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Politiser la non-monogamie

Politique
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RedRackham

le jeudi 12 juin 2025 à 15h05

Bonjour à tous·tes,

Après des années à consulter le site sans passer le cap de la discussion, je crée enfin un compte pour échanger autour de la politisation de la non-monogamie (ou plutôt des non-monogamies).
Comme le sujet est vaste, je vais essayer de hiérarchiser les idées et de vous mettre mes questions tout à la fin pour celleux qui ne veulent pas tout lire :-)

1) Où on en est en France ?
Dans les pays anglosaxons, le lien entre la politique et la non-exclusivité/non-monogamie est assez présent.
Que ce soit par des comptes militants comme Decolonizing Love, Polyphilia, Chillpolyamory. Par des chercheur·euses tel que Kevin A. Patterson (Love is not colorblind) ou par des associations comme Polyamory Legal Advocacy, Organization for Polyamory and Ethical Non-monogamy ou Canadian Polyamory Advocacy Association.
Il me semble qu'en France on s'attache principalement à vulgariser autour de la non-exclusivité, faire de la pédagogie, etc En gros à se visibiliser dans l'espace public. Pour reprendre le parallèle avec les anglosaxon·es, du côté des comptes militants, on retrouve principalement du contenu pédagogique comme Polyamour_euse, tesPoly, Amours plurielles. Côté chercheur·es/journalistes les personnalités comme Françoise Simpère ou Stéphanie Tabois font un petit peu de liaison avec du politique mais ce sont des travaux qui tournent aussi majoritairement autour de l'explication et de la pédagogie sur comment mener des relations non exclusives "saines". Et côté associations, on a esentiellement des structures qui visent à créer des événements et des rencontres au sein de la communauté (comme ce que font les copaines de Polyazard pour ne citer qu'un exemple).
Les initiatives politiques autour de la non-exclusivité qu'on retrouve en France (bien sûr qu'il y en a, à commencer par des exemples présents dans les fils de discussions de cette section) sont davantage des initiatives individuelles que des combats menés collectivement.
Attention, je ne dis absolument pas que le travail de pédagogie n'est pas à poursuivre, mais je pense qu'il est temps que les non-monogames se pensent comme un groupe social porteur d’enjeux politiques.

2) Pourquoi politiser la non-monogamie ?
Mon avis est que notre pratique de la non-exclusivité implique, qu'on le veuille ou non, de déconstruire l'institution du couple monogame traditionnel (ce qui ne veut pas dire le faire disparaître, mais prendre conscience que notre existence même pousse à remettre en cause le fait que ça soit un modèle naturel et neutre).
Si la politisation passe évidemment par la visibilisation de notre existence (et en cela tous les contenus pédagogiques qui existent sont précieux), elle passe aussi par la revendication. Par exemple, la non protection des relations plurielles par la loi et le vide juridique à ce niveau est un problème qu'il importe d'adresser.
Je me permets un parallèle avec d'autres luttes, bien que la question de l'inclusion du polyamour/la non-exclusivité au sein des queers et féministes soit un sujet complexe que je ne vais pas développer ici. Les femmes, les homosexuel·les et l'ensemble du spectre LGBTQIA+ ont, comme les personnes non monogames, souffert (et souffrent encore) de leur invisibilité, de la stigmatisation, d'un cadre légal inadapté, etc. En réponse, au-delà de la vulgarisation et la pédagogie, ces luttes ont porté leurs revendications dans la sphère publique afin de faire valoir leurs droits. À nous de suivre cet exemple.

3) Comment politiser la non-monogamie ?
Je n'ai évidemment pas de solutions toutes prêtes ou un programme politique clé en main. En revanche je pense qu'il existe un certain nombre de pistes concrètes auxquelles on peut réfléchir.
- Comment construire un lien avec le monde queer et féministe ? (se rapprocher du collectif local dans nos villes et du collectif national inter-orga, se visibiliser en ce mois des fiertés, etc)
- Travailler avec des avocats sur la reconnaissance légale des configurations relationnelles non conjugales et plurielles (union, héritage, parentalité, protection sociale, droit du travail, etc)
- Définir un programme de rupture à porter dans le débat public
- Multiplier nos apparitions dans la société
- etc
On pourrait bien sûr développer cette partie à l'infini, mais ce n'est pas le but de ce poste donc je m'arrête ici (peut-être que je créerai un autre sujet dédié plus tard pour en parler tous ensemble)

Après tout ça, mes questions sont donc :
--> Est-ce que vous avez connaissance d'associations/organisations nationales dont l'objectif est de porter les enjeux politiques de la non exclusivité ?
--> Est-ce vous pensez que la non-exclusivité / la non-monogamie justifie un engagement politique ?
--> Est-ce que certain·es sont intéressé·es à l'idée de constituer un groupe (voire à terme une association) ayant pour but de faire progresser les droits et la reconnaissance des relations non monogames ? (contactez moi en PV pour ne pas trop encombrer le fil de discussion)

Merci à toustes et au plaisir d'échanger sur le sujet !

Message modifié par son auteur il y a 3 mois.

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Topper

le vendredi 13 juin 2025 à 08h53

Bonjour @RedRackham,

Je pense que les relations multiples ou polyamoureuses justifient un engagement politique. C'est déjà un débat qui revient cycliquement, notamment à la période de la marche des fiertés : faut-il inclure ou non le polyamour dans les LGBTQIA+ ?

On peut alors constater que le débat est loin d'être serein et qu'il y a beaucoup d'aprioris et d'hostilité dans la communauté existante. Celleux qui sont contre sont plus virulents que les autres alors le débat est abandonné jusqu'à la fois suivante.

En France, c'est discuté comme si, nous français, nous allions décider mais je ne doute pas que si l'inclusion finit par arriver, elle nous viendra des USA ou du canada.

Dans ce débat, on parle uniquement de polyamour. Je n'ai pas travaillé le sujet, mais il y a probablement une raison. J'ai d'ailleurs réduit mon début de réponse aux relations multiples et polyamoureuses.

Selon-moi, la non-monogamie est un concept trop vague et englobant. C'est même régulièrement vécu par des personnes monogames à certaines périodes de leur vie sans qu'ils en prennent conscience. Ils se disent monogames mais il ne se sont simplement pas "posés". Pourtant, ils peuvent cumuler plusieurs relations et ont un fonctionnement non-monogame des relations même si c'est temporaire.

Dans la société, la non-monogamie est quelque chose de relativement admis tant que c'est passager. Je ne connais pas de problématiques liées à ce contexte qui mérite qu'on s'y attarde.

Par contre, dès lors qu'il s'agit d'un mode de vie assumé sur la durée comme le polyamour, viennent avec le temps des questions de partage de logements, d'enfants, d'héritage, de solidarité.

Là, il y a du travail législatif à faire. Pas forcément énorme, mais la difficulté est ailleurs. Quand on a vu la réaction au mariage de même sexe, autant dire que l'union à plusieurs est un cran au-dessus en ce qui concerne la remise en cause des traditions. Ça demanderait de se fédérer et pas qu'un peu.

Or, nous ne sommes pas dans un clivage gauche/droite aussi simple que pour d'autres causes. Il y a de l'hostilité autant à gauche qu'à droite et il y a autant des polyamoureux à gauche qu'à droite dans des couches sociales qui ne se côtoient pas.

Faire se comprendre et travailler ensemble des personnes qui sont de classes sociales différentes, n'ont absolument pas les mêmes difficultés, la même culture militante et les mêmes enjeux me paraît être un frein de taille.

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Cha34 (invité)

le vendredi 13 juin 2025 à 08h59

Il serait effectivement bien / intéressant de voir si quelqu'un a ce renseignement ou des pistes de recherches ou lectures sur la politisation de l'orientation amoureuse et sexuelle du polyamour ?
Est-ce vraiment un choix d'être polyamoureux ? Ou plutôt une orientation ?

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Aki

le vendredi 13 juin 2025 à 16h07

Topper
On peut alors constater que le débat est loin d'être serein et qu'il y a beaucoup d'à-prioris et d'hostilité dans la communauté existante. Celleux qui sont contre sont plus virulents que les autres alors le débat est abandonné jusqu'à la fois suivante.

D'après toi, quelles sont ces à-prioris et les objets de cette hostilité ?

Si je comprends bien, les personnes LGBTQIA+ incarnent d'autres réalités (par rapport aux personnes cisgenres hétérosexuelles) et peuvent inviter à des questionnements sur les concepts de sexe, genre, orientation et comportement sexuel, etc. Mais certaines de ces questions, ayant des implications au niveau relationnel, resteraient considérées dans le cadre du "couple" (exclusif) ? La mono-normativité est-elle plus questionnée, malgré tout, dans ces communautés ?

Par contre, dès lors qu'il s'agit d'un mode de vie assumé sur la durée comme le polyamour, viennent avec le temps des questions de partage de logements, d'enfants, d'héritage, de solidarité.

Oui, et c'est déjà bien compliqué à deux parfois !
La loi française (code civil) favorisant "la famille" (donc le couple hétéro de base) depuis deux siècles, ça a déjà bien secoué la société quand il y a eu le mariage entre personnes de même sexe. Je me demande bien si la législation sur les implications de la non-monogamie évoluera ou pas.

Faire se comprendre et travailler ensemble des personnes qui sont de classes sociales différentes, n'ont absolument pas les mêmes difficultés, la même culture militante et les mêmes enjeux me paraît être un frein de taille.

Effectivement, j'ai l'impression que le même genre de problème est apparu
dans l'histoire du féminisme, entre les militantes bourgeoises et les plus pauvres (cf. les ouvrages de bell hooks). Etre d'accord sur un même sujet ne fait pas tout ! ;)

A ce propos, le polyamour est-il "bourgeois" ? Pourrait-il être plus "populaire" ?

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Depassage

le vendredi 13 juin 2025 à 17h06

Très bonne question sur le polya bourgeois ou intello. Réalité ou ressenti ?
Je pense que oui, il s'agit de mouvement militants plutôt intellectuellement favorisés.
Mais un forumeur ici ayant abordé le sujet il y a quelques années et s'étant fait rentrer dedans vertement par des "historiques" de l'époque je ne m'aventurerais pas sur ce sujet...

La parallèle sur les mouvements féministes est pertinent. Il y a par contre une dimension politique au sens de l'engagement sur des valeurs ou des dogmes qui me semblent totalement absent du monde polya. Plus individualiste.

Message modifié par son auteur il y a 3 mois.

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Brasidas (invité)

le vendredi 13 juin 2025 à 19h43

Depuis l'antiquité la question des liens familiaux est politique : Platon, la Bible, le code civil romain, Fourier, Beauvoir et j'en passe : la famille étant vue comme le ciment de la société, la définition de celle-ci a des répercussions sur l'édifice tout entier. Accepoter le polyamoiur c'est remettre en question le lien très fort qu'il y a entre économie et famille (échange des femmes, dot, etc) qui est plurimillénaire.
On ne peut faire autrement que de penser les liens affectifs sous un angle politique global.

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RedRackham

le samedi 14 juin 2025 à 13h00

Bonjour et merci à toustes,

Aki
D'après toi, quelles sont ces à-prioris et les objets de cette hostilité ?

Effectivement la question du polyamour et des personnes queers est un sujet complexe. Il y a notamment deux arguments principaux qui "refroidissent" les sphères féministes et LGBTQIA+ :
1) Le polyamour est un prétexte utilisé par les hommes cisgenres et hétérosexuels pour pouvoir multiplier les partenaires n'importe comment
--> Effectivement on voit souvent des hommes cishet se revendiquer polyA uniquement pour se donner le "droit" de fréquenter plusieurs personnes, mais sans prendre le temps de déconstruire certains prismes de la monogamie et surtout sans aucune considération pour leurs partenaires, ce qui conduit généralement à des situations bien merdiques. Les sphères queer militantes assimilent du coup pas mal le polyamour à un prétexte utilisé par les mecs pour faire n'importe quoi sans en assumer les conséquences
2) Le fait d'être polyamoureux·se n'impliquerait pas de discriminations comme peuvent en impliquer le fait d'être une femme ou d'être queer. D'autant que le polyamour serait essentiellement pratiqué par les hétérosexuel·les (je ne sais pas si c'est véridique, je n'ai jamais trouvé d'études fiables sur le sujet, mais en tout cas c'est une idée récurrente dans la sphère militante)
--> Perso je trouve que les points communs sont pourtant nombreux. Comme je le disais dans mon premier message, personnes polyA, femmes et personnes queer partagent des points communs que sont l'invisibilisation, la stigmatisation, la législation pas adaptée ou défavorable, etc.
On peut aussi ajouter d'autres raisons qui font que les milieux queer et féministe sont assez hostiles envers le polyamour, mais je pense que ce sont les deux qui reviennent le plus souvent.

Topper
Or, nous ne sommes pas dans un clivage gauche/droite aussi simple que pour d'autres causes. Il y a de l'hostilité autant à gauche qu'à droite et il y a autant des polyamoureux à gauche qu'à droite dans des couches sociales qui ne se côtoient pas.

Faire se comprendre et travailler ensemble des personnes qui sont de classes sociales différentes, n'ont absolument pas les mêmes difficultés, la même culture militante et les mêmes enjeux me paraît être un frein de taille.

Oui c'est un point très intéressant et très juste ! De mon côté, je ne pense pas que ça puisse être un frein à la construction d'une lutte polyamoureuse. Si on se compare aux autres mouvements de revendications, que ce soit dans la construction des luttes féministes ou des luttes queer (notamment autour de l'homosexualité) il y a toujours eu (et il y a toujours) un clivage gauche/droite et un clivage social. Mais les personnes se sont organisées selon les affinités des un·es et des autres pour amener une pluralité de mouvements, d'organisations et de revendications. Entre les suffragettes et le féminisme révolutionnaire de Rosa Luxemburg, Clara Zetkin, Alexandra Kollontaï et Asja Lacis il y a des différences à la fois politiques et sociales, mais les deux mouvements sont constitutifs de la lutte féministe.

Aki
A ce propos, le polyamour est-il "bourgeois" ? Pourrait-il être plus "populaire" ?

"bourgeois" je ne sais pas, mais je pense qu'à l'heure actuelle c'est essentiellement porté par des personnes avec un fort capital culturel. Ce n'est pas surprenant, car en général ce sont les personnes les mieux dotées en capital culturel qui commencent à interroger les normes sociales et les remettre en cause (car c'est bien de ça qu'il s'agit avec le polyamour, qu'il soit un choix ou une orientation, puisque ça remet en cause la normativité du couple exclusif). Puis petit à petit la normalisation permet à des personnes moins bien dotées de s'y retrouver également.
Il ne faut pas non plus négliger l'impact que peut avoir la non protection des relations plurielles par la loi et le vide juridique à ce niveau qui est peut-être aussi l'une des raisons limitant la pratique à des classes plus riches. Dans une situation de précarité, on ne peux pas se permettre de dévier sous peine de perdre des aides, le support de sa famille qui ne va pas accepter ses choix de vie, etc

Depassage
La parallèle sur les mouvements féministes est pertinent. Il y a par contre une dimension politique au sens de l'engagement sur des valeurs ou des dogmes qui me semblent totalement absent du monde polya. Plus individualiste.

Absolument d'accord avec ça. Je trouve qu'à date le monde polyA n'a pas du tout de dimension politique avec un engagement autour de valeurs communes. En tout cas en France. C'est très intéressant de nous comparer à la sphère polyA dans les pays anglosaxons qui au contraire embrasse totalement un aspect politique, notamment autour de la remise en cause de l'hétéropatriarcat. C'est tout à fait le but de cette discussion d'ouvrir le débat sur ce qui pourrait donner cette dimension politique au polyamour justement.

Topper
Là, il y a du travail législatif à faire. Pas forcément énorme, mais la difficulté est ailleurs. Quand on a vu la réaction au mariage de même sexe, autant dire que l'union à plusieurs est un cran au-dessus en ce qui concerne la remise en cause des traditions. Ça demanderait de se fédérer et pas qu'un peu.

Encore une fois, absolument d'accord avec le fait que ça demande de se fédérer, tant pour le travail législatif que pour la remise en cause des traditions et qu'il y aura beaucoup de résistance pour que rien ne change. Mais là encore je convoque le fantôme des luttes féministes passées pour faire un parallèle qui me semble utile. Aux toutes premières heures des revendications féministes, le combat était presque perdu d'avance tant l'opposition était forte. Progressivement les choses ont évolué, des victoires ont été obtenues et c'est une lutte qui paraît bien plus légitime aujourd'hui avec le temps (même si le niveau d'opposition n'a pas forcément diminué par ailleurs).
C'est justement pour ça que politiser le polyamour a du sens. La revendication politique permet de normaliser un combat, de lui donner une visibilité qui va attirer davantage de monde, de faire évoluer des mentalités, d'amener des débats, etc. A l'inverse, je pense que si on ne politise pas le polyamour on risque de ne jamais faire évoluer quoi que ce soit.
En définitive, la question n'est pas tant de savoir d'où l'on part (d'à quel point les oppositions seront violentes) que de savoir comment on avance :-)

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artichaut

le samedi 14 juin 2025 à 14h14

RedRackham
Dans les pays anglosaxons, le lien entre la politique et la non-exclusivité/non-monogamie est assez présent.
Que ce soit par des comptes militants comme Decolonizing Love, Polyphilia, Chillpolyamory. Par des chercheur·euses tel que Kevin A. Patterson (Love is not colorblind) ou par des associations comme Polyamory Legal Advocacy, Organization for Polyamory and Ethical Non-monogamy ou Canadian Polyamory Advocacy Association.
Il me semble qu'en France on s'attache principalement à vulgariser autour de la non-exclusivité, faire de la pédagogie, etc En gros à se visibiliser dans l'espace public.

Pourquoi toujours regarder du côté des anglo-saxons ? N'y a-t-il donc que la France et les États-Unis au monde (à la rigueur la Grande Bretagne) ?

Pour politiser il faudrait peut-être déjà décoloniser notre pensée et nos ressources…
Certes il y a quelque trucs intéressants chez les anglo-saxons, mais toujours les utiliser comme modèle c'est infiniment appauvrir les possibles et se mettre des oeillères d'entrée de jeu. Et je ne vois pas comment on peut in fine politiser quoique ce soit par ce biais.

Quant à politiser (au sens législatif) en France, dans la lignée des mouvement LGBT, perso je n'en vois pas l'intérêt. Pour obtenir quoi ? le mariage polyamoureux ? Bof. Ou plutôt beark.

Et l'enjeu est vraiment minime pour nous. Oui on pourrait avoir encore quelques privilèges en plus. Mais fondamentalement ça ne va pas changer notre vie.

Il pourrait sans doute y avoir un enjeu, certes (par exemple au sens de l'émancipation et de l'amitié dans le monde, plutôt que des privilèges législatifs français), mais celui reste encore bien ténu, a fortiori en France.

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RedRackham

le samedi 14 juin 2025 à 17h50

artichaut
Pourquoi toujours regarder du côté des anglo-saxons ? N'y a-t-il donc que la France et les États-Unis au monde (à la rigueur la Grande Bretagne) ?

Pour politiser il faudrait peut-être déjà décoloniser notre pensée et nos ressources…

Simplement parce que je parle de ce que je connais, mais n'hésite pas à nous partager tes exemples de politisation du polyamour dans d'autres pays bien sûr (+)
Je suis absolument d'accord sur la partie décoloniale qui devrait alimenter la réflexion autour du polyamour. D'ailleurs mettre en avant cette problématique et réfléchir à la question, c'est déjà une façon de politiser le polyamour.

artichaut
Quant à politiser (au sens législatif) en France, dans la lignée des mouvement LGBT, perso je n'en vois pas l'intérêt. Pour obtenir quoi ? le mariage polyamoureux ? Bof. Ou plutôt beark.

Et l'enjeu est vraiment minime pour nous. Oui on pourrait avoir encore quelques privilèges en plus. Mais fondamentalement ça ne va pas changer notre vie.

Personne ne dit que la politisation doit se limiter au législatif (et heureusement :-) ), mais je pense que sur ce terrain il y a quand-même un intérêt à réfléchir à ce qu'on peut faire . La non protection des relations plurielles va au-delà du mariage, il peut y avoir tout un panel de revendications, par exemple :
- élargir la parentalité légale
- possibilité de baux collectifs pluripartenaires
- révision des critères de la DALO, des APL, des mutuelles pro, etc
- inclusion des métamours comme ayants droit au congé parental
Ce ne sont que des exemples à la va-vite (donc pas mûrement réfléchis) pour illustrer le fait que le mariage n'est pas la seule revendication législative possible, mais aussi que l'enjeu législatif n'est pas si minime. Les questions de coparentalité, des métamours, de la protection financière, de l'héritage, etc sont autant de sujets sur lesquels il est possible de développer des revendications.

En revanche je suis bien d'accord que la politisation ne se limite pas au terrain législatif. C'est aussi réfléchir à nos biais, aux intersectionnalités existantes, militer dans l'espace public et autre

Message modifié par son auteur il y a 3 mois.

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Topper

le samedi 14 juin 2025 à 19h06

Par exemple, en cas d'accident et/ou d'hospitalisation, qu'un-e partenaire soit exclu-e des informations ou des visites ne me paraît pas être un sujet minime.

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artichaut

le lundi 16 juin 2025 à 12h02

Topper
Par exemple, en cas d'accident et/ou d'hospitalisation, qu'un-e partenaire soit exclu-e des informations ou des visites ne me paraît pas être un sujet minime.

Ça ne me semble pas un problème spécifique à la non-monogamie. Le problème est le même pour les amis, les potes, les collègues de travail, etc.
Je ne vois pas en quoi le fait de se considérer amoureux ou en couple, ou de partager du sexe devrait donner plus de droits.
Comme souvent le risque est de se contenter de multiplier la monogamie au lieu de la remettre en cause dans ses fondements. Revendiquer des droits pour le polyamour ne ferait qu'élargir le champ de la monogamie.
C'est du reste à mon sens, ce qui est en train de se passer (depuis environ 5 ans, en France) : le capitalisme est en train d'absorber et normaliser le polyamour, pour l'accueillir en son sein, en faire une variable innoffensive de la monogamie et annihiler son potentiel subversif.

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Aki

le lundi 16 juin 2025 à 17h47

Qui est "le capitalisme" ?
Qui sont ces agents ?

Bref, à qui prêtes-tu ces intentions de vouloir "absorber et normaliser le polyamour, pour l'accueillir en son sein, en faire une variable inoffensive de la monogamie et annihiler son potentiel subversif" ?

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RedRackham

le lundi 16 juin 2025 à 20h05

artichaut
Revendiquer des droits pour le polyamour ne ferait qu'élargir le champ de la monogamie.
C'est du reste à mon sens, ce qui est en train de se passer (depuis environ 5 ans, en France) : le capitalisme est en train d'absorber et normaliser le polyamour, pour l'accueillir en son sein, en faire une variable innoffensive de la monogamie et annihiler son potentiel subversif.

Pour être sûr de bien comprendre, de quel potentiel subversif parle-t-on si on ne politise pas le polyamour ? Je ne suis pas sûr que juste parce que les polyA existent cela suffise à rendre la pratique subversive. Au contraire, j'ai même plutôt tendance à penser que c'est cette passivité qui laisse le champ libre à la récupération du polyamour.

Déjà le législatif n'est pas nécessairement synonyme de réformisme mou. Porter dans le débat public des revendications politiques radicales par rapport à la norme sociale a son intérêt. Historiquement ça a souvent permis de fédérer et radicaliser plus largement autour d'un combat (en faisant bouger la fameuse fenêtre d'Overton pour reprendre une expression à la mode). D'ailleurs le concept de "programme de rupture" est assez répandu dans la sphère anticapitaliste justement.

Mais je le répète encore une fois, "politiser" ne signifie pas qu'il faille se contenter de dresser une liste à la Prévert de revendications législatives (radicales ou non). Même s'il me semble que porter des revendications a du sens, la politisation passe également par d'autres chemins qu'on doit chercher ensemble.
Produire une réflexion sur notre pratique du polyamour (par exemple on a évoqué l'aspect potentiellement bourgeois de la pratique ou encore l'angle décolonial), c'est politique.
Faire le lien avec d'autres luttes pour chercher l'intersectionnalité (par exemple avec les mouvances queer et féministes), c'est politique.
Se rendre visible dans l'espace public (par exemple en organisant des événements publics ou en prévoyant des cortèges spécifiques lors des Fiertés), c'est politique.
ça me semble intéressant de chercher ensemble comment politiser notre pratique par tous les biais possibles en tout cas :-)

Aki
Bref, à qui prêtes-tu ces intentions de vouloir "absorber et normaliser le polyamour, pour l'accueillir en son sein, en faire une variable inoffensive de la monogamie et annihiler son potentiel subversif" ?

Je ne pense pas qu'il soit faux de dire que le polyamour a un potentiel subversif dans la mesure où il remet en cause un pilier de l'organisation du capitalisme, la transmission privée du capital. À mesure que les sociétés se sont organisées en classes distinctes, les relations amoureuses se sont inscrites dans une logique de reproduction des capitaux (économiques, sociaux et culturels), des rapports de domination et des rapports de production.
La famille nucléaire bourgeoise occidentale (loin d'être un modèle universel ou naturel) est progressivement devenue le pilier central de l'accumulation privée du capital. La monogamie, au sein de la famille, a permis d’ériger l’épouse (et sa capacité reproductrice) en propriété privée, faisant de l’exclusivité relationnelle un instrument de la reproduction de l’ordre capitaliste à travers l'héritage.

Mais si le polyamour a un potentiel subversif, ça ne veut pas dire que le capitalisme ne peut pas l'absorber pour "en faire une variable inoffensive". Effectivement, ça a déjà un peu commencé avec l'industrie des rencontres qui s'empare du sujet (notamment via certaines appli), avec la récupération par certaines personnes en situation de domination pour s'octroyer des libertés tout en reproduisant des modes de domination intrinsèquement liés au capitalisme (sujet qu'on a abordé quelques messages plus tôt), etc.

Et c'est justement parce que je pense que plutôt que d'en être spectateur·ices ça serait bien qu'on décide par nous-mêmes de la façon dont on souhaite que le polyamour émerge dans le champ social qu'il me semble important de "politiser" notre pratique :-)

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crest

le jeudi 19 juin 2025 à 11h05

RedRackham
--> Est-ce vous pensez que la non-exclusivité / la non-monogamie justifie un engagement politique ?

A mon sens, cela demanderait une clarification de ce qu'est la non-monogamie.

1) Est-ce que c'est une polygamie ?

Dans ce cas, la dimension politique concerne la filiation, la parentalité, le régime patrimonial.

2) Est-ce que c'est une nouvelle façon de flirter (rencontrer plusieurs partenaires en même temps) en attendant de construire une relation monogame, agrémentée éventuellement de relations secondaires ?

2bis) Ou bien une nouvelle façon de rompre les relations monogames, en s'autorisant une chevauchement (de plus en plus public et assumé) des relations monogames dans le temps ?

Dans les deux cas, je ne vois pas où est la dimension politique. On est plus sur une évolution des codes sociaux à l'intérieur du paradigme monogame.

3) Est-ce que c'est une remise en cause du script romantique/amoureux ? Et dans ce cas, la non-monogamie est également une critique du polyamour (au sens où il est fondé sur la norme du sentiment amoureux) ?
Le but est moins de reconnaître une nouvelle forme de relation, que faire descendre de son piédestal la relation amoureuse comme nec plus ultra des relations humaines. En revalorisant l'amitié par exemple.

Message modifié par son auteur il y a 3 mois.

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RedRackham

le jeudi 19 juin 2025 à 14h14

Au Brésil, le mouvement de la non-monogamie politique considère la monogamie non pas comme un simple modèle relationnel basé sur l’exclusivité, mais comme une institution. Un système d’oppression imposé qui dicte notre manière de penser, de ressentir et d’agir dans nos relations. Un système qui hiérarchise l'amour au-dessus du reste.

La non-monogamie est pensé comme un acte politique contre la monogamie, visant à décoloniser notre rapport à l’amour et aux relations, et à nous aider à interagir les un·es avec les autres de manière plus saine et libre.
--> CF leur manifeste pour les anglophones

crest
3) Est-ce que c'est une remise en cause du script romantique/amoureux ? Et dans ce cas, la non-monogamie est également une critique du polyamour (au sens où il est fondé sur la norme du sentiment amoureux) ?
Le but est moins de reconnaître une nouvelle forme de relation, que faire descendre de son piédestal la relation amoureuse comme nec plus ultra des relations humaines. En revalorisant l'amitié par exemple.

Pour commencer par là, à mon sens oui la lutte non-monogame est une remise en cause du script romantique/amoureux. Et sa politisation passe par la reconnaissance de ce modèle critique. Que ce soit par le pont avec d'autres luttes, par la mobilisation d'un groupe qui défende ce point de vue, mais aussi par des questions d'évolution du droit qui peuvent englober tes points 1, 2 et 2 bis de plus ou moins loin.

Par exemple, puisqu'on parle beaucoup du terrain légal, se mobiliser pour des mesures qui permettent de protéger des gens qui veulent co-parentaliser ou co-habiter sans se soucier du fait qu'iels soient amoureux·ses ou non peut être une façon de faire le lien entre celleux qui souhaitent voir évoluer les codes sociaux à l'intérieur du paradigme monogame (puisque les relations polyamoureuses y trouveraient leur compte) et celleux qui souhaitent qu'on aille plus loin en permettant par exemple de bénéficier d'une protection juridique lorsque plusieurs relations (amicales, amoureuses ou autre) décident de co-habiter ou co-parentaliser (ou quand l'un·e se retrouve à l'hôpital)

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Siestacorta

le jeudi 19 juin 2025 à 15h00

Ya une part féministe à la non-exclusivité dans un monde marqué par le sexisme.

On parle aussi de la non-monogamie des meufs dans un monde où incels, tradwives et autres "elles vont trop loin" (quand était-ce ?) parlent à beaucoup de mecs.

Bref, ça pour dire qu'une partie des situations poly héritent et font ressortir au moins cette question politique là.
C'est sensible quand les histoires poly sont interprétées sur une échelle morale Vs individualisme, bien pratique pour ne pas s'intéresser au reste.

Message modifié par son auteur il y a 3 mois.

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artichaut

le jeudi 19 juin 2025 à 22h46

Siestacorta
Bon par contre, préférer camaraderie à amitié, amitié à amour, je vous suis pas.

Tu te trompes de fil, il me semble.

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Siestacorta

le vendredi 20 juin 2025 à 11h19

artichaut
Tu te trompes de fil, il me semble.

Juste !
Lu les deux à la suite et trop cru à la continuité.
Je modifie !

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Tiao88

le mardi 24 juin 2025 à 12h23

artichaut
Ça ne me semble pas un problème spécifique à la non-monogamie. Le problème est le même pour les amis, les potes, les collègues de travail, etc.
Je ne vois pas en quoi le fait de se considérer amoureux ou en couple, ou de partager du sexe devrait donner plus de droits.
Comme souvent le risque est de se contenter de multiplier la monogamie au lieu de la remettre en cause dans ses fondements. Revendiquer des droits pour le polyamour ne ferait qu'élargir le champ de la monogamie.
C'est du reste à mon sens, ce qui est en train de se passer (depuis environ 5 ans, en France) : le capitalisme est en train d'absorber et normaliser le polyamour, pour l'accueillir en son sein, en faire une variable innoffensive de la monogamie et annihiler son potentiel subversif.

Quand je vois les commentaires (que ce soit d'inconnu.e.s sur les réseaux avec lesquels j'interagis ou bien avec certaines personnes de mon entourage) j'ai pas l'impression que ce soit encore normalisé dans beaucoup d'endroits (ou alors ce sont de micros milieux).

Et pour le cas de l'hospitalisation, le fait de ne tenir au courant que la personne officielle avec qui tu es censé te considérer en couple, ça peut être questionné, justement. Après j'imagine qu'il y a aussi des questions de logistique et de temps dans le milieu hospitalier qui est déjà souvent bien saturé et que prévenir une seule personne (qui donc se retrouve 'secrétaire' qui va avertir tous les autres), ça va plus vite que prévenir X autres personnes.
-> ça pose aussi la question du manque de personnel à l'hôpital mais je dérive peut-être du sujet.

Comme pour le deuil. Perdre un.e ami.e, cousin.e, ça ne donne pas droit à des jours de congé et pour autant ça peut nous affecter dans notre vie (pro et perso). Et le "on laisse les soucis pro quand on passe la porte de la maison et on laisse les soucis perso quand on passe la porte du boulot", c'est joli en théorie sur le papier, en vrai je ne suis pas sûre que ça marche à chaque fois... Donc c'est assez injuste en fin de compte.

-> Quid de la place du travail salarié/rémunéré dans nos vies (entre ça et le temps qu'on met à se rendre sur nos lieux de travail, ça grignote pas mal notre temps de vie)? Là aussi je dérive peut-être un peu mais pour moi c'est un peu lié au temps qu'on peut consacrer (et comment) à nous-mêmes et aux autres (quels que soient nos relations/liens avec)

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Tiao88

le mardi 24 juin 2025 à 12h36

artichaut

Quant à politiser (au sens législatif) en France, dans la lignée des mouvement LGBT, perso je n'en vois pas l'intérêt. Pour obtenir quoi ? le mariage polyamoureux ? Bof. Ou plutôt beark.

Et l'enjeu est vraiment minime pour nous. Oui on pourrait avoir encore quelques privilèges en plus. Mais fondamentalement ça ne va pas changer notre vie.

Il pourrait sans doute y avoir un enjeu, certes (par exemple au sens de l'émancipation et de l'amitié dans le monde, plutôt que des privilèges législatifs français), mais celui reste encore bien ténu, a fortiori en France.

Je regardais il n'y a pas longtemps une vidéo (infos à vérifier) sur l'héritage en cas de décès et apparemment, sauf cas de pacs ou mariage, on n'hérite pas de grand chose sauf filiation directe. Bien sûr qu'on peut être mis sur le testament d'une personne mais l'imposition est bien plus grande (idem si on hérite de ses frères et soeurs).
-> ça ne concerne que les personnes qui ont un minimum de sous mais je trouve cela assez injuste qu'on ne puisse pas mettre plus équitablement à l'abri des frères/soeurs/cousin.es/ami.es ect. Et ce même en cas de testament.

Ou qu'on ne puisse pas privilégier en cas de décès d'un des parents des personnes qui certes n'ont pas de lien filial/génétique avec un.e enfant mais qui se sont investi dans son éducation et qui ont un lien affectif. Surtout si la famille restante habite à l'autre bout du pays et/ou n'a que peu de liens avec l'enfant en question : en quoi est ce plus pertinent de leur confier son éducation?

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