Polyamour.info



Les messages appartiennent à leurs auteurs. Nous n'en sommes pas responsables.

Merci de consulter notre charte de discussion pour connaître les règles qui régissent les conversations sur ce site.

Polyamour et jalousie

Jalousie
#
Profil

Paul-Eaglott

le mardi 23 décembre 2008 à 19h14

C'est un sujet qui m'intéresse depuis quelque temps :

Comment faire, lorsqu'on est engagé dans une relation polyamoureuse et que surgit un sentiment de jalousie ou un ressenti de possessivité à l'égard d'un(e) partenaire ?

Jusqu'ici, cela m'est arrivé quelques rares fois, de façon relativement douce et donc facile à surmonter : il me suffisait de m'avouer que je ressentais un pincement de cet ordre, de ne pas chercher à le "faire taire", éventuellement d'en faire part à la partenaire "visée" par ce pincement, puis de laisser passer la douleur tranquillement... Ca a toujours fonctionné, me laissant étonné d'avoir traversé "l'épreuve" sans plus de dégâts que ça, et fier de ne pas avoir cherché à entraver les libertés de mon amie.
En effet, lui en faire part n'avait alors pas pour but de la conduire à renoncer à vivre ce qu'elle avait envie de vivre, mais plutôt à chercher avec elle les moyens de me rassurer, les moyens d'apaiser la peur qui se manifestait en moi sous forme de jalousie. En général, la discussion qui s'engageait alors fournissait "naturellement" les éléments apaisants que j'attendais. (Typiquement : quelques mots ou simplement l'attention ressentie de sa part lors de la discussion me confirmaient que l'intérêt ou l'amour qu'elle me portait n'était ni atteint ni diminué, que je ne serais pas "privé d'elle", ce qui suffisait à faire disparaître le pincement.)

Mais je me pose la question et vous la pose aussi : comment "gérer" la douleur si l'inquiétude jalouse perdure ? Comment traverser les moments où on sait qu'on va EFFECTIVEMENT perdre pendant quelque temps une bonne part de l'intérêt de l'autre (par exemple parce qu'il/elle a fait une nouvelle rencontre enthousiasmante, qui va traverser une phase de quelques mois de folie passionnée, éclipsant momentanément ses autres amant(e)s...) ?

Certains d'entre vous ont-ils connu cela ? Ont-ils trouvé des façons de se protéger de l'amertume, d'une souffrance trop aiguë, de la peur que ça se reproduise, et de protéger du même coup l'avenir de la relation ?

Bien entendu, pour celles et ceux qui ne ressentent jamais aucune forme de jalousie, la question est sans objet (même si je suppose que personne n'est totalement immunisé, et que même les polyamoureux les plus chevronnés peuvent ressentir une douleur de cet ordre un jour ou l'autre...)

Au plaisir de vous lire (ici et ailleurs, sur des sujets aussi variés que multiples, pour ne pas dire poly...)

#

(compte clôturé)

le mardi 23 décembre 2008 à 19h57

Je n'ai pas encore vécu ça... Mais l'attitude que j'adopterais, c'est de ressentir au maximum la chose, essayer de comprendre à quoi elle est liée... Peut-être est-ce l'occasion de lâcher-prise sur une scorie de ton parcours ?
Veux-tu creuser un peu ici ? Puis-je chercher un peu avec toi ?

#
Profil

Paul-Eaglott

le mardi 23 décembre 2008 à 20h14

Merci, Clémentine !
Pour l'instant, j'envisage plutôt ça comme une question "théorique" sur le polyamour et comme un appel à témoignages sur le sujet, même si cette question m'intéresse pour l'avoir effleurée en pratique.
Mais si ça se présente un jour à moi de façon plus intense, je vote pour le lâcher-prise, pour la non-résistance et pour m'en servir comme un instructif révélateur de mes propres peurs enfouies... (Sera-ce aussi facile à faire qu'à écrire, on verra ! ;-) )

#

(compte clôturé)

le mardi 23 décembre 2008 à 20h41

Alors j'espère qu'on se soutiendra l'un l'autre! Je vois aussi ce forum comme une aide pour aller de l'avant, au plus près de ses convictions, ses certitudes... pour grandir, quoi. A bientôt Paul E.!

#

(compte clôturé)

le vendredi 26 décembre 2008 à 21h10

Voilà, j’ai cherché un peu… extrait ce que trouvais intéressant, essayé de le simplifier…

René Girard

Selon la théorie mimétique de René Girard, la jalousie est un moment particulier dans la dynamique du désir humain. Celui-ci, par nature, est emprunté à un modèle, qui désire ou possède l'objet avant nous, et dont l'être nous fascine. Le jaloux est convaincu que l'être jalousé le devance dans la possession de l'objet et lui en interdit l'accès. La complaisance à entretenir ce sentiment vient de ce que l'existence de l'obstacle que constitue le rival jalousé, renforce la valeur de l'objet de la rivalité ; à son tour, la rivalité renforce la fascination qu'exerce le rival supposé heureux, donc idéal inconscient du jaloux.
On est en fait dans une relation triangulaire, où le rival devient un modèle. Ce désir mimétique fait que le modèle lui-même devient un obstacle dans la réalisation du désir de l’imitateur, et que l’objet du désir devient secondaire, comme dans l'exemple des enfants qui se disputent pour des jouets identiques en nombre plus que suffisant. C'est le phénomène fondamental du modèle-obstacle. Ce qui est enjeu est moins la possession de l’objet, que la relation de rivalité avec le modèle.
En d’autres termes, ce que le désir imite est le désir de l’autre, le désir lui-même. On finit par se retrouver dans une implacable logique dite « circulaire », le modèle renforçant la rivalité et vice-versa… pour finir en emballement et épuisement des protagonistes. Plus la distance diminue entre le sujet qui désire et le modèle, plus les différences s'amenuisent, et plus la haine s'intensifie.
Au niveau social des congénères et des collègues qui partagent la même loi et le même héritage, le mimétisme consiste à faire « comme tout le monde », à se camoufler dans le conformisme, la mode, les mœurs. C’est le niveau de la confusion entre « besoin » et « désir ».(NB : besoin d’appartenance en compétition avec le besoin de se réaliser ? (voir la pyramide des besoins d'Abraham Maslow).
Le mimétisme engendre la rivalité, mais en retour la rivalité renforce le mimétisme. Les protagonistes ne voient pas qu'ils sont interchangeables, symétriques, des « doubles », mais l'observateur extérieur le voit : il y a double logique, celle du désir et celle de l'imitation. Le problème du désir relève d'une incompatibilité entre sa propre logique - le projet de se différencier - et celle du mimétisme qui va dans le sens d'une croissante indifférenciation.

Henri Laborit

Pour Henri Laborit, il n’existe en soi ni de jalousie ni d’instinct de la propriété, mais plus simplement la construction au fil du temps, et parfois dès la très petite enfance, des modèles associant la notion de privation à celle de douleur. Nous cherchons ensuite inconsciemment à créer des conditions évitant ces risques de douleur.
"Ce que l’on appelle « amour » naît du réenforcement de l’action gratifiante autorisée par un autre être situé dans notre espace opérationnel et le mal d’amour résulte du fait que cet être peut refuser d’être notre objet gratifiant ou devenir celui d’un autre, se soustrayant ainsi plus ou moins complètement à notre action. Ce refus ou ce partage blesse l’image idéale que l’on se fait de soi, blesse notre narcissisme et initie soit la dépression, soit l’agressivité, soit le dénigrement de l’être aimé." (Henri Laborit)

D’où vient la jalousie ? La réponse sera différente pour chacun. Car c’est un sentiment qui cache souvent des frustrations, des désirs inavoués et nous vient de très loin, du fond de notre enfance. Elle a beaucoup à nous apprendre.

La première crise de jalousie de la petite enfance est si terrible qu’elle nous marque à vie. Lorsqu’on est jaloux, on revit cette douleur-là, celle du tout petit enfant qui ne supporte pas de voir sa mère se détourner de lui. Tout d’un coup, son monde s’écroule : il se sent abandonné, trahi.
Il vit un traumatisme important : réaliser qu’il n’est plus tout seul, qu’il existe un autre (par exemple, à l’arrivée d’un nouvel enfant dans la famille), ou que sa mère s’éloigne de lui pour se consacrer à d’autres occupations. Tout dépend donc de la manière dont cette première blessure aura été vécue, et aussi des caractères. Certains se retrouvent marqués pour la vie, et devront constamment lutter avec leur manque.

Pourtant, « La jalousie est, comme le deuil, un affect normal. Si elle fait défaut, c’est qu’elle a été l’objet d’un puissant refoulement. Elle joue alors dans l’inconscient un rôle d’autant plus grand. » (Freud).
La jalousie est « la crainte de perdre ce que l’on possède ». Par ailleurs, elle suppose un tiers rival.
Il y a plusieurs types de rivaux, susceptibles de nous inspirer de la jalousie : le rival jumeau, qui apparaît comme un double qu’on suppose plus parfait que soi et qui menace de prendre notre place. Le rival opposé, par contre, a son origine dans l’incertitude d’être véritablement l’objet du désir de l’autre : “Si ce que je lui donne est à l’opposé de ce que l’autre lui donne, alors ce n’est pas ce qu’elle désire, alors que me veut-elle ? Que veut-elle ? Et moi, qui suis-je ? Que me manque-t-il ?” Il s’agit à la fois d’un effondrement de l’identité et d’une blessure narcissique. Il y a là aussi de quoi gagner en maturité affective, assimilant deux grands principes : la non-possessivité et la responsabilité. (NB: tiens tiens, j'ai déjà lu ces deux termes quelque part ailleurs sur ce site...)

Pour beaucoup, la jalousie est une preuve d’amour, voire un code culturel… et pourquoi pas, chez le polyamoureux, une occasion de réveiller la relation?

Mais clairement, si nous ne pouvons pas refuser d’être jaloux, par contre nous pouvons refuser de nous laisser détruire par la jalousie. Ce que j’ai trouvé de plus simple et de plus productif jusqu’ici, c’est d’aller la travailler avec un thérapeute. Car passé le moment où le partenaire du jaloux polyamoureux l’a rassuré, il reste qu’il n’a été que le réactivateur de quelque chose qui prend source dans la petite enfance. Ne pas confondre le symptôme avec le mal… et nul partenaire n’a à devenir le thérapeute de l’autre.

#
Profil

longuesjambes

le mercredi 31 décembre 2008 à 11h55

La jalousie est, comme beaucoup d'autres défauts" une sorte d'émotion.

J'ai surtout appris à ne pas la nier, la jalousie. Rien de pire que d'essayer de se convaincre " je ne suis pas jalouse". C'est alors qu'elle glisse dans la perversité et va pourrir son entourage.
S'il m'arrive d'être jalouse, je me contente de l'accueillir en moi, et de faire en sorte qu'elle ne dérange pas mon entourage. Parfois, c'est une petite jalousie bénéfique, celle qui stimule ma féminité, ma créativité, mon humour. En fait, j'aime me sentir un peu jalouse, ce sentiment me réveille de la routine, ou la lassitude, dans laquelle la relation avec un amoureux peut, éventuellement, sombrer.
Lorque c'est mon amoureux qui est jaloux et essaye de l'utiliser pour me faire du chantage ou des menaces de rupture, je n'y répond surtout pas.
Petit à petit, l'un et l'autre, nous apprenons simplement à contrôler notre jalousie, non pour ne plus la sentir en nos esprits, et coeurs, mais tout simplement pour qu'elle n'aille pas emmerder l'autre.

#
Profil

Menora

le lundi 05 janvier 2009 à 17h11

Bien vaste question que vous soulevez là...
Très longtemps persuadée d'être une pure jalouse possessive, mes relations polyamoureuses m'ont souvent surprises par mon absence de jalousie. A l'inverse, plusieurs fois, j'ai vu des personnes se vantant fièrement de leur non-jalousie avoir un comportement bien étrange et avouer que finalement, certaines situations pouvaient les ammener à la ressentir. Considérons-la donc comme un sentiment humain, qui nous confirme simplement que nous le sommes. L'important c'est ce qu'on en fait.
L'accepter est une chose, l'exprimer en est une autre. C'est là que je me pose cette question : l'expression de ce ressentiment peut n'avoir pour but que de diminuer le désagrément associé à cette jalousie (comme l'écrit Mr Eaglott), mais c'est sans tenir compte de l'effet que cette annonce aura sur l'autre.
Pour ma part j'ai toujours eu tendance à accepter plus facilement ma propre souffrance que celle de ceux que j'aime et le fait que mon comportement puisse engendrer une souffrance me culpabilise instantanément et me conduit à cesser ce qui occasionne cette souffrance, non sans en vouloir par la suite à la personne qui l'a exprimé. Je lui en veux de l'avoir exprimé sans tenter de gérer tout seul ce sentiment, de m'en faire porter la responsabilité, d'une certaine manière.
Lorsque ce picotement m'arrive à moi, je considère qu'il ne regarde que moi et que c'est à moi seule de trouver le moyen de l'apaiser, sans en inquiéter l'autre. Bon évidemment, je parle là de situations bien souvent anodines, pas de comportement ouvertement outrageants...

#
Profil

Paul-Eaglott

le lundi 05 janvier 2009 à 19h56

En fait, Menora, le fait d'en parler à l'autre a été de ma part une tentative de mise en application personnelle des exemples abordés dans "the Ethical Slut" de Dossie Easton et Catherine A. Liszt.
Leur conseil est de ne pas nier sa jalousie, ni à soi-même ni à l'autre, mais de trouver par le dialogue une façon d'être entendu, et d'être pris en considération, y compris dans cette souffrance.
Idéalement, il faudrait arriver à "décrypter" la jalousie lorsqu'elle surgit, c'est-à-dire à identifier quelle peur profonde la conduit à se manifester, et à trouver avec le/la partenaire une façon de rassurer cette peur sans pour autant lui demander de renoncer à vivre ses désirs.
Exemple (un peu simpliste, mais bon...) : "Si tu dragues ouvertement quelqu'un devant moi, ça me rend jaloux, mais si tu me fais un clin d'oeil de temps en temps pendant ce temps-là, j'ai moins peur que tu m'oublies et ma jalousie s'apaise"...

Cela dit, comme toi, la plupart des gens avec qui j'ai eu des relations -- et moi-même -- avons de forts scrupules à provoquer une souffrance à autrui. Et nous préférons généralement nous priver plutôt que de "rendre jaloux".
Certes, ça peut finir par être perçu comme une contrainte étouffante ou liberticide, mais c'est une autre question...

#
Profil

Menora

le lundi 05 janvier 2009 à 22h17

Finalement, et en simplifiant un peu, certes, on dirait que la jalousie tourne toujours autour du même objet : que quelqu'un d'autre possède, plus rapidement, ou d'une meilleur façon que nous quelque chose que nous désirons, comme le cite Clémentine. Cela peut aller du fait de vivre une expérience ou un moment particulier, au simple fait de passer du temps ensemble.
Dans le cadre de relations polyamoureuses, on a beau construire une relation unique et précieuse avec chacun de ses amant(e)s il y a toujours la possibilité que l'un d'eux désire quelque chose vécu par un autre. Exemple : il m'est arrivé de ressentir un picotement de jalousie lorsqu'un de mes amants, avec qui j'avais une relation très sensuelle et érotisée me parle d'une autre femme avec qui il avait une relation très romantique et fleur bleue. J'ai eu d'un seul coup l'envie moi aussi de vivre ce genre de relation avec cet homme là et me suis sentie presque vexée qu'il "m'enferme" dans une certaine catégorie...comme si chacune de ses relations avait une fonction précise et qu'il ne fallait pas tout mélanger. Je me suis retrouvée à vouloir quelque chose que je ne pensais même pas vouloir à l'origine. On voudrait, inconsciemment, avoir pour soi toute les facettes de la personne qu'on aime, et être omnipotent(e) à ses yeux. L'aspect narcissique en somme.
Dans l'exemple que tu cites, P.E., ce que tu a l'impression de "perdre" à ce moment là, c'est davantage l'attention de ta partenaire, qu'elle peut rétablir à ton encontre par un simple clin d'oeil. Mais comment faire quand il s'agit de choses qu'on voulait faire avec une personne précise et qu'on ne peut pas refaire deux fois pour la première fois?...exemple tout bête : aller voir une exposition, ou bien découvrir un pays.
Il me semble que lorsqu'on fait le choix d'une vie polyamoureuse, il faut se résigner à ce genre de situation, lâcher prise là dessus (il peut pas y avoir que des avantages quand même!)
Par ailleurs Paul-E soulève une autre question tout au début de ce sujet à propos d'une nouvelle relation tellement waou! qu'elle éclipse toute les autres et peut occasionner de la jalousie pour les autres relations. Je pose la question inverse : vous est-il déjà arrivé qu'une rupture avec une de vos relations soit tellement pas waou qu'elle éclipse toute les autres et vous laisse dans l'incapacité de les vivre. Est-ce aussi une situation qui engendre une forme de jalousie? (Mais peut être est-ce là aussi une autre question...)

#
Profil

clown.et.lapin

le jeudi 05 mars 2009 à 21h48

je voudrais souligner les 2 sens, très différents à mon avis, de jalousie.

1) sentiment de possession exclusive de ce qu'on a (ou croit avoir)
2) envie de possession de ce qu'on n'a pas (et qu'un autre semble avoir)

Répondre

Chercher dans cette discussion

Autres discussions sur ce thème :


Espace membre

» Options de connexion