Questionnement personnel sur la jalousie
#

tanguy31
le dimanche 01 mai 2011 à 15h38
Depuis quelques jours, je me questionne beaucoup sur le polyamour, ce que je suis. Et la définition de la jalousie, ce que l'on en fait, ce qu'elle est dans la société d'aujourd'hui, me pose aussi questions. J'aimerais bien savoir ce que vous pensez de mon raisonnement.
Globalement, il est de bon ton de fustiger violemment le mari ou la femme volage. Faites un tour sur n'importe quel forum un peu psy et vous verrez que les avis du genre : "quitte-le, c'est inacceptable" ou "tu vas voir, elle va te dire ça, elles font tout "Ça" pour s'en sortir et pour que toi, tu finisses comme une loque". La jalousie est donc perçue comme non seulement naturelle mais aussi normale et surtout socialement nécessaire. La preuve absolue est que si l'on frappe ou tue sous l'empire d'une crise violente de jalousie, on obtient des circonstances atténuantes. Regardez l'affaire Cantat/Trintignant et vous ne pourrez pas le nier. Lui, manifestement fragilisé et exaspéré par les contacts réitérés qu'elle avait avec ses ex ou ses futurs, était bouffé par la jalousie. Un soir de beuverie (réciproque, je ne nie pas qu'elle détient sans doute sa propre part de responsabilité à son malheur), il la frappe. Combien de fois, avec quelle volonté, impossible à dire. Et peu importe. C'est la jalousie enragée qui a parlé, légitimée et encouragée par 2000 ans et davantage d'éducation judéo-chrétienne. Pour cela, c'est à dire sa mort à elle, que l'on parle d'un meurtre ou d'un accident (mais je le dis, peu importe, seule la cause de la violence est importante), la société par laquelle il a été jugée (certes pas française mais les mœurs de Vilnius sont sans doute très proches des nôtres) a décidé qu'il serait privé de liberté huit ans. Parce que la violence sous l'empire de la jalousie, ce n'est pas en soi si grave que cela. Huit ans. Bien sûr, huit ans c'est long quand c'est vous qui êtes en prison. Mais au regard d'une vie humaine, c'est une paille. Je ne sous-entends pas que Cantat méritait 30 ans incompressible. Ce n'est pas non plus mon propos. Je dis simplement que s'il l'avait tué pour un autre motif, dans les mêmes circonstances (c'est à dire sous l'empire de l'alcool, de la drogue et à la suite d'une colère violente), il aurait pris une peine bien plus lourde, cela me paraît évident.
Donc, la jalousie est adoubée par la société, y compris dans ce qu'elle comporte de plus extrême.
Pourtant, curieusement, cette société a un comportement schizophrène vis à vis de cette émotion, tantôt acceptable, tantôt refoulée, comme une tare à cacher, sorte de tabou.
Dans le monde des adultes, être jaloux c'est avoir des raisons de l'être. Et si on est jaloux, c'est une tache. Le mari jaloux n'a donc pas trop intérêt à ce que cela se sache. Soit parce que cela prouverait qu'il n'est qu'un faible, à jalouser sa femme volage, sans avoir le courage de la quitter ou de la mettre dehors. La femme jalouse est une hystérique, invivable à la limite de la folie furieuse, à traquer son compagnon pour être "sûre qu'il ne la trompe pas". Bien sûr, les deux exemples sont interchangeables !
Et puis, il y a la jalousie des enfants. Et c'est là, elle n'a aucun droit de citer. C'est elle aussi une tache immonde. Comment l'être symbole de l'amour absolu peut-il manifester sa jalousie, crier sa colère, sa frustration, contre le petit frère ou la petite sœur ? C'est là une chose intolérable, non seulement à réprimander dans toutes ses manifestations, y compris les plus légères mais aussi à faire disparaître, comme une vilaine tache sur un drap blanc. L'enfant doit "apprendre" à ne plus être jaloux. Il ne doit pas non plus être jaloux de ses camarades. Ah non ! Pas même du jouet offert à un autre alors qu'il l'aurait tant désiré. On doit faire sortir de son corps cette jalousie comme on exorciserait un possédé. Il doit l'oublier au plus profond de lui-même.
Ce serait formidable si la jalousie n'était pas un sentiment normal au même titre que le bonheur ou la tristesse. Ce serait formidable aussi, si, quelques années après, l'enfant devenu adulte ne découvrait pas que la jalousie dans sa forme "pathologique" était valorisée, justifiée, par cette société, par le truchement de ses parents, qui l'a tant réprimandé lui quand il était jaloux.
L'enfant DOIT aimer son frère ou sa sœur. Il n'a pas le droit d'en être jaloux. Il doit non seulement l'accepter mais en plus faire bonne figure et pire encore, il doit l'aimer. S'il ne cède pas à ces exigences, il devient lui-même la tache dont a cherché à le récurer.
Mais plus tard, il aura le DROIT d'être jaloux. Et presque le devoir. Au risque de passer pour le dernier des derniers, le ou la cocu(e) de service. Vous savez, celui ou celle que l'on regarde d'un air au mieux condescendant, au pire avec un sourire moqueur.
Et parce qu'il aura été opprimé dans sa jalousie toute son enfance, alors devenu adulte, il y a toutes les chances que cette jalousie rime avec maladie. Angoisse d'être délaissé, possessivité de l'autre, intolérance au bonheur universelle de l'autre jusqu'à l'oubli même de ce pourquoi il tient tant à l'autre : l'amour qu'il est censé lui porter. Tout, finalement, qu'il n'a pas eu le droit d'exprimer et pour lequel il n'a trouvé le secours de personne pour le rassurer, pour le surmonter et en faire quelque chose de positif et pourquoi pas de beau.
Mais ce n'est pas grave, il pourra se draper dans la toge de réconfort que lui offre la société. Il pourra trouver tous les soutiens qu'il veut. Le mari de bidule, la femme de truc, la cousine de X, le copain de Y, tous trompés jusqu'à la moelle par des êtres sans morale, qu'ils ont eu le courage de fuir à toutes jambes. Mais bien sûr, le modèle sociétal est monogame. Juste qu'ils n'ont pas eu de bol ceux-là. Ils sont tombés sur les salauds/salopes de service.
Je suis jalouse. Sans l'avoir compris jusqu'à récemment. Jalouse de mon petit frère depuis sa naissance. Jalouse de l'attention qu'il a reçu et auquel j'estimais avoir le droit plus que lui. Jalouse de ma compagne lorsqu'elle voit quelqu'un. Mais j'aime mon frère. J'ai beaucoup aimé jouer à "la poupée avec lui", parce que dans ces moments-là, je prenais les rênes. Parce qu'on me prêtait une attention énorme quand j'en m'en occupais. Parce que je crois que ma mère avait su elle-même sublimer sa jalousie pour m'inculquer, sans mot dire, comme sublimer la mienne. J'aime savoir ma compagne au lit avec quelqu'un d'autre même si je bouillonne de jalousie. Parce qu'elle est heureuse. Et que son bonheur fait automatiquement le mien, en mieux je dirais. Parce que l'autre, celle que je jalouse, apporte des choses que je ne peux amener moi-même et qu'elle m'enrichit sans même se rendre compte de ce qu'elle me donne.
Et vous, comment voyez-vous cela ?
#

(compte clôturé)
le lundi 02 mai 2011 à 20h48
Ben... comme toi.
Je ne vois pas grand chose à ajouter. Tout est dit et bien dit.
#

Polypoli
le jeudi 05 mai 2011 à 11h49
Le jaloux veut être bercé d'illusion et croit qu'il va pouvoir contrôler la personnalité et les sentiments de la personne qu'il dit aimer.et en être l'unique bénéficiaire.
Hélas pour les jaloux, la vraie relation amoureuse heureuse se nourrit de liberté et non de contrôle.....
#

tanguy31
le vendredi 06 mai 2011 à 09h17
Entièrement d'accord avec toi. Mais comment créer un terreau favorable à la compréhension d'une telle notion pour l'autre ?
#

(compte clôturé)
le vendredi 06 mai 2011 à 10h47
En parlant, parlant, parlant, parlant...
En écoutant, écoutant, écoutant, écoutant...
Et en prenant son temps, parce que c’est long.
Je ne vois aucune autre solution...
#

tanguy31
le vendredi 06 mai 2011 à 13h30
Comment dialoguer justement ? Car il y a le ressenti de part et d'autre. Et que de cette différence de ressenti naissent les frustrations, les peurs, les ressentiments.
Sur quoi baser le dialogue sans tomber dans les reproches, sans chercher à "convaincre" à tout prix (car là, je suis persuadée qu'on ne peut pas forcer quelqu'un à penser quelque chose. Que cela doit venir de soi-même) ?
Si tu as des commencements de réponse, je suis preneuse.
#

(compte clôturé)
le vendredi 06 mai 2011 à 13h36
Ben peut-être justement en évitant de vouloir "dialoguer" à tout prix - c’est à dire argumenter, convaincre, raisonner...
Mais en autorisant chacune de vous deux à parler - à dire, tout simplement, son ressenti, en essayant de le décrire le plus objectivement possible, et sans y inclure de jugement sur l’autre...
"Je ressens ça, ça et ça, j’ai mal, je suis heureuse, je souffre, je suis joyeuse..." Sans ajouter "parce que ci, ça, parce que tu dis/fais/montre ceci ou cela".
Et écouter ce que l’autre a à dire, sans l’interrompre et jusqu’au bout, sans essayer de se justifier, sans répondre autrement que pour dire qu’on entend et qu’on va essayer de comprendre.
Et plusieurs fois par jour, pendant des semaines, des mois... Tant que tout ce qui est sur le coeur n’est pas lâché, on ne peut pas dialoguer puisque l’émotion prend toute la place. Quand l’émotion a été suffisamment dite et entendue, quand on lui a laissé la place qu’elle réclamait, elle cesse peu à peu de tout investir - et là on peut commencer à dialoguer.
#

Polypoli
le vendredi 06 mai 2011 à 15h10
Le bienheureux polyamoureux peut s'abstenir de provoquer l'amoureux jaloux,en évitant de le provoquer par une exposition exagérée du bonheur qu'il cultive ,avec son autre amoureux, dans un jardin secret dont le jaloux est exclu....
#

tanguy31
le samedi 07 mai 2011 à 13h36
Merci en tout cas pour tous les conseils. Cela me permet d'avancer de façon constructive.
Et oui, je suis d'accord, il faut absolument ne pas exposer le jardin secret. Je me suis faite "avoir" ce matin, bien malgré moi d'ailleurs.
Au passage, pour ceux qui auraient le temps d'en discuter, qu'est-ce que la jalousie pour vous ? Quelle définition lui donneriez-vous ? Quelles manifestations peut-elle prendre ? Il y a divergences de vues chez nous : mon amie prétend qu'elle ne l'est pas, que le problème est la trahison et le fait de "savoir". Personnellement, je trouve que ça va plutôt ensemble ?
#

Siestacorta
le samedi 07 mai 2011 à 14h14
Savoir parce qu'on a décidé au départ et avoir appris un "secret", c'est pas la même chose, émotionellement...La trahison est dans le passage d'une vérité à une autre, pas dans la transparence actuelle.
Tu peux sans doute pas réécrire "son vécu" de l'histoire du secret. Par contre, tu peux lui montrer qu'à l'époque du secret, tu tenais toujours à elle, lui parler de ce que tu ressentais pour elle dans les bons moments, et dire quand ce même type de ressenti agréable est là aujourd'hui : valoriser la continuité de ton sentiment pour elle, que lui n'a pas fait et ne fait toujours pas défaut.
Message modifié par son auteur il y a 14 ans.
#

Clown_Triste
le dimanche 08 mai 2011 à 11h14
@Tanguy31 : sur le sujet de la jalousie, il existe un ouvrage intitulé (en VF) : "Une passion dangereuse : la jalousie" de David M. Buss.
Ce n'est pas forcément la référence absolue en la matière mais ce livre a nourri ma propre réflexion sur la jalousie et sur les justifications qu'on peut lui donner. Si tu as l'occasion de le lire, peut-être t'apportera-t-il un éclairage nouveau pour t'aider à y voir plus clair.
C.T.
#

kenza59 (invité)
le jeudi 02 juin 2011 à 00h05
Message modéré pour la raison suivante : Orthographe.
#

LuLutine
le jeudi 02 juin 2011 à 23h42
kenza59
moii je sui tro jalouz jen n'est marre de vivre dans la peur l'engoisse pleurer a longueur de journées pour tous et rien.marre de cet jalousie qui me rend malade de jours en jours comment faire que quelqu'un me donne des conseils silvouplait! !
Commence par lire les sujets du forum de la catégorie "Jalousie".Tu trouveras peut-être des témoignages qui te ressemblent.
#

tanguy31
le lundi 06 juin 2011 à 08h39
Et essaie de savoir ce qui te fait peur vraiment. Pourquoi es-tu jalouse au fond ? Qu'est-ce qui te gêne dans le fait que ton ami(e) voit quelqu'un d'autre au point de pleurer et de t'angoisser ? Peur que il/elle t'abandonne ?
#

Siestacorta
le lundi 06 juin 2011 à 12h06
Oui, hein ?
Quand est-ce qu'on me reconnaîtra enfin comme prophète, j'en ai marre, là, vous le voulez oui où zut, votre paradis terrestre ? Alors appelez-moi "maître", qu'on accélère :-D
Sinon, plus sérieusement...
La trahison mélange deux aspects de l'évènement.
C'est à dire ce que l'autre fait d'injuste / égoïste à l'échelle de la morale de l'ensemble de la société et ce qui est inattendu par rapport à l'entente tacite qui avait cours avant.
La "morale" et les attentes d'un couple se recoupent, mais ne se confondent pas.
Par rapport à la morale des autres... Ben disons qu'on peut savoir la partie qu'on valide et celle à laquelle on accorde pas d'importance dans le cadre du couple. Savoir, en fait, ne pas se justifier du "mais chez untel untel untel et en France, c'est comme ça, alors on fait ça ici". Chez toi, tu fais ce que tu décides.
Donc, on en vient aux attentes communes du couple.
La question est : quand les a--ton formulées ? Que savait-on des attentes de l'autre quand on s'est mis avec ? Que faire si les attentes changent-elles dans le temps ?
La blessure de la trahison, c'est en partie ça, en partie une blessure émotionnelle : quelque chose sur quoi je comptais à travers la relation a été abîmé (généralement, un rapport de confiance). On peut soigner ce qui est abîmer, l'un avec l'autre en construisant (voir questions au dessus), et individuellement, entre soi et soi, en déterminant nos points sensibles, nos besoins personnels, est-ce qu'ils sont "sociables" ou strictement égoïstes, qu'est-ce qu'on peut faire de nos besoins, seul ou avec l'autre.
Pour cette partie du questionnement, un psychothérapeute sera souvent un outil bien pratique (tout le monde n'a pas l'habitude de réflechir sur lui-même, et certaines situations difficiles demandent parfois un tri "aidé".
#

Siestacorta
le mardi 07 juin 2011 à 00h30
Eclisse
2) Tenter d'établir des compromis et non des compromissions ?
Exactement... le compromis.
Trouver ensemble le terrain d'entente, celui où on est ensemble ET bien.
Et ça demande, de la part de chacun, un gros travail sur soi, pour savoir exactement ce qui nous fait peur et ce qui nous satisfait, et comment, peu à peu, obtenir le second sans se prendre le premier dans la tronche.