Amours compersives, amitiés compersives, ou la compersion comme modalité interactionnelle
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artichaut
le dimanche 28 septembre 2025 à 23h21
Allez, soyons optimistes. Et parlons de ce que j'aime au lieu de critiquer ce que je n'aime pas.
J'ai proposé ici l'expression amours compersives. Oui, alors ok, difficle de faire plus obscur comme concept pour les non-polys.
Et l'an dernier je plaisantais sur le nom de ce forum, en proposant de le transformer en compersion.info.
Rien à faire, j'aime la compersion, son concept, son humeur, son mouvement, ses élans, ses racines. La manière dont elle s'étend et se propage.
Les amours plurielles et le polyamour ne me parlent plus trop. Disons que la notion de pluriel que j'ai pu voir jadis comme une ouverture à une pluralité de point de vue et de pratiques, me semble aujourd'hui se retreindre de plus en plus à une pure question de quantité ou de multiplication de la monogamie. Avoir plusieurs relations à quoi bon, tout dépend ce qu'on en fait.
Amours, je sais pas (même si aujourd'hui j'aime l'amour), alors j'ai élargi le titre de cette discussion aux amitiés compersives, aux interactions compersives.
Qu'est-ce qui m'intéresse dans la compersion ?
Que ça place tout de suite le curseur à l'endroit crucial qui nous (enfin moi en tout cas) intéresse ici.
Quitter la monogamie pour la compersion, voilà un objectif que je trouve ultra stimulant.
Et pas si dificile quand on y réfléchis. Tout le monde vit déjà de la compersion, avec ses amis, sa famille, ses collègues, etc.
Il s'agit juste d'oser élargir un peu plus quelque chose que l'on connaît déjà.
Les moments de compersion que j'ai pu vivre, comme ceux de polyamour convivial sont je pense les plus beaux moments que j'ai pu vivre en non-monogamie, et ils ne sont pas entachés, comme d'autres, de souvenirs pourri-crados résiduels.
C'est, je sais pas, de l'amour au sens large, de l'amour par procuration, de l'amour tel que je le conçois : on aime l'autre pour ce qu'il est pour ce qu'il vit, on est heureux de son bonheur (et pas seulement de ses relations d'ailleurs, mais de ses joies en général).
La compersion, par expérience est très contagieuse en plus. De même que l'amour appelle l'amour, que la générosité appelle la générosité.
Et en vrai je m'en fiche un peu qu'elle s'applique à du sexe ou a de l'amour-amoureux, ou même les deux ensemble, la toute puissante RAS (relation_amoureuse_et_sexuelle).
J'avoue, quand un·e proche m'annonce une nouvelle RAS dans sa vie, je vois déjà les tourments post-NRE. Mais allez, si la personne est provisoirement heureuse, célébrons ce petit rayon de soleil dans sa vie.
Et puis la compersion c'est pas juste célébrer les nouvelles RAS, c'est aussi soutenir dans le lien qui suivra, et c'est aussi célébrer tout le reste, les autres formes de relations/interactions, les joies de la vie, et même les tristesses. On ne célèbre pas assez les tristesses, les ruptures, les transformations relationnelles !
Et si on inventait des rituels compersifs ?
L'amour est quelque chose de vivant. Comme la vie elle-même.
Seul le capitalisme prétend figer tout ça en monobloc de béton durable, écologique, à rentabilité garantie pour l'éternité et le paradis en prime.
La vie est autre. Elle est mouvante, changeante, mortelle aussi, et surtout c'est la seule chose qu'on aie. Une escale sur cette terre, comme dit @Lili-Lutine et que l'on peut partager avec d'autres.
Il en va de même de la compersion. Ça bouge, ça vit, ça s'émeut, ça ne se fige jamais.
S'enjailler des joies de l'autre c'est aussi s'épargner les escalators relationnels, les scripts. Pour une fois on laisse ça à l'autre, aux autres. Quelle tranquillité !
Et à force de vivre des choses simples, nos propres interactions en deviennent plus simples. On gagne mine de rien en expérience. Et on s'entraide mutuellement vers plus de bonheur partagé. On s'entraide et on s'entraîne à voir le bonheur, plutôt qu'à le laisser filer. À le célébrer. À célébrer des petits moments de joies. Qu'importe si ça durera ou pas.
Les amours compersives, les amitiés compersives, c'est aussi la possibilité (et non l'obligation, raconter peut suffir) du polyamour convivial, de faire des expériences incroyablement folles à se rencontrer entre metamours. Partager ensemble sur ce qu'on aime en commun chez une troisième personne est une expérience incroyable que je souhaite sincérement de vivre à tout le monde.
Ça brouille rapidement les codes de genre et d'affectivités normatives, même en milieu très hétéro. On se met à partager facilement de la tendresse (verbale, émotionnelle d'abord… puis tactile si l'on aime) avec tout genre de personnes. On se découvre ému·e par des personnes qu'on n'imaginait pas pouvoir nous émouvoir (et par lesquelles possiblement on n'est pas du tout attiré ni sexuellement, ni amoureusement, et pourtant on partage un commun de cet ordre via une autre personne qu'on aime) c'est absolument dingo et bouleversant.
Et ça ouvre des champs des possibles inenvisagés et inenvisageables jusque-là.
La tendresse devient un but en soi, et non plus un prélude à autre chose. Le sexe ou l'amour-amoureux ? Des trucs joyeux parmi tant d'autres.
La compersion c'est juste foufou.
Parlons-en, cultivons-la, documentons-la.
Sans quoi on parle tout le temps ici de problèmes, de souffrance… et de mono+gamie.
Et non la compersion n'est pas reservé à une élite de supra-fortiches affectifs.
Tout le monde en a déjà vécu.
Juste on voudrait tout, tout de suite, comme d'hab'. La transposer illico à la RAS, au trouple, à une vision totalisante et totalitaire des relations.
À croire qu'on aime plus se plaindre et souffrir que vivre et ressentir de la joie.
L'herbe est plus verte ailleurs ? Réjouissons-nous qu'elle soit verte quelque part. Ça ne va peut-être pas durer.
Compersion je te kiffe. Tu enjailles régulièrement ma vie.
À quand les cafés compersifs ? compersion.info ? la oui-compersion au lieu de la non-monogamie ? À quand l'amour, tout simplement ?
Ou bien on continue à se jalouser les un·es les autres, à se plaindre, à marchander nos relations, à réclamer toujours plus, et à regarder la paille dans l'œil du voisin ?
À quand la solidarité en amour ?
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Voir aussi :
- [Lexique] Compersion - définition(s) incluant le post où je référence des ressources sur la compersion.
- Changer de paradigme (relationnel), déc 2022
- les outils pour relations non-normées.
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Lili-Lutine
le lundi 29 septembre 2025 à 06h29
Merci @artichaut pour ce texte, il m’a donné envie de revenir sur ce que la compersion m’a appris de plus surprenant
Au début, je l’associais surtout au polyamour : être heureuse que maon partenaire vive une autre histoire
Puis j’ai découvert qu’elle pouvait surgir ailleurs : dans les amitiés, dans des collaborations, parfois même dans des moments de militantisme partagé
La compersion est alors devenue pour moi non pas une émotion rare, mais une clé pour sortir des hiérarchies relationnelles
Une joie sans possession, sans calcul, juste le plaisir de voir la vie circuler
Elle n’est pas qu’une affaire de "grands cœurs poly"
Je la vis aussi à petite échelle, chaque fois que je me réjouis que quelqu’un·e que j’aime soit nourri·e ailleurs, autrement
Quand je suis touchée, émue, reconnaissante que la vie et les bonheurs de cette personne ne dépendent pas (que) de moi
Et ça bouscule nos habitudes : compter (combien de relations ?), comparer (laquelle est plus importante ?), sécuriser (quelle place j’occupe ?)
Et si la compersion, au lieu d’être vue comme une compétence affective rare, devenait une pratique politique quotidienne, un art de déjouer la centralité de la RAS (relation amoureuse-sexuelle) et d’ouvrir de la place à tous nos autres liens ?
artichaut
S'enjailler des joies de l'autre c'est aussi s'épargner les escalators relationnels, les scripts. Pour une fois on laisse ça à l'autre, aux autres. Quelle tranquillité !
Merci @artichaut pour ce joli et pétillant mot nouveau pour moi : enjailler ! <3
Message modifié par son auteur il y a 5 jours.
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artichaut
le lundi 29 septembre 2025 à 10h39
Lili-Lutine
La compersion est alors devenue pour moi non pas une émotion rare, mais une clé pour sortir des hiérarchies relationnelles
Grave !
Lili-Lutine
Une joie sans possession, sans calcul, juste le plaisir de voir la vie circuler
Ouiii
Lili-Lutine
Elle n’est pas qu’une affaire de "grands cœurs poly"
Je la vis aussi à petite échelle, chaque fois que je me réjouis que quelqu’un·e que j’aime soit nourri·e ailleurs, autrement
Quand je suis touchée, émue, reconnaissante que la vie et les bonheurs de cette personne ne dépendent pas (que) de moi
Voilà la clef pour moi : que quelqu’un·e que j’aime soit nourri·e ailleurs, autrement … que la vie et les bonheurs de cette personne ne dépendent pas (que) de moi.
Ça j'ai l'impression que c'est hyper important pour moi.
Être rassuré que l'autre ne va pas s'effondrer si… je disparais, j'ai moins envie, j'ai besoin de prendre soin de moi et de moi seul, etc.
Être rassuré que l'autre a une vie en dehors de moi.
Être rassuré de ne pas être indispensable à l'autre.
Être rassuré qu'on soit plusieurs à pouvoir prendre soin d'une personne que j'aime.
Quand on y pense c'est tellement affreux d'être le seul, la seule pour quelqu'un…
Brrr ça me fait froid dans le dos.
Même ces trucs de socle, d'ancre, etc.
Je ne veux être le socle, l'ancre de personne. Pas même de mes enfants.
Au secours !
Alors que voir ces gens que j'aime s'enjailler avec d'autres, c'est émouvant, gratifiant, rassurant. Je me dis que j'ai de la chance de voir ça, et de faire partie de tout ça.
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artichaut
le lundi 29 septembre 2025 à 10h59
Tiens je viens de penser à un truc de compersion tout bête. Le fait d'être parents et la joie de partager ça. Qui voudrait être parent tout seul ? Avoir un enfant rien qu'à soi ?
Alors qu'être co-aimant (à deux, à plus que deux), c'est une joie indescriptible. Même si l'on ne s'est pas choisis entre co-aimant·e.
Qu'on ne sache pas le vivre avec le sexe ou l'amour-amoureux, soite. Mais vivons le déjà dans tous les autres champs de la vie.
La co-aimance c'est le début de la communauté, du commun entre humain·e·s.
Et on en a bien besoin par les temps qui courent. Y'a pas que la haine et la colère autour de quoi se rassembler.
C'est peut-être ça aussi le changement de paradigme : au lieu de regarder qu'une personne qui m'aime en aime aussi un·e autre (et voir ce que ça me fait en moins et m'en plaindre), voir qu'une personne que j'aime est aussi aimé·e par d'autres, et voir le commun que j'ai avec ces gens-là (et regarder ce que ça nous fait en plus et m'en réjouir).
Ça me fait penser au verre à_moitié_plein / à_moitié_vide et j'ai envie de l'élargir. T'as un petit fond de très bon vin dans ton verre, et toi, qu'est-ce que tu regarde ? Le gouffre du vide dans ton verre !
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artichaut
le mardi 30 septembre 2025 à 12h24
Je ressens l'envie aujourd'hui de révéler ici que je suis l'éditeur de la maison d'édition : a rouge éditions.
Ce n'est pas un grand secret. Toute personne venue physiquement à l'un de mes événements publics sait qui est derrière ce pseudo @artichaut, mais jusque là j'avais fait le choix de ne pas le nommer ici publiquement.
Pourquoi aujourd'hui ?
car j'ai envie d'assumer. car je ressens l'envie d'éditer chez a rouge des choses sur le thème de la compersion (j'en reparlerai bientôt), et que ça me semble +cohérent (et +transparent aussi). car peut-être on comprendra mieux mes choix éditoriaux et mon goût ici pour l'archive, la terminologie, les oeuvres culturelles (films, livres…). ou inversement on comprendra mieux les racines non-monogames de la maison d'édition. comme par exemple le choix de contrats d'édition non-exclusifs, ce qui est rarissime dans la profession. de fait, la non-exclusivité est une valeur importante pour moi, sur tout un tas de plans, qu'elle soit affective, artistique ou commerciale.
Pourquoi pas avant ?
l'anonymat sur les forums a son utilité. et il m'est arrivé de remercier ce choix. être visible publiquement c'est s'exposer et on n'a pas toujours envie de subir ça. j'ai un grand respect de l'anonymat. c'est même une des valeurs d'arouge : publier sous pseudonyme est encouragé, valorisé. mais j'ai aussi un grand respect pour le courage et la transparence.
Ça change quoi ?
pas grand'chose. je vais continuer à utiliser mes deux pseudos ( @artichaut et @arouge ) selon avec quelle 'casquette' prioritairement je m'exprime.
il y aura juste un peu+ de porosité entre les deux. et je m'autoriserait sans doute à être +loquace en tant qu'éditeur.
en tout cas ça explique pourquoi — moi qui suis d'ordinnaire très prompt à donner ici mon avis sur tout livre qui est publié sur les non-monogamies — j'ai été très discret sur les livres d'arouge. si je fais le choix d'éditer un livre, c'est que —sans forcément être d'accord sur tout avec les autrices/auteurs— je l'estime digne d'intérêt et j'estime important qu'il existe, et mes choix éditoriaux sont en conséquences. je n'allais donc pas poster des avis dithyrambiques sur des livres, sans révéler que j'en suis par ailleurs l'éditeur. ni leur donner une place privilégiée dans la bibliographie que j'ai participé à rédiger ici. question d'honnêteté intellectuelle.
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crest
le mercredi 01 octobre 2025 à 06h19
J’ai l’impression que la compersion des polyamoureux est plus spécifique voire d’une autre nature que celle que souhaites conceptualiser ici. Je projette un peu ma vision dans ce qui suit mais c’est pour tenter de mieux cerner ce que tu veux dire.
Il me semble que la compersion des polyamoureux est plus (schématiquement) de l’ordre de l’excitation sexuelle, celle du caudalisme.
Il y a un « oubli » de soi fugitif qui peut faire penser qu’on a franchi un cap dans le lâcher prise.
Mais à mon avis cela est permis par un lien très particulier avec la personne dont on se réjouit de la joie qu’elle éprouve, en sachant (et parce que on le sait, pour certaines raisons) que cette personne pense à nous aussi, à tout moment, de sorte que cette personne nous inclue dans son ressenti. On peut s’oublier mais c’est parce que l’autre, précisément, ne nous oublie pas, pense à nous. On n’a plus besoin de l’autre à ce moment-là, mais c’est parce que antérieurement il nous a promis de ne pas nous oublier, et qu’on sait qu’on le retrouvera bientôt.
Bref je suis tenté de dire que la compersion des polyamoureux a tout de l’amour amoureux, un peu déviant par rapport à la norme, mais qui puise quand même dans les mêmes ressorts affectifs, du lien privilégié et unique entre deux personnes qui s’aventurent hors de leurs habitudes mais qui peuvent le faire grâce à une grande confiance préexistante.
Le fait qu’on appelle « amoureux » différentes phases du script romantique (le début de l’excitation sexuelle comme la relation de couple plus mature après plusieurs années ensemble) fait qu’il est tentant de nommer polyamour des relations simultanées mais développées à des stades de maturité différents. La compersion pourrait dans cas être l’évocation émotionnelle de l’amour naissant au sein d’un couple mature, qui peut ainsi revivre les sensations, érotiques, de l’amour naissant.
La compersion est une peur surmontée de perdre le lien mais le lien est préexistant. J’ai du mal à visualiser une personne flottante se réjouissant de ne pas être indispensable nul part, sauf à être particulièrement touchée par une foi en quelque chose (dieu, un idéal, etc) ou à accéder à des mondes transcendants qui la valide à tout moment. Le prototype de cette personne est quelqu’un qui aime indistinctement tous les êtres en raison d’une conscience élargie et d’une conviction que quelque chose de commun préexiste à l’infinité possiblement chaotique des événements humains.
A l’inverse de cette vision de la sainteté tu postules une compersion ancrée dans les expériences les plus ordinaires des gens. Je pense qu’il serait intéressant de décrire ces expériences car paradoxalement leur caractère ordinaire fait qu’on a particulièrement besoin de le faire.
Message modifié par son auteur il y a 3 jours.
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artichaut
le mercredi 01 octobre 2025 à 22h05
crest
Il me semble que la compersion des polyamoureux est plus (schématiquement) de l’ordre de l’excitation sexuelle, celle du caudalisme.
Il y a un « oubli » de soi fugitif qui peut faire penser qu’on a franchi un cap dans le lâcher prise.
Mais à mon avis cela est permis par un lien très particulier avec la personne dont on se réjouit de la joie qu’elle éprouve, en sachant (et parce que on le sait, pour certaines raisons) que cette personne pense à nous aussi, à tout moment, de sorte que cette personne nous inclue dans son ressenti. On peut s’oublier mais c’est parce que l’autre, précisément, ne nous oublie pas, pense à nous. On n’a plus besoin de l’autre à ce moment-là, mais c’est parce que antérieurement il nous a promis de ne pas nous oublier, et qu’on sait qu’on le retrouvera bientôt.
Bref je suis tenté de dire que la compersion des polyamoureux a tout de l’amour amoureux, un peu déviant par rapport à la norme, mais qui puise quand même dans les mêmes ressorts affectifs, du lien privilégié et unique entre deux personnes qui s’aventurent hors de leurs habitudes mais qui peuvent le faire grâce à une grande confiance préexistante.
As-tu déjà vécu de la compersion en tant que polyamoureux pour parler ainsi ?
Moi oui, et je ne l'ai pas du tout vécu comme ça.
Et à mon avis il est difficile de faire de telles généralités. Chacun·e étant suceptible de vivre la compersion de manière très différente.
Il n'y a justement —à ma connaissance— aucun corpus de témoignages sur le sujet, en tout cas en français.
La compersion on la nomme, mais jamais on ne prend la peine de la décrire.
Et c'est justement à mon sens, un manque qu'il va falloir combler.
Arrêter de la regarder de loin comme un truc étrange ou déviant. Et au contraire creuser le sujet. En faire un sujet.
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crest
le jeudi 02 octobre 2025 à 05h41
En fait pour nommer une expérience je pense qu’il faut au moins deux personnes qui aient la conviction qu’elles fassent la même expérience. Il n’y a pas de langage privé disait Wittgenstein.
Imagine un enfant qui apprend à parler français et ne connaît pas le sens du mot froid. Il sort dehors pendant l’hiver avec un adulte qui lui dit « oh il fait froid! ». L’enfant vient d’apprendre le mot « froid ».
L’autre façon d’apprendre un mot à l’âge adulte est de décrire un certain contexte d’où un événement émerge, et qu’il s’agit de nommer.
Le mot compersion a été inventé dans le contexte de relations amoureuses plurielles, ordinairement entachées de jalousie et divers sentiments désagréables à ressentir, et d’où émerge l’événement d’une émotion positive, que l’on a nommé compersion. Il n’y a pas forcément besoin d’en dire beaucoup parce que la compersion dérive d’une expérience ordinaire connue des locuteurs : la relation amoureuse.
C’est pourquoi je serai favorable à la création d’un autre mot ou expression pour décrire les expériences que tu décris, et dont la toile de fond est différente. Cette toile de fond est à mon avis la critique du modèle amoureux étendue à la critique du modèle polyamoureux. Dans ce modèle les individus sont fortement validés par un ensemble de relations très intimes (j’aurais envie de dire communautaires) répétées dans le temps et avec un engagement à ce qu’elles se répètent. La critique de se modèle fait émerger des expérience où l’individu apparait comme détaché de ce type de relation, et valorisant fortement le fait de s’en détacher.
J’ai tenté d’appuyer le fait que le détachement complet à l’égard des égards des autres êtres humains pour nous, tout en éprouvant de l’amour pour ces êtres humains, etait une expérience limite spirituelle voire religieuse/
Dans mon expérience je parle « d’accéder à la sainteté » pour décrire ironiquement mon état psychologique quand je suis détaché des turpitudes amoureuses avec autrui que connaît ma partenaire. Je parle d’ironie parce que je ne pense pas que ce soit de la sainteté : je suis tout simplement content d’être seul, cependant que je sais que je serai content de retrouver ma chérie plus tard.
D’un autre côté j’ai été tellement déstabilisé par l’expérience d’ouverture de mon couple que j’ai eu envie de me tourner vers une religion pour m’agripper à quelque chose. Puis j’ai découvert que ma façon d’aimer en relation amoureuse ressemblait beaucoup à l’idolâtrie qui est au principe de la critique que font les religions monothéistes naissantes des sociétés d’où elles émergent. L’idolâtrie est le fait d’adorer et de diviniser des entités que l’on crée soi-même, en pensant ensuite qu’elles ont une vie propre et qu’elles vont nous sauver des affres de la vie. Je pense que l’expérience amoureuse est une forme d’idolâtrie, et dire cela est évidement un geste critique pour tenter de s’en détacher.
Il me parait difficile de nommer une expérience sans un geste critique vis-à-vis d’une autre expérience dont les locuteurs ont l’expérience et qu’ils savent nommer.
Le fait de ne pas le faire s’appelle le quiproquo et génère des « faux problèmes ».
Message modifié par son auteur il y a 2 jours.
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artichaut
le jeudi 02 octobre 2025 à 10h54
crest
Le mot compersion a été inventé dans le contexte de relations amoureuses plurielles, ordinairement entachées de jalousie et divers sentiments désagréables à ressentir, et d’où émerge l’événement d’une émotion positive, que l’on a nommé compersion. Il n’y a pas forcément besoin d’en dire beaucoup parce que la compersion dérive d’une expérience ordinaire connue des locuteurs : la relation amoureuse.
C’est pourquoi je serai favorable à la création d’un autre mot ou expression pour décrire les expériences que tu décris, et dont la toile de fond est différente. Cette toile de fond est à mon avis la critique du modèle amoureux étendue à la critique du modèle polyamoureux.
J'entends un truc du genre :
« Le mot compersion a été inventé dans le contexte de relations amoureuses plurielles … [donc il ne peut pas être utilisé pour] la critique du modèle amoureux étendue à la critique du modèle polyamoureux. »
Je ne sais si c'est ce que tu veux exprimer.
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Moi j'ai l'impression que ce Il n’y a pas forcément besoin d’en dire beaucoup justement est un leurre.
Quelqu'un qui nous dit « oh il fait froid! » ou « oh je suis compersif! » ne nous aide pas à comprendre ce qu'est le froid ou la compersion. Ça présuppose une co-expérience commune qui en réalité n'existe pas. Il y a eu un arc-en-ciel quand la personne a dit « oh il fait froid! », et donc je vais penser que c'est ça le froid ?
On s'accorde pour dire que telle fourchette de longueur d'onde de lumière est du "rouge", mais on ne sait pas ce que chacun ressent et même voit, face à cette longueur d'onde. si ça se trouve ce que tu vois rouge, je le voit vert, mais on m'a appris que ce vert il faut l'appeler "rouge".
Je pense qu'on se comprendrais mieux, si justement on mettait un peu plus de récit d'expériences derrière ce qui sinon ne sont que des mots vides et creux.
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Aki
le vendredi 03 octobre 2025 à 13h16
Artichaut
La tendresse devient un but en soi, et non plus un prélude à autre chose.
Je suis totalement d'accord avec ça. Merci de le dire.
Parlons-en oui.
C'est vrai que sur ce forum, il y a une forte tendance, comme sur beaucoup de forums (#doctissimo) à parler de ce qui va mal, de ce qui nous blesse, de ce qui est dysfonctionnel. Parlons de ce qui nous fait du bien, de polyamour convivial, de compersion, de tendresse !
Pour info, le nom de domaine "compersion.info" semble disponible ...