je me suis focalisée sur ce qui m'attire chez quelqu'un·e pour avoir une relation au-delà du sexe. Me demande pas pourquoi j'ai choisi cet angle, c'est ce qui m'est venu spontanément.
Si on parle uniquement d'attirance sexuelle, alors c'est beaucoup plus vaste : je peux être attirée par toute personne avec qui j'ai un échange (discussion ou autre, ça pourrait être de la danse) stimulant. J'ai un désir sexuel assez facile à éveiller. Je pourrais même dire, que le simple fait d'être peau à peau avec quelqu'un·e même sans l'avoir vu·e ni avoir discuté, peut déclencher chez moi du désir.
C'est peut-être en ce sens que je ne comprends pas ce qu'est être mono-sexuel. Car si on me bande les yeux, ce qui va faire que je n'ai pas de désir c'est uniquement la façon dont on me touche, et j'ai du mal à envisager que ce n'est pas la même chose pour tout le monde. D'ailleurs question pour les hétéros dans la salle, si on vous bandait les yeux, pourriez-vous ressentir du désir sexuel sans avoir vu la personne et sans connaître son genre/sexe ?
artichaut
- les bi sont plutôt dans une logique systémique, disent aimer les hommes + les femmes + les autres, trouvent qu'on ne peut abolir le genre puisque c'est un fait social, et que se définir pan, c'est prendre le risque d'invisibiliser les catégories sytémiques, justement, donc les oppresions.
Intéressant ! je ne connaissais pas cette manière de voir les choses.
Les pans qui disent que être bi c'est trop binaire, c'est ne pas connaître l'historique du terme, mais bon après je trouve ça bien qu'il y ait un terme plus inclusif. Pour ma part je préfère "bi" car mieux compris, plus utilisé.
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artichaut
le vendredi 26 avril 2024 à 01h23
Alabama
là, je me suis limitée à ce qui est genré dans ce qui m'attire, pour t'aider à cheminer sur c'est quoi être hétéro.
(…)
Là je me suis focalisée sur ce qui m'attire chez quelqu'un·e pour avoir une relation au-delà du sexe.
Oui, j'avais bien compris.
Alabama
Car si on me bande les yeux, ce qui va faire que je n'ai pas de désir c'est uniquement la façon dont on me touche, et j'ai du mal à envisager que ce n'est pas la même chose pour tout le monde. D'ailleurs question pour les hétéros dans la salle, si on vous bandait les yeux, pourriez-vous ressentir du désir sexuel sans avoir vu la personne et sans connaître son genre/sexe ?
Merci pour la question, et voilà pour moi tout est dit.
Si je ferme les yeux, sans savoir par qui je suis touché, bien sûr que je serais possiblement excité, et ce ni par le genre, ni par le sexe, ni même par la personne en soi, mais par… son toucher, sa présence, sa sensibilité.
Si on vous bandait les yeux, pourriez vous bander !?
Si oui, vous n'êtes pas hétéro !
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artichaut
le vendredi 26 avril 2024 à 01h56
Alabama
Attention à ça, car ce n'est pas la pratique qui définit une orientation sexuelle.
Je sais bien, je connaît le laïus. Mais en l'occurence je considère que ma pratique détermine mon "orientation sexuelle sociale" (concept qui n'existe pas vraiment, mais dont j'ai personnellement besoin).
De même, mon expression de genre fait de moi un "mec cis social", même si je ne me ressent pas forcément cis.
J'ai conscience d'être en dehors des clous du politiquement correct queer en disant ça.
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artichaut
le vendredi 26 avril 2024 à 11h17
Et du coup, creusons un petit peu plus cette notion d'hétéro.
Alabama
Je pense que notre manière d'être attiré·e est énormément influencée par la culture, par la construction de genre (la nôtre et celle des autres), ce qui rend la réponse à ta question assez ardue.
En tout cas pour moi, ça rend la question caduque.
Je ne suis en aucun cas attiré par toutes les femmes, donc je n'ai en rien besoin de ce concept pour me définir. Je le trouve non-opérant.
Et par contre, je vois trop en quoi ce concept sert à nommer par quel genre on n'est pas attiré. Et donc à sauver une morale, ou asseoir des catégories qui servent à exclure.
Alabama
artichaut
Et ça veut dire quoi "sexuel" ou "amoureux" ?
Wow, vertigineuse question.
Je me demande souvent qu'est-ce que c'est "être amoureux·se". Franchement, l'existence des personnes asexuelles me fait complètement douter de ma propre définition. Car pour moi le sentiment amoureux est complètement corrélé à l'attirance sexuelle. Si je ressens de l'amour pour quelqu'un ET de l'attirance sexuelle, bah je suis amoureuse :D et donc je peux être amoureuse 1h, une nuit, 10 ans...
Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec une personne asexuelle amoureuse, j'adorerais avoir cette discussion pour comprendre, et peut-être que cela modifierait ma définition "d'être amoureux·se".
Je vais prendre les deux choses séparément ("sexuel" et "amoureux").
1. sexuel
Si on définit 'sexuel" d'un point de vue normé, je dirais que c'est le fait de partager de la génitalité excitatoire.
Être hétérosexuel·le serait donc partager, ou ressentir du désir à l'idée de partager, de la sexualité génitale excitatoire avec les/des personnes d'un autre sexe/genre que nous.
C'est hyper restrictif, et c'est sur-focaliser un type d'interaction. On peut aimer ou pas la sexualité génitale excitatoire, là n'est pas la question, mais en faire un critère évaluatif des relations et de nos orientations, là me semble être souvent le problème. On sur-focalise un type d'interaction (et souvent avec ça, une ou des pratiques bien précises) et on finit par ne voir plus que ça.
Du coup, si j'ai du mal à me ressentir "sexuel" au sens de la norme, j'ai du mal à me ressentir hétéro-sexuel.
Sauf dans certains cas très précis, cette définition normée de la sexualité ne me convient pas du tout. Pour en avoir déjà parlés ensemble toi et moi @Alabama, je sais qu'on partage plutôt cette définition : est sexualité/sensualité tout ce qui me mettrais mal à l'aise, si je m'imaginais le faire avec mon enfant (en considérant, bien sûr, que je ne suis pas tenté par la pédocriminalité). Donc certains baisers, touchers, regards sont "déjà" de la sexualité.
Selon la définition, que ce soit en pratique ou en désir, je ne me situe pas du tout au même endroit.
Et en l'abscence de défintion claire et commune, me dire hétérosexuel ne veut rien dire. Et si j'envoie bouler les normes en matière de sexualité, j'envoie bouler du même coup le terme hétérosexuel.
2. amoureux
Selon la norme être amoureux pourrait être ressentir des papillons dans le ventre, avoir tout le temps envie de voir, d'être avec la personne, etc. Voire que l'abscence de la personne crée en nous un manque, un sentiment de vide.
Perso, j'assimile ça à une pathologie révélatrice de carences affectives profondes.
Donc je ne tiens pas à me définir à partir de ce concept. Ce qui ne veut pas dire que je prétends ne pas avoir de carences affectives profondes, mais je n'ai pas du tout envie de me définir par ce prisme.
Peut-être que ce dont je parle comme norme amoureuse, c'est juste la NRE, la passion du début, cet ego-trip qui nous fait voir en l'autre un mirage de nous-même ? Mais dans ce cas, moi non plus je ne sais pas trop c'est quoi "être amoureux" selon la norme, sinon comme (ce que j'entends que) tu dis, être ami·e·s plus du sexe.
Et si au contraire j'élargit mes sentiments d'amour à toutes les formes d'amour, ou même à toutes les formes d'amour pouvant inclure de la "sexualité" (voir 1.), alors pareil le concept d'hétéroamour (ou "hétéroromantisme") me semble non-seulement inopérant, mais de surcroît, là encore, vient sur-focaliser un type de relation/ressentis, créant des hiérarchies, des reléguations, des traumas.
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En définitive, trouvant les concepts d'amour et de sexe bien trop étriqués, il m'est difficile de les utiliser pour en plus aller ensuite coller ça à toutes les personnes d'un genre en particulier.
Au final je ressent comme une obligation morale, une injonction sociale à me définir sur des plans (la génitalité excitatoire et la carence affective) qui certes me traversent et me concernent, mais que je trouve socialement et culturellement surinvestis.
Comme si d'ailleurs la génitalité excitatoire devait forcément être liée (voir venir pallier) à nos carences affectives.
J'ai l'impression qu'accepter de me dire hétéro serait accepter de sur-focaliser (donc sur-valoriser) un type d'intercation et de ressentis, tout en assignant a-priori cette sur-focalisation à un certains types de personnes seulement (indépendamment de leurs autres caractéristiques).
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artichaut
le vendredi 26 avril 2024 à 11h37
En résumé, je pense que ce qui me dérange dans ce concept hétéro, c'est la surfocalisation, sur un genre en particulier, sur la notion même de genre, sur des interactions-type supposés (le "sexe"), sur des ressentis-type suppossés (être "amoureux").
Cette surfocalisation fabrique pour moi, un monde étriqué et non désirable.
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Lili-Lutine
le vendredi 26 avril 2024 à 12h26
Ouh là là, en vous lisant toustes, si réfléchi·e·s et plongé·e·s avec ardeur et détermination pour élargir à la fois le terme et les possibilités offertes par cette question d' @artichaut : Ça veut dire quoi hétéro ?
Je vous dit bravo pour ce travail, ça me fait rudement cogiter ! ❤️ ❤️
Eh bien, je dois avouer que je suis bien contente de me définir aujourd'hui comme queer 😄
Ma définition de queer englobe à la fois un mouvement politique et une identification personnelle qui remettent pour moi en question les normes, particulièrement celles liées au genre, ainsi qu'aux formats relationnels et sexuels
Plus sérieusement, queer est un terme parapluie qui décrit des identités sexuelles et de genre qui divergent des normes hétéronormatives et cisnormatives traditionnelles
Ce mot peut englober une grande diversité d'expériences et de perspectives, remettant en question les idées reçues sur le genre et la sexualité
Il représente à la fois une revendication personnelle d'identité et une position politique qui cherche à déconstruire les structures de pouvoir existantes
C'est aussi une façon de vivre et d'interagir avec le monde, en reconnaissant la fluidité et l'évolution constante de la complexité des identités
Historiquement, le terme queer en anglais évoquait l'idée de quelque chose d'étrange ou d'inhabituel et était employé de manière péjorative pour désigner des personnes ne correspondant pas aux attentes sociales
Aujourd'hui, réapproprié par les communautés LGBTQIA+, queer est un symbole d'identité affirmée et de défi aux normes de genre et de sexualité, célébré pour son pouvoir d'émancipation et de diversité 😄
Je tiens à préciser que ceci est ma perspective personnelle et que je suis consciente que chaque expérience est singulière
Je vous invite à partager la vôtre et à poursuivre cette discussion dans un esprit d'ouverture et de respect mutuel. ❤️
Message modifié par son auteur il y a un an.
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artichaut
le vendredi 26 avril 2024 à 15h11
artichaut
Cette surfocalisation fabrique pour moi, un monde étriqué et non désirable.
Une presque-boutade m'est venue : ce que je ressent, c'est la suffocation liée à cette surfocalisation.
Oui bi/pan queer non-binaire… sont des concepts qui peuvent apporter de l'air.
Ça ne change malheureusement pas le monde, mais ça peut sans doute le rendre plus respirable, au minimum en apparence, ou par endroits.
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Lili-Lutine
le vendredi 26 avril 2024 à 15h34
artichaut
Une presque-boutade m'est venue : ce que je ressent, c'est la suffocation liée à cette surfocalisation.
Oui bi/pan queer non-binaire… sont des concepts qui peuvent apporter de l'air.
Ça ne change malheureusement pas le monde, mais ça peut sans doute le rendre plus respirable, au minimum en apparence, ou par endroits.
Je partage ton ressenti quant à la surcharge que peuvent représenter ces termes, mais je suis aussi d'avis que, bien qu'ils ne puissent à eux seuls révolutionner le monde, ils sèment les graines d'un futur plus bienveillant
Ces concepts, tels que bi/pan, queer, non-binaire…, ouvrent pour moi des fenêtres dans des murs autrefois opaques, en tout cas pour moi ils l'étaient :-(
Ils nous invitent je pense à créer ensemble des espaces où l'acceptation et la tolérance ne sont pas pour moi de simples idéaux, mais une réalité en devenir
Peut-être que le monde ne change pas d'un coup, mais chaque conversation, chaque esprit ouvert un peu plus largement, chaque regard qui voit au-delà des normes établies, contribue, à mon sens, à édifier une société où les termes nous libèrent plutôt qu'ils ne nous confinent
C'est pour moi une progression, une marche vers une compréhension plus profonde qui nous permet, pas à pas, de tisser un monde aux mille couleurs du spectre humain, où chacun·e peut espérer trouver sa place et respirer sans contrainte <3
En partageant tes introspections, tes doutes et tes questions à ce stade précis de ta vie, où tu cherches, de mon point de vue, du sens dans les termes utilisés et comment ils sont vécus et incarnés par toi et par chacun·e, notamment celui d'hétéro, @artichaut, il me semble que tu contribues activement à élargir notre vision du monde
Cela constitue peut-être aussi une invitation ( et ce n'est pas une injonction hein <3 ), pour celleux qui le souhaitent, à redéfinir plus profondément ce qui nous anime dans nos proximités avec autrui, à explorer les mécanismes, croyances et vécus qui façonnent nos attractions pour certaines personnes plutôt que d'autres, à certains moments et pas à d'autres, et qui parfois troublent nos certitudes ou nos habitudes
Message modifié par son auteur il y a un an.
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Lili-Lutine
le vendredi 26 avril 2024 à 17h27
Je profite de cet instant de réflexion, sachant qu'un beau week-end à venir va bientôt m'occuper l'esprit — et c'est tant mieux, ahaha, je ne pourrais plus trop ni vous lire et encore moins vous écrire juste après ceci : :-D
À chaque fois que j'entends "hétéro", je peux ressentir comme un petit sursaut d’étonnement ou de vague malaise selon le contexte
Plus que la définition d'une orientation sexuelle, ce terme soulève pour moi les strates d'histoires, de normes et de valeurs qui l'accompagnent
Il invoque pour moi des normes sociales, des attentes collectives, et des suppositions ancrées dans nos traditions et croyances
La question d' @artichaut "C'est quoi être hétéro ?" dépasse pour moi une simple recherche lexicale
Elle met en lumière pour moi le poids des récits qui s'entrelacent dans nos mots et dans notre héritage culturel
De manière inattendue, je constate que même "hétéro", un terme qui semble apriori neutre et universellement accepté, porte sa propre complexité et ses enjeux, parfois aussi lourds que ceux associés aux termes bi, pan, queer, etc. :-/
Lorsque quelqu'un·e me déclare d'emblée "je suis hétéro", je me questionne sur le sens caché derrière cette affirmation
Est-ce une marque de fierté, une mise en garde, ou un écran protecteur ?
Souvent, je choisis de ne pas creuser
Parfois, je préférerais éviter ces étiquettes qui, loin de nous unir, semblent ériger des frontières entre nous
Cela dit, sans mots, comment aborder la complexité de ces thèmes ?
Comment mesurer l'impact d'un simple terme sans les outils linguistiques pour l'analyser ?
Les mots sont, il me semble, le miroir de notre réalité, mais peuvent peut-être aussi devenir des limites ?
Ainsi, je m'interroge : est-il possible de trouver une nouvelle forme de communication qui dépasse le cadre du langage actuel, qui pourrait capturer la diversité totale des expériences humaines dans un débat sociétal et éthique plus large ?
Est-ce envisageable, ou même souhaitable ?
Voilà la question qui m'occupe en ce moment ahahah
Vous avez tout le we pour y répondre avant que je revienne ici pour en rajouter encore une couche ahaha ( c'est une blague :-D :-D )
Message modifié par son auteur il y a un an.
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Alabama
le vendredi 26 avril 2024 à 20h22
Ce qui me vient en te lisant @artichaut, c’est que pour moi ces termes pourraient être utilisés comme une description et non comme une prescription, un peu comme le polyamour descriptif ou prescriptif. Un genre de pas de côté qui prendrait tout de même en compte le fait que nos désirs les plus intimes ne sont pas contrôlables. On peut œuvrer à les changer, mais avant de changer ils sont comme ils sont.
Être ouvert à tous les possibles et constater que de fait, tu ne vis des relations sexuelles qu’avec des femmes par exemple. Ou au contraire réaliser soudainement que tu vis quelque chose d’assez proche de « être amoureux » mais avec un homme.
Aussi je me dis que si tu pars du principe que tu n’es pas (plus) hetero, ça peut sans doute produire du changement et ça va dans le sens de ton nouveau paradigme.
En tant que bi/pan/queer, je te rejoins sur le fait que l’hétérosexualité paraît étriquée. Tout comme à titre personnel l’homosexualité me paraît étriquée. Attention je précise que je ne juge pas les orientations bla-bla-bla. Je parle d’un point de vue de bi pour qui la mono-sexualité est une planète étrange et difficile à comprendre. Je comprends cependant mieux l’homosexualité féminine et plus largement le lesbianisme politique.
Pour être honnête, je ne suis pas sûre que les orientations sexuelles existent en dehors du cadre culturel et social. Sinon pourquoi les hommes se mettent à coucher entre eux quand il n’y a pas de femmes ? (Prison par exemple) et pourquoi nombre de femmes hetero ont ou ont eu des expériences lesbiennes avec leurs amies ou des inconnues ?
Je crois que c’est Adrienne rich (corrigez moi si je me trompe) qui parle du continuum lesbien. Passer du temps entre femmes est déjà un élément de lesbianisme au sens politique, au sens d’exclure les hommes de l’équation (en opposition avec le présupposé que les femmes ne peuvent se passer des hommes, notamment pour être protégées). Les femmes entre elles de touchent, se complimentent, se soutiennent, ce qui est souvent décrit comme étant propre à la relation amoureuse et qui fait pourtant souvent défaut dans les relations hetero de la part des hommes. En ce sens les femmes hetero peuvent souvent avoir des relations plus intimes avec leurs amies qu’avec leurs conjoints. Mais le carcan de l’étiquette invisibilise ce type de relations.
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Alabama
le vendredi 26 avril 2024 à 20h33
@Lili-Lutine :
Pendant bien longtemps je ne me suis pas définie sur ce plan. Si je savais que j’étais « bi » d’un point de vue linguistique 😂, mais à l’intérieur de moi même, je suis simplement attirée par des gens. Je peux ressentir du désir pour toute personne que j’apprécie. Ça ne veut pas dire que je tente d’agir sur ce désir. Mais je n’ai pas une seule amie ni un seul ami pour qui je n’ai pas eu de désir à un moment ou un autre.
Je dirais que ces termes me sont utiles d’un point de vue politique, mais que dans une discussion de cœur à cœur sur mes attirances je n’en ai pas l’utilité. Je crois qu’on peut s’en passer totalement dans certains contextes intimes.
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artichaut
le vendredi 26 avril 2024 à 21h23
Alabama
Ce qui me vient en te lisant @artichaut, c’est que pour moi ces termes pourraient être utilisés comme une description et non comme une prescription
Ça m'a donné envie d'en savoir plus sur l'apparition du mot…
Wikipédia dit :
…le terme « hétérosexuel » n'apparaît qu'après la formation du mot « homosexuel », auquel son créateur, Karl-Maria Kertbeny, opposait d'abord le terme « normalsexuel ». En français, l'adjectif apparaît en 1891, et le substantif « hétérosexualité » en 1894.
Ce serait donc comme cis-genre, pour visibiliser une norme invisible.
Ah, ça me le rend déjà plus sympathique ce terme hétéro.
Alabama
Passer du temps entre femmes (…) Les femmes entre elles de touchent, se complimentent, se soutiennent, ce qui est souvent décrit comme étant propre à la relation amoureuse et qui fait pourtant souvent défaut dans les relations hetero de la part des hommes. En ce sens les femmes hetero peuvent souvent avoir des relations plus intimes avec leurs amies qu’avec leurs conjoints. Mais le carcan de l’étiquette invisibilise ce type de relations.
Oui, c'est typiquement ce genre de chose que j'ai à cœur de changer.
La question n'est pas de savoir si on se touche la bite, ou pas. Sauf cas de pédocriminalité ou d'interactions non-consenties (ou pour le plaisir de "parler de cul" entre ami·e·s), on s'en fout, ça ne regarde que les concerné·e·s.
En revanche pouvoir avoir des relations ouvertement intimes (au sens affectif, au sens tendresse, etc), qui ne dit rien de ce qu'on peut vivre avec cette personne dans une intimité en privé (ni dans un sens, ni dans l'autre), voilà ce vers quoi je voudrais tendre.
Et ce, non pas avec tout le monde, mais avec qui on veut. Sans devoir se justifier par une orientation "amoureuse" ou "sexuelle", ou par un statut relationnel du genre de la fameuse question « Vous êtes ensemble ? » ou « C'est ta copine ? »
Alabama
Je dirais que ces termes me sont utiles d’un point de vue politique, mais que dans une discussion de cœur à cœur sur mes attirances je n’en ai pas l’utilité. Je crois qu’on peut s’en passer totalement dans certains contextes intimes.
Oui, c'est ce que je ressent aussi.
Et je sens que je voudrais pouvoir m'en passer dans certains contextes sociaux (a minima dans les contextes de convivialité entre personnes de réseaux affectifs proches).
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artichaut
le mardi 04 juin 2024 à 22h34
Alinea7
Je ne ressens pas l'attirance comme quelque chose qui s'accroche principalement à des traits culturels.
J'ai rencontré des femmes qui avaient des traits de caractère qui peuvent participer à déclencher de l'attirance lorsque je les retrouve chez un homme. Et pourtant je ne suis jamais tombée amoureuse, et je n'ai jamais ressenti d'attirance de type sexuel. Et pas comme quelque chose que j'aurais bridé culturellement, la simple absence de déclencheur. De l'admiration, pas de désir.
Y a bien des femmes que j'ai trouvé magnifiques et j'ai jamais été attirée non plus, et pourtant il me semble avoir rencontré plus de femmes magnifiques que d'hommes, ne serait ce que parce que c'est là dessus qu'elles se savent principalement évaluées. Bref, c'est à tout ça mis ensemble que j'ai fini par comprendre que je suis hétéro. Faute que ça se soit jamais produit. Mais bon effectivement ça ne veut pas dire que ça ne pourrait pas arriver.
J'ai repensé à cette discussion et notamment à ton post @Alinea7.
Et je me rends compte que je comprends (plus ou moins) que l'on se dise hétéro au passé. Par exemple : Je n'ai eu que des relations sexuelles hétéro. Là au moins on parle de faits (si tant est qu'on soit d'accord sur ce que signifie "relations sexuelles hétéro", mais bon).
Ce que je comprends mal, c'est qu'on en tire une généralité… au futur.
Je pense que j'ai aussi un problème avec le concept d'attirance, détaché du concret. Non pas pour ramener le classique « tu ne peux pas dire que tu n'aimes pas, si tu n'as pas essayé » (quoique), mais plutôt pour affirmer qu'une attirance en soi n'existe pas, qu'elle est éminemment culturelle et construite.
Je ne veux pas essayer certaines drogues ou certaines pratiques, c'est un choix que je fais, et donc j'ai le sentiment (ou le discours) de ne pas être attiré par elles, mais je ne peux pas savoir ce que ça me ferait si j'essayais.
Affirmer a priori que l'on n'est pas (ne sera pas) attiré par telle ou telle catégorie de personne, me semble très culturellement construit, et finalement un choix, au sein de ce culturellement construit. Il s'agit ni plus, ni moins, que de rejeter des personnes a priori, en fonction de critères physiques ou culturels.
Et ce qui se pratique de façon assez invisible et acquis avec le genre (au nom de l'orientation dite "amoureuse" ou "sexuelle") se pratique aussi avec tout un tas d'autres critères (le poids, la taille, la couleur de peau, l'âge, etc), en discrimination "positive" ou "négative".
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artichaut
le mercredi 05 juin 2024 à 10h48
Lili-Lutine
Plus sérieusement, queer est un terme parapluie qui décrit des identités sexuelles et de genre qui divergent des normes hétéronormatives et cisnormatives traditionnelles
Ce mot peut englober une grande diversité d'expériences et de perspectives, remettant en question les idées reçues sur le genre et la sexualité
Il représente à la fois une revendication personnelle d'identité et une position politique qui cherche à déconstruire les structures de pouvoir existantes
C'est aussi une façon de vivre et d'interagir avec le monde, en reconnaissant la fluidité et l'évolution constante de la complexité des identités
Alabama
Je crois que c’est Adrienne rich (corrigez moi si je me trompe) qui parle du continuum lesbien. Passer du temps entre femmes est déjà un élément de lesbianisme au sens politique, au sens d’exclure les hommes de l’équation (en opposition avec le présupposé que les femmes ne peuvent se passer des hommes, notamment pour être protégées). Les femmes entre elles de touchent, se complimentent, se soutiennent, ce qui est souvent décrit comme étant propre à la relation amoureuse et qui fait pourtant souvent défaut dans les relations hetero de la part des hommes. En ce sens les femmes hetero peuvent souvent avoir des relations plus intimes avec leurs amies qu’avec leurs conjoints. Mais le carcan de l’étiquette invisibilise ce type de relations.
Et du coup que l'on se revendique du queer, d'un lesbianisme politique, ou que l'on invente de nouveaux mots/concepts, il me semble que questionner nos attirances, et regarder ce qu'elles fabriquent dans leur mises en pratique, est éminemment politique.
Et c'est moins ce que l'on revendique, que ce que l'on fait exister en pratique, qui à mon sens est ici politique.