Compte-rendu du café poly du 1er juillet 2014 à La Cantada
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Raphaelle
le lundi 07 juillet 2014 à 13h00
Le compte-rendu du précédent café poly à La Cantada est consultable ici : /discussion/-Nk-/Mardi-c-est-Poly-juin/page-2/.
Trois thèmes ont été discutés :
1. Mono/poly : un accord possible ?
2. Remettre en cause l’escalator relationnel dans un cadre poly.
3. Les limites de l’inclusivité.
Le second thème st celui qui a été le plus abondamment discuté (ce qui n’apparaît pas dans ce compte-rendu). Il serait intéressant de creuser davantage le troisième sur le forum ou dans un prochain café.
Ces deux sujets, malgré leurs titres un brin hermétique (qui seront rapidement explicités), abordent des idées de base au sujet de la constitution et du développement des relations poly. Le principal point commun entre ces deux sujets est la question de l’engagement.
1. Mono/poly : un accord possible ?
Certain-e-s considèrent qu’à la base d’une relation, mono ou poly, il doit se construire un solide socle qui porte le nom de sécurité affective. Bâtir ce socle est rarement facile entre mono et entre poly. Dans le cadre d’une relation mono/poly, le niveau de difficulté est souvent plus grand, parfois indépassable, parce que la sécurité de l’un et de l’autre n’est souvent pas placée au même endroit.
Faire le choix des amours multiples peut être considéré comme un gage de sécurité puisque l’autre peut aimer ailleurs sans avoir besoin de rompre. L’argument se tient.
Faire le choix de la monogamie revient à placer sa sécurité dans la fidélité. Le risque que l’autre aime une autre personne n’est pas évacué mais le contrat mono implique que cet amour ne devra pas être vécu. Là aussi, le sentiment de sécurité résulte du fait que l’autre ne devrait pas être perdu à cause d’un autre amour. Seuls les moyens d’y parvenir sont différents. Et, si l’on regarde les choses en essayant d’être objectif, force est alors de constater que le second argument se tient aussi, quand bien même il pourrait moins bien supporter l’épreuve de la réalité.
Le point épineux est que l’on voit mal comment ces deux systèmes de pensée pourraient trouver à s’accorder. Evidemment, dans les faits, les positions ne sont pas toujours aussi nettes. D’autre part, la sécurité affective peut être placées à d’autres endroits et, aussi, à plusieurs endroits à la fois (avec parfois des paradoxes).
Je préciserai que le socle de mon polyamour est la liberté. Si une certaine sécurité affective m’est importante, elle est une conséquence du socle « liberté » et non l’inverse.
Sur le sujet mono/poly, une question est récurrente : « Un mono ne devient-il pas poly à partir du moment où il est polyacceptant ? »
Peut-être encore plus que dans d’autres types de relation, une relation mono/poly nécessite une grande assurance envers soi-même, l’assurance envers l’autre ne venant qu’en second.
Vivre une relation mono/poly ne s’envisage pas de la même manière si deux personnes étaient déjà en couple depuis longtemps et que l’une d’entre-elles transite vers le polyamour ou si deux personnes ont un vécu commun embryonnaire.
De la même manière, tenter une relation mono/poly pourra dépendre du temps dont nous disposons, du nombre de relations déjà existantes et de la manière dont nous savons que pourrons gérer vis-à-vis de nos autres partenaires les difficultés d’une telle relation.
Un point me semble essentiel à prendre en compte : la personne en face de vous est-elle mono par défaut ou par choix ? Si elle l’est par choix, je ne vois pas comment une relation poly avec cette personne est possible, ni même souhaitable pour l’un comme pour l’autre.
Si je peux me permettre un conseil, prenez votre temps et dialoguez beaucoup avant de vous engager dans une relation mono/poly où tout est à construire.
2. Remettre en cause l’escalator relationnel dans un cadre poly.
D’où vient l’expression « escalator relationnel » ? Si c’est un concept anglo-saxon, quel est le terme anglais ?
L’escalator relationnel véhicule l’idée d’un timing imposé, de passages obligatoires auxquels s’arrêter pour qu’une relation « progresse ». Il faut faire les choses dans l’ordre, ce qui se traduit, par exemple, par l’obligation d’aller au resto avant de passer sous les couettes. Cette obligation n’a aucune raison d’être. C’est une règle sociale/morale que nous sommes libres de ne pas nous imposer. Il y a bien sûr des variantes dans les normes (l’étape « je t’aime » peut ainsi se situer à des niveaux différents de l’escalator).
L’escalator est une voie, en théorie, sans surprise, tracée d’avance, sur laquelle chaque étape est construite comme un prélude à l’étape suivante. Ainsi, le mariage permet de débloquer la route qui mène aux enfants (et si vous possédez des revenus suffisant vous pouvez obtenir le bonus monospace). Pour paraphraser tentacara, « l’escalotor relationnel est la version XXIe siècle de la Carte du Tendre ».
De part son aspect prévisible, l’escalator peut avoir pour certain-e-s un aspect rassurant. Le fait de savoir si l’on veut-on être rassuré est une autre question.
De même que les mono, les n’échappent se contraignent parfois à cette logique de faire certaines choses dans un certain ordre, même s’il semblerait que beaucoup d’entre nous y échappent en partie en commençant régulièrement à monter avant de descendre ou, parfois, en vivant toutes les étapes en même temps.
Nous pourrions nous rendre où nous souhaitons à partir du moment où les déplacements sont consentis par tous. Reste que la marche arrière semble toujours être plus complexe. Ici, pas de différence fondamentale entre poly et mono.
Le polyamour permettrait à certain-e-s d’emprunter des « raccourcis relationnels » (Aurelien) par le biais de cooptations : dans ce cas de figure, un nouveau membre peut être accepté par quelqu’un par le seul fait qu’il soit déjà en relation avec des relations de la personne en question.
L’escalator, dans « son » l’idéal, avancerait en permanence, avec vous dessus. En polyamour, il est évident que l’escalator risque de ne pas toujours avancer vite, voire de s’arrêter, plus ou moins longtemps, faute de temps. Sur ce point, les poly doivent prendre leurs responsabilités, exprimer clairement leurs envies d’avancer davantage sur un escalator plutôt que sur un autre.
3. Les limites de l’inclusivité.
« Inclusivité » : un mot intéressant mais peu courant. Commençons donc par une citation de quelques lignes sur le mot dont il est dérivé, « inclusion » :
« Le mot a une histoire et des origines bien repérées : apparu aux USA, il a gagné en fortune dans les conflits sur l’homosexualité au sein des églises nord-américaines, en particulier dans les dénominations protestantes.
Il a sa place dans une cartographie de concepts avec lesquels il rentre en concurrence, assimilation, intégration, insertion, ou auxquels il est opposé, comme exclusion et discrimination. Il se fonde sur un présupposé tacite mais déterminant : une conception pluraliste de la société. » (suite du texte ici : www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2013/ue... )
Je ne me souviens plus de la différence qui avait été faite à la fin du café entre inclusion/inclusivité et intégration. Je pense que l’intégration conduit à une recherche d’homogénéité, à une dynamique d’assimilation qui tend à gommer les diversités tandis que l’exclusivité accepte la constitution d’un ensemble avec des éléments hétérogènes qui valorise la pluralité.
L’inclusivité est le contraire de l’étanchéité. Elle est à la base d’une dynamique de décloisonnement des relations. Cela ne signifie nullement que toutes les relations de tous les partenaires doivent vivre ensemble. Cela signifie que, dans l’absolu, toutes les relations de nos relations seront les bienvenues pour échanger avec nous. Dans la réalité, disons que toutes les relations seront accueillies, au minimum, avec courtoisie et respect.
L’inclusivité est pour certain-e-s un idéal, parfois vécu (plus rarement que le café poly n’a pu le laisser croire, les personnes qui ont pris le plus la parole ne sont pas forcément représentatives de la manière dont vivent beaucoup de poly), qui peut vite se transformer en cauchemar quand une personne pour laquelle nous n’arrivons pas à ressentir autre chose que de l’inimitié gravite régulièrement dans notre cercle relationnel.
Il faut donc savoir mettre des limites et ne pas présenter à tous l’inclusivité comme allant de soi et inconditionnelle. Il est difficile et pénible de revenir en arrière si aucune limite n’a été indiquée à l’origine. En d’autres termes, notre éventuel désir d’inclusivité doit faire face à un principe de réalité. Par conséquent, l’inclusivité doit être pensée d’une manière contextuelle, au cas par cas.
L’inclusivité est rendue parfois plus difficile lorsque des partenaires partagent un appartement commun.
Nous pouvons souhaiter inclure ou non comme nous pouvons souhaitez vouloir être inclus ou non.
Pour tenter de situer l’inclusivité, entre autres, j’avais tenté à la fin du café poly de dessiner verbalement (!) une amorce de carré sémiotique. Depuis, ce carré a un peu muri, il a été complété et, surtout, il a été dessiné (pour le voir, cliquez ici : i39.servimg.com/u/f39/16/68/40/59/carra_10.jpg ).
Ce schéma, qui évite plusieurs pages de texte avec les raccourcis que cela implique, place l’inclusivité du côté du polyamour, non sans aucun lien avec la monogamie. Relativisons. Si, dans n’importe quelle relation poly, une certaine inclusivité est obligatoire, l’inclusivité peut être réduite à l’essentielle, à sa portion la plus congrue.
Si le prochain café est maintenu le 12 août, je ne pourrais a priori pas y assister. A voir donc si quelqu’un a le temps et l’envie de me remplacer pour le prochain CR. A ce propos, je ne me suis pas attribué le monopole de la rédaction des CR, même si je suis présent, rien n’empêche de faire le vôtre (mais prévenez moi pour éviter de faire doublons).
Message modifié par son auteur il y a 9 ans.
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Siestacorta
le lundi 07 juillet 2014 à 13h14
yay, merci !
Une question : la première personne, c'est toujours toi ou c'est parfois la retranscription directe de la prise de parole dans le café ?
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Raphaelle
le lundi 07 juillet 2014 à 14h02
La première personne c'est toujours moi. Précision utile (+)
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pierre
le lundi 07 juillet 2014 à 22h36
Pour l'escalator relationnel, effectivement l'expression semble avoir été inventée par les anglophones. Ils appellent ça "the relationship escalator" simplement. Voir par exemple :
solopoly.net/2012/11/29/riding-the-relationship-es...
Message modifié par son auteur il y a 9 ans.
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Raphaelle
le mercredi 30 juillet 2014 à 03h47
Petites précisions sur mon schéma.
Il faudrait mettre un "s" à "polyamours" et remplacer "monogamie" par "mono-amours".
Par "binarité", il faut entendre : nous et les autres.
Par "ternarité", il faut entendre : toi, moi et les autres. Les autres sont ici "autres" du point de vue des deux personnes en question, ce qui n'implique pas nécessairement de hiérarchie contrairement aux autres des mono. Pour le dire autrement, c'est une ternarité ouverte à davantage de multiplicité.