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[Lexique] Exotisation de genre, fétichisation de genre et essentialisation

Politique
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artichaut

le mercredi 09 juillet 2025 à 12h56

J'aimerais proposer un nouveau concept, mais j'hésite comment le nommer : exotisation de genre, fétichisation de genre

Il y a — dont on parle déjà un peu — la fétichisation et sexualisation des corps et des identités transgenres (que d'aucun nomment simplement attirance). J'aimerais étendre le sujet.

Préliminaire : je suis de ceux qui considère que l'on naît tous et toutes bi, non-exclusif et non-binaire, et que notre chemin de vie (souvent précocement, et très influencé par les normes sociales) nous fait réduire cette ouverture. On devient par exemple monogame, hétéro, homo, femme, homme… (et parfois on le vit bien, là n'est pas le problème). L'hétérosexualité (ou l'homosexualité) me semble donc en soi une fétichisation de genre. Mais je souhaiterais d'abord réduire le champ, et l'étudier au sein même des marges, pour mieux visibiliser le mécanisme.

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Mettons que je me considère ou me ressent comme bi ou pan, ou disons attiré par une mutiplicité de genres. Et que je poste une recherche d'un genre en particulier. Ex : "Couple cherche femme" ou "Homme bi cherche femme".
Que penser d'une telle recherche ?
Comme le dit @Caellan, j'y verrais là une demande franchement essentialisante. Je recherche non pas une personne, mais une identité de genre spécifique. La personne derrière l'identité étant donc secondaire.
Une telle objectification, outre qu'elle puisse ne pas du tout faire envie, m'allume perso des warnings. Que va devenir la personne qui a ainsi été sélectionnée pour son identité de genre ? Encore plus s'il devait y avoir choix de l'exclusivité.
J'ai le sentiment que dès le départ il y a quelque chose de déshumanisant (le genre est-il en soi déshumanisant ?) qui va induire, ou du moins inciter au non respect de l'autre, à son exploitation, voire à son asservissement. Il suffirait que l'on vive dans un monde patriarcal pour que les violences conjugales ne soient pas très loin.

Il en va évidemment de même pour la recherche d'une "licorne" au sein d'un couple hétéro. Appuyé par l'énorme biais de pouvoir que constitue les privilèges de couple.

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Mon propos n'est pas ici de stigmatiser les bi. Le raisonnement précédent s'applique identiquement, et de façon encore plus unilatéralle aux attirances hétéro et homo, même si celles-ci sont tellement devenues une norme qu'elles ont du mal à être questionnées en tant que telles.
Loin de moi l'idée de stigmatiser nos attirances (amoureuse et sexuelle). On est pétri de ce qu'on est (quelqu'en soient les causes) et il est déjà bien difficile de s'orienter dans les marécages de misère affective ambiantes. Chacun·e deale comme il peut avec ses désirs.
Mais ça me questionne quand on en fait un sujet de recherche conscient et décomplexé.

Finalement la question n'est pas tant celle de nos attirances mais plutôt de ce qu'on en fait. À quoi donne t-on de l'importance ? Que fait-on exister en priorité ? Est-ce que je cherche à rencontrer des personnes, ou des identités, des caractéristiques ? Et pourquoi ? Qu'est-ce qui m'agit et qu'est-ce que je laisse agir en moi, ou par moi ?

Suis-je moi-même au prise d'une exotisation de genre, d'une fétichisation de genre, d'une essentialisation des corps et des êtres ?

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artichaut

le mercredi 09 juillet 2025 à 14h46

Je signale ce fil : Critique des sites de rencontres, où j'aborde aussi ces sujets-là.

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Alinea7

le mercredi 09 juillet 2025 à 17h48

artichaut
Préliminaire : je suis de ceux qui considère que l'on naît tous et toutes bi, non-exclusif et non-binaire, et que notre chemin de vie (souvent précocement, et très influencé par les normes sociales) nous fait réduire cette ouverture.

C'est un postulat de départ discutable.
Mais admettons.
Ça ne change pas trop ma réflexion sur le sujet.

Globalement je suis d'accord, vu que tu mentionnes ça :

artichaut
Loin de moi l'idée de stigmatiser nos attirances (amoureuse et sexuelle). On est pétri de ce qu'on est (quelqu'en soient les causes) et il est déjà bien difficile de s'orienter dans les marécages de misère affective ambiantes. Chacun·e deale comme il peut avec ses désirs.

Et j'ai l'impression que pour moi cet aspect a plus d'importance : on fait comme on peut avec qui on est en tant que construction culturelle et sociale.
Faire une recherche particulière c'est limiter le champ des possible et augmenter les chances de ne pas trouver.

Faciliter la mise en contact pour faciliter de trouver, ça augmente les chances de consommation comme tu dis.
Et je trouve aussi qu'on a pris l'habitude en tant que société de laisser chacun se sentir légitime à obtenir ce qu'iel désire voire l'exiger.
Mais je crois que ces applis sont simplement un outil au milieu de cette culture de consommation et d'entitlement, de droit à ce qu'on veut comme un dû.
L'outil n'est pas responsable de l'usage qu'on en fait.

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artichaut

le mercredi 09 juillet 2025 à 23h15

Alinea7
Faire une recherche particulière c'est limiter le champ des possible et augmenter les chances de ne pas trouver.

Whoua, merci.
J'ai l'impression qu'en une phrase tu résume quelque chose que j'essaie de nommer depuis longtemps.

J'ai le sentiment que tout nous incite à sans cesse réduire notre champ des possibles : sur l'orientation sexuelle, sur le primat de certains types relationnel (amoureux pour la vie…) et le dénigrement des autres, sur les critères de capital social (alors que personne n'est top modèle), sur la restriction de nos recherches à une tranche d'âge très réduite, sur nos exigences en tout genre, sur nos critères de classe (conscient ou non), sur notre validisme intégré, etc.

La frustration affective me semble d'office générée par le système qui prétend la combler. C'est assez vertigineux.

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artichaut

le mercredi 09 juillet 2025 à 23h39

Ce n'est pas qu'il faut rejeter en bloc tout ce que la société de consommation nous vend comme étant indispensable à notre bonheur, c'est juste que c'est l'arbre qui cache la forêt. Un gros fake pour nous empêcher de regarder autour de nous.

Un fake pas dégoûtant en soi, certes, mais tellement recherché qu'il en devient impossible à trouver, tellement idéalisé qu'il en devient fadoche quand on le trouve. Et finalement juste un des banal possible parmi tant d'autres.

J'ai l'impression que plus j'avance en relations, plus je mesure le fake. Et moins j'ai envie, de ce que pourtant j'ai moi aussi recherché.

L'isolement du couple, la pauverté des scripts sexuels, la tristesse de l'amour amoureux, la vanité de nos quêtes… tant de choses qui m'apparraissent aujourd'hui…

Sans doute que je cherche encore le chemin pour valoriser le reste. Car non content d'idéaliser des formes très restreintes de relations, ce monde dénigre aussi et surtout tout le reste.
Et je trouve ça presque plus difficile de re-valoriser la forêt que d'arrêter de regarder l'arbre et vouloir y grimper.

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Tiao88

le vendredi 11 juillet 2025 à 13h14

artichaut

J'ai l'impression que plus j'avance en relations, plus je mesure le fake. Et moins j'ai envie, de ce que pourtant j'ai moi aussi recherché.

L'isolement du couple, la pauverté des scripts sexuels, la tristesse de l'amour amoureux, la vanité de nos quêtes… tant de choses qui m'apparraissent aujourd'hui…

-> Et le sentiment d'obligation de devoir "s'isoler" quand on élève des enfants et/ou qu'on veut en avoir... Comment changer ce système, si ce n'est en atomisant le concept de "famille nucléaire"? Mais là c'est tout le système de "faire famille" qui est à repenser pour justement rompre l'isolement.
Mais c'est sûrement lié au schéma de "réussite" : maison/conjoint/voiture perso/enfants...
Et je pense que ça inclut peut-être dans un premier temps de rejeter la société de consommation (bon je dis ça y a certains aspects comme la nourriture rapide qui m'arrangent bien, hein).

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artichaut

le samedi 12 juillet 2025 à 12h33

Tiao88
-> Et le sentiment d'obligation de devoir "s'isoler" quand on élève des enfants et/ou qu'on veut en avoir... Comment changer ce système, si ce n'est en atomisant le concept de "famille nucléaire"? Mais là c'est tout le système de "faire famille" qui est à repenser pour justement rompre l'isolement.
Mais c'est sûrement lié au schéma de "réussite" : maison/conjoint/voiture perso/enfants...

C'est vrai que vers la trentaine, il y a souvent un vrai recul social. Cette idée que pour aller sur l'escalator du bonheur, il faut se replier sur soi, son couple, faire famille, passer tous ces we à retaper sa maison, etc. Et la chute peut être rude 10 ou 20 ans plus tard… après un divorce, un décès, ou juste le délitement ou l'affadissement de la vie conjugale ou maritale.

On s'écarte un peu du sujet unitial, mais pas tant. C'est comme si il y avait un rétrécissement depuis l'ouverture et la liberté de l'enfance, de l'adolescence ou de la jeune vie d'adulte. L'escalator ne serait-il pas en fait un entonnoir ?. Et l'exotisation de genre ne serait qu'un des multiples aspects de cet entonnoir.

Le polyamour tardif (celui dont il est beaucoup question ici, la fameuse "ouverture de couple" après XX années de vie commune) est la tentative de réouvrir l'entonnoir.
Quant au polyamour précoce (les personnes qui commencent par ce mode relationnel) il peut donner le sentiment de n'avoir jamais vraiment essayé la monogamie, et se laisser happer à un moment par l'escalator.

On naît avec un immense champs des possibles …et on le réduit soi-même au gré des injonctions, des déceptions, des paliers franchit sur l'escalator, de l'âge qui avance, de la lassitude qui s'installe…

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artichaut

le samedi 12 juillet 2025 à 12h45

Heureusement la bonne nouvelle c'est que cet entonnoir rétrécissant n'est pas une fatalité. En prendre conscience est déjà énorme. On peut tenter de renverser la tendance, au moins sur certains plans, pas sur tous en même temps.

Et le polyamour serait une tentative plus ou moins heureuse et parmi d'autres d'inverser cette tendance. Avec cet élan, ce regain de vie …et aussi ces angles morts, ou cette précipitation souvent maladroite, cette volonté de toute puissance retrouvée.

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Lili-Lutine

le lundi 14 juillet 2025 à 14h34

Je lis ce fil avec beaucoup d’attention, et je me rends compte que ce qu’il aborde résonne profondément en moi, même si ce n’est pas évident de poser des mots précis sur ce qui se joue

Mes attirances affectives et sexuelles vont majoritairement vers des femmes et des personnes LGBTQIA+
Et je me suis demandé : en quoi cette question de fétichisation de genre me concerne aussi ?
Est-ce que mes élans, mes préférences, mes choix sont totalement libres, ou bien traversés par des imaginaires, des récits, voire des blessures que je ne choisis pas toujours ?

Je me suis souvent demandé si ce que je cherche chez l’autre, c’est vraiment l’autre, ou une forme de refuge, de réassurance
Surtout quand la personne en face porte une identité que je perçois comme moins menaçante, plus proche, plus safe

J’ai été marquée par des années de violences sexuelles et d’abus, essentiellement de la part d’hommes cis hétéros
Ces expériences ont laissé des traces durables dans mon rapport à l’intimité, à la confiance, au désir
Et je ne peux pas ne pas prendre en compte cela dans ma façon de faire lien, d’aimer, de choisir

Je ne pense pas être dans une logique de fétichisation, mais je sens que mes préférences sont tissées avec d’autres choses
Des élans sincères, mais aussi des évitements, des peurs, des apprentissages de survie
Est-ce que cela suffit à faire système ?
Est-ce que cela peut reproduire malgré moi certaines exclusions ?
Ce sont des questions qui me traversent

Je n’ai pas de réponses toutes faites, mais j’ai envie qu’on puisse aussi ouvrir cette réflexion-là : celle des liens entre traumas, sécurité affective, choix relationnels
Pas pour se culpabiliser ou se corriger, mais pour mieux comprendre comment nos désirs se forment, se déplacent, se construisent dans l’histoire de nos corps et de nos vies

Message modifié par son auteur il y a 2 mois.

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artichaut

le samedi 26 juillet 2025 à 12h24

Un·e ami·e m'a fait remarquer qu'il pouvait y avoir de l'appropriation culturelle et politique dans le fait d'utiliser ainsi les termes "exotisation" ou "fétichisation".

J'accueuille et donc je le pose ici.

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