La grossesse, ça change quelque chose ?
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Minnie (invité)
le samedi 06 septembre 2014 à 20h13
Bonjour,
Pour poser la contexte : une de mes amies en couple libre est actuellement enceinte de son premier enfant. Elle et son mari sont très heureux de cette grossesse, mais elle m'a confié que son mari comme son amant ressentent désormais une sorte de gêne à ce qu'elle continue à avoir des relations sexuelles avec ce dernier. Je ne sais pas ce qu'il y a derrière ce malaise. Mon amie me disait que son mari ne voulait pas que l'amant soit 'aussi prêt' de l'enfant, ce genre de choses.
Est-ce que vous avez déjà vécu cette situation ? Comment l'avez-vous géré ?
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tentacara
le samedi 06 septembre 2014 à 22h06
Bonjour Minnie,
J'ai été dans la situation de ton amie il y a quelques années. C'est évidemment très délicat à gérer et dépend beaucoup de la configuration de base. Si ton amie est inscrite sur le forum, elle pourrait m'envoyer un message ici ou sur la page FB (je suis Meta Tshiteya). Je serai heureuse de parler avec elle et d'essayer de l'aider à démêler l'écheveau. (Et pour la petite histoire, mes amoureux, notre fille et moi avons fini par trouver notre équilibre).
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Phoenix
le dimanche 07 septembre 2014 à 13h08
Je dirais que la grossesse, ça change la balance hormonale, ça change à toute allure l'image qu'on a de son propre corps, même l'odeur change... Cela demande pas mal d'adaptation de la part de la femme mais cela tout le monde le perçoit.
Cela demande une grande adaptation du ou des amoureux aussi, et cela, on n'y pense pas forcément de suite...
Je dirais que la grossesse s'appréhende comme une parenthèse où le temps n'a plus la même valeur. Pourtant, elle a un terme assez bien connu. Donc, vive la patience.
Dans le cas précis décrit par Minnie, ce qui pourrait poser souci est la différence de libido entraînée pas la grossesse, en admettant que cette femme voie sa libido décuplée (c'était mon cas) durant ces 9 mois, et que celle des deux hommes soit plutôt à marée basse.., Mais tout cela évolue, bouge... Ne dit-on pas que le changement, c'est la vie!
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tentacara
le vendredi 19 septembre 2014 à 13h07
Je reviens avec un peu plus de temps pour répondre.
La grossesse change beaucoup de choses, pendant et après.
La base, le fondement même de l'injonction d'exclusivité sexuelle aux femmes est la crainte des hommes d'élever un enfant qui ne serait pas le leur et son corrolaire, que leurs enfants soient élevés par un autre. La grossesse est LE moment de la vie d'une femme où son conjoint se sent "légitimement propriétaire" d'au moins une partie de son corps (son utérus puisqu'il porte son enfant), en général, cette possessivité se transfère sur l'enfant après sa naissance.
Lorsque le père de ma fille et moi avons décidé d'avoir un enfant, la question qui a immédiatement suivi était "quelle place donner à l'autre homme qui partage ma vie".
Je lui ai posé cette question en laissant le maximum d'options ouvertes. Il a pris le temps d'y réfléchir et a choisi d'embarquer dans l'aventure avec nous. C'est ainsi que nous pouvons dire aujourd'hui que nous avons fondé cette famille à trois, parce que nous étions trois à en avoir exprimé le désir.
Cela a posé beaucoup de questions ensuite.
Je passerai sur les questions qui anticipaient la répartition des rôles après la naissance. Chacun a pu exprimer ses désirs et ses craintes et nous avons avancé doucement mais sûrement vers un réel équilibre.
Heureusement pour moi, le père de ma fille n'a jamais émis le moindre commencement de "recul" sur ma liberté à aimer ailleurs, et notamment sur la vie que je continuais de partager avec mon autre compagnon.
Nous avons mis en place des balises de sécurité afin de ne pas mettre en danger la santé du foetus in utero par nos pratiques, notamment sexuelles. C'est là, en fait que nous avons rencontré des problèmes.
Pour le papa, pas de problème, l'enfant était le sien, il était autant que moi responsable de sa sécurité et s'est plié de bonne grâce aux règles temporaires que j'avais demandées : Aucune autre relation non protégée, éviter le libertinage et s'en tenir le temps de la grossesse aux relations déjà existantes en maximisant les précautions.
Mon autre compagnon l'a ressenti comme une ingérence dans sa vie sexuelle et une négation de sa liberté. Il venait d'entamer une relation forte avec laquelle il avait envie d'explorer plein d'horizons que mes restrictions lui fermaient.
Ce désaccord a créé un conflit de plusieurs mois, très dur à vivre pour moi dans l'état d'hypersensibilité émotionnelle où me mettaient les hormones. Il y a eu des conséquences sur ma santé qui auraient pu être graves, mais heureusement, tout le monde s'en est sorti à peu près indemne et lorsque ma fille est née, le miracle a eu lieu.
Mes deux amours sont restés avec moi les premières semaines après la naissance et nous nous relayions à trois pour s'occuper du bébé. Il nous a tout de suite paru évident qu'être trois dans cette situation était un luxe rare, une chance immense pour nous et pour l'enfant. Trois ans après nous en sommes plus que jamais convaincus et les doutes de la grossesse sont depuis longtemps dépassés.
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tentacara
le vendredi 19 septembre 2014 à 13h31
Je voudrais aussi ajouter que la grossesse est une étape mais qu'après la naissance, des problématiques se nouent, tout aussi délicates, d'autant plus même que le stigmate évident du gros ventre n'est plus là.
En ce qui me concerne, après l'accouchement, l'allaitement et le sevrage, cela m'a pris près de deux ans pour retrouver une "vie normale".
Dans mon corps, déjà : je ne me reconnaissais pas, n'arrivais pas à m'aimer dans cette silhouette alourdie. C'est un moment où j'avais besoin d'autant plus d'attention que ma fille monopolisait la mienne, de désir que ma libido avait touché le fond et commençait à creuser.
Mes amoureux, eux, ont pu retrouver une activité normale. Non pas, (loin de là) qu'ils m'aient laissée me débrouiller avec le bébé sur les bras, mais les deux premières années sont celle du lent apprentissage de l'autonomie pour l'enfant qui lui permet (symboliquement) de quitter la mère (le foyer, la protection, la nourricière) pour aller vers le père (le lien social, la mobilité, l'extérieur). Je précise que ces champs sont symboliques, alors même qu'en tant qu'individus aucun de nous ne se reconnaissait dans ces caricatures de rôles freudiens, il a bien fallu admettre que c'était au besoin de l'enfant qu'il nous fallait répondre et que c'était ainsi qu'il s'exprimait.
Au bout d'une quinzaine de mois, alors que je me préparais doucement moi aussi à retrouver une vie sociale, professionnelle, sexuelle, sentimentale (liste non exhaustive) un peu plus proche de mes aspirations personnelles, je me suis aperçue que le fossé s'était très largement creusé entre la perception que les uns et les autres avions de la contrainte que représentait cette enfant.
Du coup, alors que le papa qui s'y était préparé jusque là était prêt à bondir sur l'occasion de prendre le relais et de nouer avec sa fille les liens dont il rêvait tout en me laissant la plus grande marge de manoeuvre possible pour "remonter à la surface", mon autre amoureux avait reçu mon manque d'attention pour lui et ma libido fluctuante comme une atteinte personnelle et s'était éloigné.
Cela peut arriver à tout le monde. Chacun d'eux a eu une réaction hyper classique et prévisible. Mon couple avec le père de ma fille s'est consolidé autour de cet équilibre que nous parvenions à trouver. Mes relations avec mon autre amoureux se sont dégradées d'autant plus vite que c'est évidemment à ce moment-là qu'il a commencé une relation avec une personne de 10 ans notre cadette qui ne manquait pas de lui rappeler combien pouvait être simple et douce la vie sans enfant, qui n'a pas manqué non plus d'investir les terrains que nous avions négligé pendant ces quelques mois depuis la naissance, et bien sûr précisément au moment où nous aurions pu de nouveau nous en occuper.
Un obstacle de plus, donc, et des mois de doutes ensuite sur la faisabilité de cette famille à trois adultes, deux couples et un enfant.
Nous avons pour en sortir dû réaffirmer nos choix et faire en sorte qu'ils se reflètent enfin dans nos comportements respectifs. Cela ne s'est pas fait sans mal, mais je crois que nous tenons le bon bout après bientôt 4 ans (grossesse comprise) de douloureux tâtonnements.
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tentacara
le vendredi 19 septembre 2014 à 13h36
Je pense que c'est ma plus longue contribution à ce forum depuis des années :) Désolée d'être aussi bavarde, j'espère que vous en tirerez quelque chose.
Je conclus donc :
Oui, la grossesse change des choses, différentes selon chacun, chaque situation. Il est essentiel de parler, parler, parler, trouver des compromis, s'accompagner mutuellement. Mais une grossesse ne dure que 9 mois.
Un enfant, on en prend pour 20 ans
Et ça change bien plus de choses encore. Laissez vous le plus possible de portes ouvertes, avancez pas à pas, rien ni personne ne sera parfait, tout prendra du temps à s'installer, à s'équilibrer. Gardez à l'esprit que c'est l'amour qui vous a amenés là et que malgré les difficultés, il n'est jamais loin.
Elever un enfant à trois est la plus merveilleuse expérience que j'aie vécue jusqu'ici. La plus difficile, mais vraiment la plus belle. Chacun de nous se découvre chaque jour des ressources insoupçonnées d'amour, de patience, de rêves, de détermination..Notre fille est une merveille et ses trois parents l'aiment inconditionnellement.
Bonne route à vous
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Minnie (invité)
le vendredi 19 septembre 2014 à 14h45
Merci beaucoup Tentacara ! Je t'ai lu comme on boirait du petit lait, tout ce que tu dis est très intéressant.
Je tique juste sur une chose : dans ta dernière phrase, tu dis que ta fille a "trois parents". Dans un reportage que j'ai regardé il n'y a pas très longtemps et qui commence un peu à dater mais qui, je crois, parle de vous trois, l'autre homme de ta vie a une place de "parrain". Est-ce là aussi une évolution dans votre façon de fonctionner ? Ou tu veux juste signifier qu'il s'investit lui aussi dans l'éducation de ta fille ?
Tous mes vœux de bonheur en tous cas !
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tentacara
le vendredi 19 septembre 2014 à 16h29
Il est bien son parrain parce qu'on voulait nommer sa place dans un référentiel existant et que ce lien soit direct avec notre fille. Mais oui, nous sommes ses trois parents, son papa, sa maman et son parrain, qui l'élevons ensemble, qui nous distribuons les sorties d'école, qui nous investissons dans son épanouissement et dans ses activité extra-scolaires. "Parrain" est un titre, "parent" une fonction, et je crois pouvoir parler pour lui comme pour nous, cette fonction est sa plus grande fierté.
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Katouchka
le samedi 20 septembre 2014 à 16h09
Moi aussi je t'ai lue comme on boirait du petit lait... Que je vous envie...
Merci pour la belle histoire car même si je la connais un peu c'est un plaisir de la re-décrouvrir à chaque fois.
Un vrai conte de fée qui, avec quelques illustrations, supplanterait aisément blanche neige ou la belle au bois dormant... :)
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Nurja
le mardi 09 décembre 2014 à 18h27
tentacaraune grossesse ne dure que 9 mois.
Un enfant, on en prend pour 20 ans
20 ans et les suivantes ! Tu parles d'or, tentacara
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(compte clôturé)
le samedi 23 avril 2016 à 07h38
Bonjour
Polyamoureux depuis l'adolescence (inconscient à l'époque), je vis avec L. qui a accepté qui je suis, puis d'ouvrir notre couple, tout en préservant notre relation comme "première".
Nous vivons actuellement chacun une relation "satellite" avec beaucoup de respect, et nous cheminons vers la compersion.
Notre relation ne fait que s'améliorer (cela fait 6 ans que nous sommes ensemble et bientôt 3 ans que nous sommes mariés).
Nous vivons et travaillons ensemble en nous respectant, chacun à sa juste place.
C'est le bel amour quoi !
J'ai 3 enfants issus de 3 relations très différentes ( où le polyamour était tabou), mais je ne vois que le dernier, entretenant avec sa mère une très belle relation d'amitié fraternelle.
Ma compagne n'a pas d'enfant.
Lorsque nous nous sommes mariés nous voulions un enfant... qui ne "vient" pas.
Et aujourd'hui se pose la question (surtout pour moi) d'une pause de nos relations sexuelles avec d'autres partenaires le temps de la grossesse, lorsqu'elle débutera.
J'ai bien lu que je suis un gros macho qui croit avoir des droits sur l’utérus de ma compagne :-) , mais les arguments qui étayent cette thèse très partisane ne m'ont pas convaincu. Car si l'utérus de mon amour lui appartient sans conteste, l'enfant que nous allons concevoir ensemble n'est pas sa propriété (ni la mienne d'ailleurs...)
Je ne pense ni être un réac ni un patriarche de rêver d'une période "cocoon" avec la femme de ma vie le temps d'une gestation qui ne dure que 9 mois. Sa première grossesse ! "Notre" première grossesse !
J'ai appris, avec le temps (j'ai 55 printemps), à assumer mes actes et mes pensées mêmes s'ils ne sont ni consensuels ni conventionnels. De fait, je respecte d'autant mieux les points de vues divergents, qui sont une richesse et une ouverture et une occasion de remise en question.
C'est en ce sens que je souhaitais apporter une parole masculine tranquille et posée pour élargir le débat...
Merci de vos réponses !