Les traces de la monogamie dans tous nos liens : système, loyautés, attachements, et comment on compose avec
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Lili-Lutine
le mercredi 06 août 2025 à 17h27
En ouvrant cette discussion, j’ai eu envie de partager quelques réflexions sur les traces invisibles mais puissantes que laisse en nous la monogamie comme système
Même quand on explore d’autres manières de faire lien, on reste traversé·e·s par des loyautés, des attentes implicites, des scripts qu’on rejoue souvent malgré soi
Ce texte n’est pas un manifeste, juste un point de départ pour penser ensemble
Je serais heureuse de lire vos résonances, vos vécus, vos nuances
Je ne suis pas chercheuse
Je ne parle pas depuis un savoir théorique, mais depuis mes histoires
Mes liens
Mes douleurs
Et des heures, des années peut-être, à essayer de comprendre pourquoi c’est si difficile parfois… de faire lien
Je ne parle pas seulement de couple, ni même d’amour
Je parle des mécanismes qui traversent tous nos liens
Des mécanismes qu’on n’a pas choisis, mais qui nous habitent quand même
Des loyautés implicites
Des attentes non dites
Des rôles figés qu’on rejoue sans toujours s’en rendre compte
Je parle de cette trace monogame, invisible mais persistante
Qui continue de faire modèle, même quand on croit l’avoir dépassée
Et pas juste dans les liens sexuels ou amoureux
Dans les amitiés
Dans les familles
Dans les réseaux militants
Dans les communautés queer ou polyamoureuses elles-mêmes
Je crois qu’il y a quelque chose comme une monogamie qui coule dans nos veines depuis si longtemps
Elle a colonisé nos imaginaires
Elle s’est glissée dans la tendresse, dans la sexualité, dans les soins implicites qu’on s’offre
Elle a tissé des hiérarchies, des obligations muettes, des discriminations sourdes entre les types de liens
Elle a défini ce qui compte, ce qui vaut, ce qu’on doit protéger, et à quel prix
Je parle de l’idée qu’un lien devrait être « prioritaire »
Qu’un lien plus ancien devrait avoir plus de droits
Qu’il faudrait choisir, trancher, hiérarchiser
Je parle aussi de ce que ces mécanismes provoquent
Des malentendus
Des douleurs
Des ruptures parfois brutales
Parce qu’on ne parle pas assez
Parce qu’on ne sait pas toujours comment poser les choses
Parce qu’on espère que l’autre comprendra sans qu’on ait besoin de tout expliquer
Perso je suis sensible à la trahison
À ce qui n’est pas dit
À l’abandon quand quelqu’un·e sort de ma vie sans mot
Je ne demande pas qu’on m’aime toujours
Mais qu’on me parle
Qu’on me considère
Et là encore, je vois à quel point la culture du lien unique, exclusif, fusionnel rend tout ça compliqué
Comme si parler, expliquer, dire « je m’éloigne », était une trahison en soi
Comme si on devait soit rester totalement lié·e·s
Soit disparaître sans un mot
On a peu de modèles pour les liens en mouvement
Pour ceux qui se transforment, qui ne se figent pas, qui ne s’effondrent pas à la moindre déviation
Alors on reste souvent pris·es dans des équations binaires
Soit tout, soit rien
Soit fusion, soit éloignement
Soit fidélité figée, soit soupçon ou silence
Et je me demande si ce n’est pas aussi une trace de la monogamie comme système
Pas celle qu’on choisit en conscience
Mais celle qu’on a intégrée malgré nous
Celle qui dit que le vrai lien est exclusif ou prioritaire
Défini une fois pour toutes
Et quand on en sort, on croit parfois qu’on est libre
Mais on emporte avec nous les réflexes
Les peurs
Les scripts
Et on les rejoue ailleurs
Parfois avec d’autres mots
Mais les mêmes ressorts
Je pense qu’on gagnerait à les nommer
À les déplier
Pas pour s’auto-culpabiliser
Mais pour se rendre plus disponibles
Plus justes
Plus lucides
Sur nous
Sur les autres
Sur les conflits qu’on traîne
Et sur ceux qu’on pourrait peut-être éviter
Si on osait dire plus tôt
Écouter autrement
Renoncer à certaines illusions
Et je pense surtout qu’on gagnerait à parler de ce qui se joue dans les espaces entre les liens
Pas juste dans les liens eux-mêmes
Mais dans ce que chacun·e y projette
L’idée d’être indispensable
De devoir réparer
De se sacrifier
De mériter
Combien de ruptures violentes naissent d’une attente jamais posée
D’une loyauté supposée
D’un rôle assigné
Je ne prétends pas savoir mieux
Je trébuche souvent
Je me suis parfois tue trop longtemps
Ou exprimée trop tard
Mais je sens que c’est là que ça vibre
Dans ces endroits où il faut du courage pour rester en lien sans s’effacer
Pour aimer sans posséder
Pour dire non sans abandonner
Pour inventer d’autres façons d’être là
Alors je partage ça ici
Comme un point de départ
Pour continuer à parler ensemble
De ce qu’on voudrait construire
Et de ce qu’on voudrait cesser de reproduire
Nous ne sommes pas hors du monde
Même quand on rêve d’autres possibles
Même quand on invente, explore, bifurque
La société continue de peser sur nos choix
Nos familles ont leurs attentes
L’administration ses cases
La loi ses obligations
Parfois on se pacse
On signe
On se couple
Pour simplifier la vie
Pour apaiser les parents
Pour alléger ses impôts
Pour faciliter un bail, un visa, un héritage
Pas par amour fusionnel
Mais parce que le monde ne nous laisse pas tant d’options
Et ça n’est ni bien ni mal
Ça ne dit rien de notre valeur
On fait toustes de notre mieux avec ce qui est là
Et parfois, pour pouvoir respirer
On accepte de porter quelques chaînes
Le plus important, peut-être
C’est de le faire en conscience
De savoir qu’on compose
Et de ne pas oublier que la liberté
Ce n’est pas toujours l’absence de contraintes
Mais la possibilité de choisir, au moins un peu
Les formes de ses attaches
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Lili-Lutine
le mercredi 06 août 2025 à 17h28
Petite note en aparté…
J’ai écrit le texte ci-dessus depuis chez @artichaut, où je passe quelques jours
Et comme à chaque fois qu’on se retrouve, on parle des heures durant de tout ce qui nous traverse, nous anime, nous questionne dans ce monde de liens, de désirs, de loyautés
C’est de là qu’a germé cette réflexion, hier soir, entre huîtres et vin blanc du pays, les pieds posés sur la terre fraîche entouré·e·s de son potager
Et en clin d’œil à ce qu’il partageait récemment, cette idée qu’il pense beaucoup moins, ou n’aime plus une personne quand elle n’est pas là, qu’il se sent alors moins (ou plus du tout) en lien, j’ai eu envie d’y glisser un peu de rire
J’ai vu ses allées de courgettes, de tomates, et d’autre légumes …
Et quand il m’a dit : « Tiens, si on faisait ensemble des bocaux à stériliser
Comme ça, chaque fois que j’en ouvrirai un cet hiver, je penserai à toi »
J’ai souri
Je ne suis pas dupe
C’est une boutade
Mais pas que
Parce que même quand on théorise le lien, qu’on explore de nouveaux modèles, qu’on tente de déconstruire les attentes…
Il reste toujours, quelque part, une petite fibre en nous
Qui aimerait laisser une trace
Un souvenir
Un goût
Quelque chose d’affectueux
Qui dirait : je suis passée par là
Et peut-être même : pense à moi, un peu, parfois
Pas pour contrôler
Mais juste parce qu’on est humain·e·s
Et qu’on ne vit pas les liens sans y mettre un bout d’égo, de tendresse, et de besoin d’être reconnu·e, même de loin
Alors oui
J’ai envie de l’aider à faire ses conserves
Parce que moi, j’aime qu’il pense à moi
Et que si, quand je ne suis pas là, il ne m’aime qu’au travers de ses bocaux…
Eh bien j’ai envie qu’on les remplisse ensemble :-D :-D :-D :-D
Message modifié par son auteur il y a un mois.
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HiBou
le jeudi 07 août 2025 à 08h21
ouhhhh c'est beau :p,
mettre des haricots en conserve, un moment partagé, sain, simple, mais qui offre la possibilité de se reconnecter à cet instant et révéler toute la puissance de cet d'amour à chaque bocal, c'est là toute la puissance de l'amour.
Pour ce qui est du thème, c'est à nous je pense, de prendre le temps de discuter rapidement (pas de façon succincte mais plus dans le sens au début de la relation, à partir du moment ou des "attentes" concernant l'autre naissent) de tout ce lexique utilisé pour communiquer, prendre le temps d'écouter ce que l'autre entend ou comprend quand il utilise tel ou tel mot (déjà ici on est à peu près tous polyamoureux ou en questionnement et on est loin d'être tous d'accord sur le sens des mots, alors quand il s'agit de communiquer avec des "inconnus" faut sortir les rames lol)
J'ai l'impression que le sens que l'on peut donner aux mots est très impacté par l'introspection et nos expériences passées (exemple toutes les fois ou j'ai eu le malheur d'utiliser le terme polyamour lors d'une discussion avec une personne qui s'est faite "baiser" par un "polyamoureux"; c'est souvent le même schéma qui ressort, bien enveloppé dans un discours séducteur et rassurant, plein de belles promesses, ça consomme et ça jette, sous couvert de hiérarchisation ou autre).
Il est grand temps que les règles de séductions changent.
Je pense que l'amour nous relie tous; je pense que quand on aime une personne d'un amour sincère et sans attentes, cet amour ne peut s'éteindre. Alors oui, on se fait des miroirs dans nos relations et l'on doit hélas parfois choisir de s'éloigner de l'autre car nous n'avançons pas à la même vitesse, mais si on parle bien d'amour et pas de dépendance affective, ce lien ne peut se briser!
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artichaut
le jeudi 07 août 2025 à 12h06
Lili-Lutine
En ouvrant cette discussion, j’ai eu envie de partager quelques réflexions sur les traces invisibles mais puissantes que laisse en nous la monogamie comme système
(…)
Je serais heureuse de lire vos résonances, vos vécus, vos nuances
Il serait sans doute plus facile pour moi de répondre au passé, mais je vais tenter de répondre au présent. Même si c'est évidemment pas facile, puiqu'on parle de traces invisibles… peut-être alors que c'est la puissance qui permet de les déceler ?
Ça risque d'être un peu en vrac.
Beaucoup de mes liens sont duals et plusieurs fonctionnent encore sous l'égide de la relation.
J'ai encore du mal à faire confiance à la vie ou au rézo, alors je me fait surtout confiance à moi-même (et parfois je tourne en rond là-dedans).
Je suis tiraillé entre ma solitude aimée, et mon besoin d'être en lien.
Si l'on parle de sexualité je reste globalement très hétéro (par peur, par habitude, par facilité…). Et ça va au delà, puisque je vis et pense encore beaucoup comme un hétéro.
Je suis un homme et sur plein de plan je suis plus à l'aise avec des femmes. Et ma constellation affective est principalement remplie de femmes.
Les promesses du système monogame agissent en moi, sinon pleinement, en tout cas, et a minima, en creux : il m'arrive de douter des bonheurs que pourtant je vis.
J'ai souvent du mal à être pleinement présent à ce que je vis, nostalgisant le passé, ou projetant au futur, parfois même projetant et anticipant la séparation à venir, dès qu'on est sur la fin d'un moment ensemble.
Je me sens peu ouvert à la rencontre (limite on pourrait dire que je suis en couple monogame avec moi-même). Le monde du dehors existe peu. Et je me sens en définitive peu curieux, enfermé dans ma bulle affective rassurante et protectrice.
J'ai du mal à voir comment les scripts mono agissent en moi (faut dire qu'on ne les a pas vraiment énumérés ces scripts) mais ce serait illusoire de prétendre en être totalement débarassé.
J'ai globalement remplacé le couplé hétéro par l'amitié, mais j'ai le sentiment que se rejouent les même choses, juste un peu décalé. La continuation de la monogamie par d'autres moyens, en quelque sorte.
La durée reste encore une valeur qualité pour moi, et la rupture un drama, ou peut porter son lot de sentiment d'échec, voire de gâchis.
Je me laisse avoir par des obligations muettes, peine à conscientiser mes besoins, et suis souvent tenté par "la magie de l'entente sans mots", par la flemme de dire (la relation n'a qu'à fonctionner toute seule) ou la peur de dire (je vais m'en prendre plein la gueule, ou ça va être trop compliqué d'être compris et de se comprendre). Je voudrais qu'on m'accepte tel que je suis, sans avoir à m'expliquer, me justifier.
Je me tais beaucoup. J'ai même en un sens, appris à me taire. Et j'ai du mal à jauger si c'est plus utile que dommage ; apaisant que conflictualisant… etc.
Je peux avoir le sentiment de participer à des rôles figés ou des hiérarchies.
On a peu de modèles pour les liens en mouvement, et donc de fait je navigue plus en système monogame qu'en système en mouvement. Je n'échappe donc pas à l'inertie relationnelle. Et naviguant comme à vue, ça peut être assez foireux.
Je suis encore tenté par le lien "défini une fois pour toutes". Et je trimballe mes peurs, c'est certain.
Voilà en vrac ce que pour l'instant ça donne. Peut-être que je pourrais en tirer les grandes lignes.
Déso je n'explicite pas pourquoi tout ça, pour moi, émane de et révèle la monogamie comme système.
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Alabama
le jeudi 07 août 2025 à 13h25
Je crois que ces dernières années, je ne me pose plus tellement la question de traquer la monogamie en moi. J'ai des constructions monogames ? Oui, sûrement.
Je continue de compter les années de ma relation amoureuse de manière plus "rapprochée" que pour mes autres relations. Parce que c'est pour moi un émerveillement de découvrir que tiens oui, une relation amoureuse et sexuelle peut durer dans ma vie. Je compte aussi les années pour mes amitiés, mais ça me paraît extraordinaire quand on dépasse les 10 ans, pas quand on dépasse les 1 an.
Pour autant, ce n'est pas la longévité qui pourrait faire que telle relation est plus importante qu'une autre. Je trouve ça juste fascinant de me dire : oh, cette personne me connaît depuis tout ce temps, on a vieilli, on a changé, et on se connaît toujours, et on a toujours envie d'être en lien, c'est un peu magique.
J'appelle mon amoureux "mon amoureux" et pas par un autre mot moins "monogame". Et j'aime bien.
Quoi d'autre ? j'aime l'engagement. Je ne sais pas si c'est monogame.
Je dirais que ces dernières années, je cherche moins à atteindre un idéal (ne plus être monogame/me détacher des normes) qu'à être douce avec moi-même, avec mes besoins et mes envies. J'apprends à accepter mes manques, à les regarder en face, à traverser la souffrance que ces manques engendrent en moi.
J'apprends à accepter en moi les fluctuations, les envies qui bougent et qui ne sont pas les mêmes d'un jour à l'autre.
Si demain je me réveillais en me disant que ce qu'il me faut, c'est une relation classico-classique avec escalator et tout le toutim (bon, c'est hautement improbable mais après tout, tout est possible), je n'hésiterais pas une seconde et j'irais chercher cela.
Peut-être que l'élément de la monogamie qui me reste et me frustre, c'est de ne pas forcément dire mes doutes, mes peurs et mes insatisfactions dans certaines de mes relations amicales : je vois bien qu'il n'y a pas tant de place que ça pour cela, que l'autre n'aura pas la disponibilité pour dérouler, prendre le temps de tâtonner, alors j'exprime ces difficultés seulement dans les relations où j'ai suffisamment confiance dans le lien. Pour l'instant.
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Siestacorta
le jeudi 07 août 2025 à 14h30
Merci pour cette confidence.
Réponse qui se veut plus "de ton côté" qu'il pourrait y paraître...
J'ai l'impression que tu confonds tes tiraillements sur l'engagement et la monogamie.
Pas qu'ils n'aient pas à voir....
Histoire de pas de me placer à un niveau où je ne suis pas, ça me fait penser à une de mes plaintes de solo-poly : pourquoi ne pas avoir besoin du couple mono, du couple tout court, doit-il faire que je ne puisse bénéficier d'aucun confort affectif ?
Si je ne veux pas de cette forme d'amour, alors je ne peux pas en avoir du tout ?
Donc ok, ya un système qui contraint, (bien) plus que nécessaire, la vie affective.
En tout cas, je peux le sentir aussi 😅
Mais je ne crois pas que chaque engagement de durée, si je les désire et peux m'y tenir, ne fasse que surtout renforcer le système où je le prendrais.
Tu as raison, bien sûr, qu'on vit ça à l'ombre de la norme et de la peur que celle-ci revienne collecter des dettes.
Je crois que les besoins que la norme veut gérer à ma place, si elle les inflluence, même grandement elle ne les a pas inventés. Et que ce n'est pas un tort de chercher les alliances altruistes, courtes ou longues, mais heureuses, qui pourraient répondre à ses besoins.
Ce qui les préservera du (de mon) sexisme, de nos peurs et de l'héritage mono, je crois que c'est pas le rejet des engagements, mais leur qualité. L'écoute et la construction de confiance, essentiellement.
Message modifié par son auteur il y a un mois.
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Siestacorta
le jeudi 07 août 2025 à 15h08
Et sinon, tel que tu le dis, j'ai l'impression que tu tentes de théoriser contre toi-même.
Je comprends, c'est honnête.
Mais là encore, la part "tenable" avec les autres manque.
Ce qu'ils veulent, de proche ou non, aussi...
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artichaut
le jeudi 07 août 2025 à 15h30
Siestacorta
J'ai l'impression que tu…
Et sinon, tel que tu le dis…
à qui tu parles ?
@Lili-Lutine qui a ouvert ce fil ?
ou à l'un·e de nous trois qui y avons répondu ?
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Siestacorta
le jeudi 07 août 2025 à 15h38
artichaut
à qui tu parles ?
@Lili-Lutine qui a ouvert ce fil ?
ou à l'un·e de nous trois qui y avons répondu ?
Toi !
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Siestacorta
le jeudi 07 août 2025 à 16h57
Écrit en plusieurs temps.
Ça suivait ton post, j'ai déjà donc pas adressé, mais entre-temps Alabama a répondu et je l'avais pas vu.
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Sel in (invité)
le vendredi 08 août 2025 à 05h57
C'est plus que des traces c'est un fardeau quotidien pour moi 😕 je le vis à travers mes amitiés qui continuent de prioriser LA relation monogame avec leurs amoureux respectifs...
Je le vis au quotidien au boulot en tant que travailleuse sociale en lien avec les questions de parentalité qui ne se conjuguent pas du tout au pluriel ...on est bien loin de parler DES parentalités...
Je le vis dans ma propre histoire familiale qui est en déni constant sur mes orientations et choix de vie depuis que j'ai acte officiellement certaines choses...
J'ai beau lire écrire tenter de parler et raisonner de tout cela rien n'avance de mon côté.
C'est systèmique et structurelle...parfois rageant parfois désespérant...
Merci Lutine pour tes mots tjs si doux et justes.
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artichaut
le lundi 11 août 2025 à 00h19
Siestacorta
J'ai l'impression que tu confonds tes tiraillements sur l'engagement et la monogamie.
Avant de pouvoir éventuellement te répondre, j'ai besoin d'explorer : C'est quoi l'engagement ?
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Topper
le mardi 12 août 2025 à 10h25
Pour moi, la marque la plus profonde de la monogamie dont on peine à se débarrasser est l'escalator relationnel. Je l'assimile à la monogamie car cela rythme la construction des relations monogames. L'escalator est tellement intrinsèque aux relations monogames qu'il n'est jamais questionné ou même pensé. Même le terme "construire" une relation signifie mettre en place des actions visant à passer les étapes de cet escalator avec une finalité mal définie.
Cet escalator entraîne dans une envie de toujours plus, pour une recherche de bonheur toujours plus importante. Pourtant l'étape précédente, qui était alors une promesse d'accomplissement devient irrémédiablement insuffisante. Telle une fuite en avant, un nouvel objectif remplace sans cesse le précédent.
Je parlais d'une finalité mal définie dans l'escalator relationnel. Selon-moi, ce n'est pas pour rien. Lorsqu'on évoque le sujet, personne ne remet en question ce mécanisme, tout le monde s'accorde à peu près sur les différentes grandes étapes à franchir même si l'ordre peut varier. Par contre, plus on se projette dans le futur, plus ça devient flou. Personne n'est capable de dire précisément et avec assurance quelle est l'étape finale de l'escalator, celle qui permettra d'obtenir l'épanouissement ultime. Non pas que l'étape finale soit propre à chacun, elle est simplement impensable et angoissante.
Car si "faire couple" c'est être dans une "construction" perpétuelle, dans le toujours plus, que se passe-t-il lorsque la supposée étape finale est atteinte ?
Pour beaucoup de couples, cela signe la mort de la relation, en particulier pour les relations qui se sont créées jeune où l'escalator relationnel est la raison d'être de la relation. Ce n'est pas "je veux me marier et avoir des enfants avec cette personne". Même si on le croit, elle est précédée par la pensée : "je veux me marier et avoir des enfants et je dois trouver quelqu'un pour faire ça".
Au début de la vie amoureuse, c'est inconsciemment l'escalator lui-même qui conduit à vouloir une vie de couple. Avant même d'être en relation, on a déjà une idée fantasmée de ce que doit être notre couple et comment l'évolution des étapes doit se dérouler.
On retrouve la marque de l'escalator vers la trentaine avec des réflexions du type "si je veux un enfant, il faut que je trouve quelqu'un maintenant", avec une représentation en années des étapes nécessaires pour y arriver en compressant l'escalator relationnel au maximum en raison du temps qui passe.
Les couples qui perdurent auront su se créer de nouvelles étapes d'escalator, auront su se renouveler et faire couple autrement, ou se contenter de la relation telle qu'elle est.
Je retrouve dans les relations polyamoureuses cet escalator relationnel monogame comme principale difficulté à pérenniser ce type de relation. Non seulement, il y a cette envie permanente du toujours plus qui est davantage contrainte par la multiplicité des relations et la conjugaison des besoins de chacun. Mais il y a aussi bien souvent un escalator relationnel calqué sur l'escalator monogame.
Ainsi, on retrouve ces relations polyamoureuses dites secondaires incapable de se contenter de la relation telle quelle est, pourtant auparavant merveilleuse, désormais insatisfaisante et frustrante. Frustrante, car heurtée à un plafond de verre, autrement dit, un escalator relationnel bloqué à une certaine étape.
D'ailleurs "secondaire" sonne pour beaucoup comme une case insupportable, mais pas seulement pour des questions d'ego. Etre une relation secondaire signifie une relation dont l'évolution, donc l'escalator relationnel, est contraint par une autre relation qui demeure prioritaire.
Le cas de la relation secondaire est plus parlant, mais je retrouve la même problématique dans des relations polyamoureuses qui ne se disent pas hiérarchiques, anarchiques ou indéfinies.
Soit les relations arrivent à se contenter de certaines limites inhérentes à ce mode relationnel et peuvent perdurer sereinement, soit la frustration grandit et érode la relation avec le temps.
Dans tous les cas où la relation était satisfaisante dans le passé, qu'elle devient insatisfaisante ensuite, alors que rien a changé négativement, je perçois un mécanisme d'escalator relationnel causant une frustration car interrompu dans sa course en avant.
Il ou elle ne veut/peut pas se voir plus souvent, plus longtemps, partager des vacances, présenter ses amis, sa famille, s'installer plus proche, voire ensemble, avoir des enfants. Tout ce qui pourrait être représentatif d'une évolution qui évolue positivement.
Et parce que je l'ai constaté maintes fois, je suis même tenté de dire que ce mécanisme de l'escalator relationnel dans les relations polyamoureuses, lorsqu'il est très présent dans la dynamique de la relation, tend à rendre celle-ci monogame.
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LeGrandStyle
le mardi 12 août 2025 à 13h49
Topper
Je retrouve dans les relations polyamoureuses cet escalator relationnel monogame comme principale difficulté à pérenniser ce type de relation. Non seulement, il y a cette envie permanente du toujours plus qui est davantage contrainte par la multiplicité des relations et la conjugaison des besoins de chacun. Mais il y a aussi bien souvent un escalator relationnel calqué sur l'escalator monogame.
Peut-on faire sans escalator relationnel? J’ai l’impression que c’est une condition du psyché humain.
Si on y regarde de plus près, qu’est-ce qui n’est pas escalator dans la vie? Notre carrière, nos loisirs, nos sports, notre style de vie etc. j’ai un peu l’impression que tout suit une envie de toujours plus.
Il est assez rare (pour ne pas dire jamais) que les individus prennent l’escalator dans le sens inverse de leur propre volonté.
Personnellement je n’adhère pas à cette position où il faudrait “dépasser la monogamie”, car en refusant de s’y attacher, nous entrons dans une position de contradiction qui est de mon point de vue tout autant enfermante.
Il n’y a rien de mal aux traces de la monogamie, et rien de mal à ce qui s’en détache.
Je rejoins un peu le discours d’Alabama, l’important c’est de reconnaître nos besoins, accepter qu’ils évoluent et tenter de nouer des relations où chacun s’y retrouve.
Il y a cependant un écart entre ce que l’on pense avoir besoin, et ce que nous avons vraiment besoin, donc nous sommes en sorte toujours en exploration de nos besoins.
La seule plainte que j’ai, non pas envers la monogamie mais notre condition humaine, c’est qu’on (moi inclus) n’est pas bien équipé pour rompre le lien avec ce qui satisfait nos besoins, notamment accepter sereinement que nous ne satisfaisons pas les besoins de nos partenaires.
Ceci étant dit, je suis peut-être le seul dans ce cas :)
Message modifié par son auteur il y a un mois.
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artichaut
le mardi 12 août 2025 à 15h57
Topper
Pour moi, la marque la plus profonde de la monogamie dont on peine à se débarrasser est l'escalator relationnel. Je l'assimile à la monogamie car cela rythme la construction des relations monogames.
(…)
Je retrouve dans les relations polyamoureuses cet escalator relationnel monogame comme principale difficulté à pérenniser ce type de relation.
(…)
Dans tous les cas où la relation était satisfaisante dans le passé, qu'elle devient insatisfaisante ensuite, alors que rien a changé négativement, je perçois un mécanisme d'escalator relationnel causant une frustration car interrompu dans sa course en avant.
Est-ce que toi aussi, tu te sens en prise avec l'escalator (ou tu décris ce que tu observe chez les autres) ?
- soit que tu devient toujours insatisfait au fil du temps ;
- soit que tu subis l'insatisfaction de ta/ton/tes partenaire(s) au fil du temps ;
- soit les deux…
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artichaut
le mardi 12 août 2025 à 16h06
LeGrandStyle
Il n’y a rien de mal aux traces de la monogamie, et rien de mal à ce qui s’en détache.
Je ne pense pas que le propos de @Lili-Lutine soit de stigmatiser les traces de monogamie en soi. Plutôt identifier ce qui vient de la Norme et ce qui vient d'ailleurs.
On ne vit de toute façon pas hors du monde, la monogamie agît en nous, et on ne saurait totalement se détacher des normes de ce monde.
Mais ça peut permettre de faire des choix conscient, éclairés, en connaissance de cause.
On peut par exemple choisir d'être cis ou hétéro, une fois qu'on a compris que c'est une construction sociale, qu'on ne nous a pas dermandé notre avis, et qu'on a (au moins en théorie) le choix de quitter la norme ou d'y rester (même si la quitter est toujours plus dur que d'y rester, et qu'on peut donc y rester par "facilité" ou par empêchement… c'est toujours aussi un peu du luxe de quitter la norme).
Accessoirement ça peut aussi nous rendre plus empathique envers les personnes qui ne sont pas dans la norme, ou celles qui voudrait la quitter mais ne peuvent pas le faire (pour x raisons).
Mettre de la clarté sur nos choix et sur ce qui nous agît, a pour ma part, toujours du bon.
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LeGrandStyle
le mardi 12 août 2025 à 17h18
artichaut
On ne vit de toute façon pas hors du monde, la monogamie agît en nous, et on ne saurait totalement se détacher des normes de ce monde.
Mais ça peut permettre de faire des choix conscient, éclairés, en connaissance de cause.
J’avoue ne pas vivre le polyamour comme un “choix”, car si je pouvais être épanoui dans la monogamie, je choisirais ce modèle sans hésitation.
Le choix se situe plutôt dans le fait de répondre / ne pas répondre aux attentes de la société, i.e. c’est envers les autres que le choix s’opère, pas envers nous-même.
Je ne sais pas, peut-être que certains font le choix d’aller contre la norme alors que la norme leur convient parfaitement.
Je suis d’accord qu’il y a du bon à comprendre ce qui vient de la norme, mais ce n’est pas parce que ca vient de la norme que ca ne vient pas aussi de nous.
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artichaut
le mardi 12 août 2025 à 18h22
LeGrandStyle
peut-être que certains font le choix d’aller contre la norme alors que la norme leur convient
A minima il y a une différence entre
- la norme me convient ;
et
- le choix proposé par la norme sur telle question me convient.
À chaque question à choix multiple, la norme a une réponse, tantôt cette réponse peut nous convenir, tantôt elle ne nous convient pas.
Perso je déteste la norme, les normes, les injonctions normatives. Moi la norme, je la déteste.
Mais à certaines questions spécifiques mon choix, mon chemin, ma réponse peut être proche du choix proposé par la norme.
La norme dit qu'il faut avoir une voiture, j'ai une voiture, ce faisant je cautionne au moins un peu le système capitaliste, mais je n'en suis pas moins contre le capitalisme en tant que système, et je reste contre la norme qui dit que tout le monde devrait avoir une voiture, que si t'en as pas, tu es une personne diminuée, que tu n'es pas libre, etc.
Perso je déteste la Monogamie comme système, cette Norme imposé à tous et toutes — implicite de surcroît — sur la manière de conduire nos interactions affectives, et de vivre notre intimé.
De ça je veux clairement me libérer.
Après, vivre ou pas en couple exclusif, être hétéro ou pas, partager du sexe ou pas… chacun fait comme il/elle veut/peut…
Des personnes peuvent décider de ne vivre que des relations lesbiennes, alors qu'elles sont Bi, pour des raisons politiques (aller contre la norme alors que le choix de la norme leur convient) pour lutter contre un système.
Perso je choisis de — pour ainsi dire — ne plus initier de relations sexuelles hétéro, alors que j'aime le sexe hétéro et que le choix de la norme (vivre du sexe hétéro) pourrait me convenir. Car en contexte patriarcal je trouve ça super chaud voire quasi impossible de ne pas se planter sur le terrain du consentement.
Inversement je reste pour ainsi dire hétéro (le choix de la norme) car j'ai encore plus la flemme d'affronter le parcours du combattant en contexte patricarcal, de trouver un mec cis qui ne va pas faire fi de mon consentement (et je suis bien placé pour savoir que c'est compliqué).
Bref, j'ai l'impression qu'on est toujours dans des arrangements, avec soi-même, avec la norme, avec les autres.