Déséquilibre
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s.o.p (invité)
le samedi 17 janvier 2015 à 13h59
Bonjour ,
Nouvelle dans le polyamour (peut être à peut près 6 mois) , je viens de temps en temps ici pour lire des trucs et m'informer , cette communauté d'entraide et de réflexion de parait très cool et ouverte.
Je vois beaucoup de post et de textes sur les gens polyamoureux qui partent quand même d'une base de couple, du moins j'en ai l'impression. Pour ma part, je vis une histoire super avec une personne que j'aime beaucoup mais nous ne sommes pas en couple. J'apprécie beaucoup cette ouverture , je lis beaucoup de textes féministes qui m'interpellent sur cette question de la dépendance au sein du couple, notamment pour ce qui est des femmes (je vais très vite sur ce sujet mais j'ai lu il y a peu ce texte de Corinne Monnet sur l'amitié sexuelle et l'autonomie : que voici https://infokiosques.net/spip.php?article473)
J'ai parfois des moments que je qualifierai de déséquilibrés , parce que je pense ne pas être arrivée encore à une autonomie vis à vis d'une relation aussi belle soit elle...d'abord mon amant est un ours qui a différentes vies (ça me plait beaucoup j'vous rassure) , ensuite je n'ai pas encore rencontré quelqu'un-e qui pourrait me plaire en ce moment ... Ce déséquilibre je le trouve (et c'est sans doute normal) dans les moments difficiles, ou je suis un peu fragile.
Par exemple en ce moment gros coup de blues.
je me sens quand même un pur produit de la monogamie très classique et passionnelle, avec fusion l'un dans l'autre, tes problèmes sont mes problèmes. Bref, je sais très bien que l'autonomie se gagne par étapes sans doute, que c'est à nous même de gérer nos soucis, mais j'aimerai savoir si quelqu'un ici à ce genre d'expériences ou les a déjà vécu. Est ce que c'est cela que vous appelez poly-seul ..? Est ce que c'est plus facile de vivre ces choses quand on a plusieurs amants, et dois je pour cela me lancer un peu plus dans l'aventure ? Souvent je ressens ces choses d'autant plus présentes et prégnante de par le fait que je suis une femme , ce qui me pose d'autant plus de problèmes éthiques.
Le soucis n'étant pas que je cherche à tout prix quelqu'un pour me reposer quand ça va pas, mais plutôt d'essayer de gérer un équilibre dans ma relation . Ne pas chercher l'affection à tout prix quand il y a quelque chose qui ne va pas. Je ne sais pas si je suis très claire dans mes questions, mais c'est quelque chose que j'aimerai beaucoup éradiquer, cette question de dépendance. Or, quand ça va pas trop et que j'ai un besoin affectif et que mon amant n'est pas là je le ressent d'autant plus fortement, ça me rend parfois assez triste et ça engendre des complications à mon coup de blues que j'aimerai bien voir disparaitre !
Bien sur il y a aussi des moments ou il est là , mais on fait de notre mieux et on se voit pas non plus très souvent ce qui ne me gène pas.
Voilà comment faites vous?
Merci pour vos conseils
PS: je met cette discussion sous le thème bases mais je ne pense pas que ce soit particulièrement le bon...:)
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centaure77
le dimanche 18 janvier 2015 à 01h55
Bonsoir S.O.P
Quelques mots qui n’ont de valeurs qu’une expérience, une pierre à l’édifice…
Amour, amours, Polyamours…parlons plutôt de bonheur…une formule du bouddhisme dit « Il est difficile de trouver le bonheur en nous, il est impossible de le trouver en dehors de nous » Dans nos histoires d’amours il est important je crois de partir de soi, de ce que nous pouvons définir comme des éléments de bonheur, de notre bonheur…En amour nous subissons toutes sortes de modèles « tout fait», de schémas sociaux préétablis censés apporter notre bonheur : couples, enfants maisons et barbecue pour les plus traditionnels, liberté sexuelle et affective , indépendance, autonomie font leurs apparitions mais tout cela n’est que moyens pas finalité, pas un bonheur en soi. Le plus dangereux étant de porter le costume d’un autre, d’essayer de s’approprier la formule du bonheur d’un partenaire, d’un amant, d’un ami….
J’ai une expérience de vie de couple classique avec enfant, cela n’est plus ma vie actuelle mais il serait mensonger de dire que cela ne m’a pas rendu heureux, a un certain moment de ma vie…aujourd’hui je suis dans une histoire d’amour à trois, je ne raconte pas j’en fais témoignage dans le site : cette situation aujourd’hui m’apporte beaucoup de bonheur, à ce moment de ma vie et pour moi ! Est-elle transposable et forcement heureuse pour un autre…je ne saurai le dire !
Ton amant poursuit sa propre quête du bonheur et construit sa vie selon ses choix, ils sont les siens mais ne t’appartiennent pas et ne sont pas ton propre chemin de bonheur. Moi actuellement j’ai une relation intense et très riche avec une femme qui aime un autre homme également : nos relations sont profondes, complexes, enrichissantes car cette personne sait donner généreusement de l’amour a chacun. Je sait que mon bonheur passe par une qualité de relation, je ne veux pas appartenir a quelqu’un et je ne veux pas que quelqu’un m’appartienne mais j’aspire à des relations riches et intenses. Je sait aussi que je peux offrir de l’amour, de la tendresse, de l’émotion car j’en porte beaucoup, pour plus d’une femme je crois mais sans jugements aucun les amours d’un soir ne m’intéresse pas…
Tout cela pour te dire que je ne sait pas ce qui peut te convenir mais quand tu dit que tu te sent « monogame » peut-être veux tu dire que tu as besoin de pouvoir partager, te sentir soutenue et épauler dans les moments parfois rudes de la vie, d’avoir la chaleur et le réconfort d’un ou de plusieurs êtres aimants qui échangent, partagent et comprennent ? Est ce une aliénation de ta liberté ou de ton indépendance, je ne crois pas !
Donc fait le point de ce qui fonde tes éléments de bonheur, ce qui peut te rendre heureuse et la situation va devenir plus clair car elle se fondera sur toi et non sur des éléments extérieurs…
Et surtout ne pas avoir honte de ce qui nous constitue, nous construit : si tu as besoin à des moments difficiles ou âpres de ta vie de te sentir aimer et soutenue et bien c’est ainsi. Moi j’ai besoin d’aimer et d’être aimer, plus je baigne dans l’amour et plus je suis heureux je ne le prends pas comme une preuve d’une faiblesse coupable.
Je rajouterai un dernier élément, ne pas s’appliquer le principe du saumon ! C’est une formule imagée qui vient des méthodes de développement personnel : le saumon remonte le courant pour se reproduire et finit par mourir de l’effort entrepris. Par analogie beaucoup de gens s’épuisent à vouloir être ce qu’ils ne sont pas et remontent le courant en permanence, épuisés par ce combat ! Il faut aller dans le sens de son caractère et de sa personnalité, alors on glisse dans le courant, on avance plus vite et au moindre effort !
Tu écris que lorsque tu ressens un besoin affectif et que ton amant n’est pas là tu voudrais trouver ton indépendance (si je comprends bien) : que de complications, quel chemin de croix ! Il ne faut pas s’astreindre a des injonctions contradictoires du style « je souhaite être seule avec un style de vie indépendant mais j’ai besoin de me sentir appuyé dans la vie et de partager avec un compagnon souvent absent mais qui serait présent mais pas trop et réciproquement… »je grossi le trait à dessein et j’ai déjà moi-même fait ce genre de chose, je ne suis pas plus malin que les autres !
Mais je sais qu’à chaque fois que j’ai voulu tout et son contraire j’ai été fort malheureux !
Voilà, rien de plus que quelques expériences partagés car je n’ai pas le sentiment d’avoir la science infuse ou la vérité…
Bon courage à toi S.O.P
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Strega
le dimanche 18 janvier 2015 à 09h06
Bonjour S.O.P,
Quand je te lis, ça me rappelle beaucoup des moments que j'ai traversés.
Déjà je trouve que le réflexe d'écrire ici en un tel moment de blues est bon. Relire des textes comme celui de Corinne Monnet peut aider aussi. En tout cas moi cela m'a bien aidée en de tels moments.
Désapprendre la fusion, apprendre l'autonomie affective ça ne se fait pas en un jour, ni en 6 mois. Cela peut prendre du temps, des années, mais tu seras encouragée par la légèreté de plus en plus grande ressentie à mesure que tu te débarrasseras des schémas anciens. Les moments de blues se font aussi de moins en moins nombreux.
Et pour moi, l'expérience a montré que ces moments de blues passaient d'eux-mêmes, dès lors que j'acceptais qu'ils soient là, un peu comme un mal nécessaire, bref que je ne culpabilisais plus de n'être pas bien, ou de ressentir des relents de monogamie. Ne plus se battre contre ce que je ressentais a été une vraie clé. L'autre c'est d'en parler. De pas garder ça pour soi (non tu n'es pas obligée de tout gérer toute seule ! Moi j'ai tenté ça et franchement ça a été long et inutilement difficile). C'est ce que tu fais via le forum, donc tu es bien partie ;-)
Je t'encourage à en parler à ton "ours" aussi. Partager avec lui sur ces questions peut être vraiment libérateur et vous permettre de construire une belle complicité.
Quant au déséquilibre, oui ça peut jouer. N'avoir qu'un amoureux quand son amoureux en a plusieurs, c'est pas le schéma le plus facile. J'ai vécu ça un temps et c'est vrai que lorsqu'un second amoureux se pointe, il y a des choses qui se gèrent plus facilement. Et pas parce que tu as une épaule de plus sur laquelle te reposer. Mais parce qu'il y a un surplus d'amour et de légèreté dans ta vie qui te porte et te fait voir les choses différemment.
Donc mon conseil en résumé : ne cherche pas à éradiquer à tout prix cette dépendance, là tout de suite maintenant. Ca va venir, je te sens bien partie, aie confiance. Comme ça peut prendre du temps, sois bienveillante avec toi.
Si tu aimes le texte de Corinne Monet, je te conseille le livre dont il est issu Au-delà du personnel (le lien te permet de le télécharger gratuitement en PDF sur le site des éditions ACL). La contribution de Léo Vidal dans ce livre est également très intéressante...
Courage S.O.P !
Message modifié par son auteur il y a 8 ans.
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LuLutine
le dimanche 18 janvier 2015 à 19h01
Bonjour SOP,
Une chose qui n'a pas encore été dite et qui à moi m'a crevé les yeux tout de suite en te lisant (mais tu me diras si j'ai mal interprété) :
Lorsque tu as un coup de blues, ce n'est pas nécessairement à un(e) amoureux(se) que tu devrais t'en remettre pour t'aider et te soutenir.
Pourquoi un(e) amoureux(se) serait ta seule source d'affection et de soutien ?
Mon témoignage personnel : j'entretiens tout un réseau de relations affectives, pas toutes amoureuses (et certaines avec des gens exclusifs donc très clairement étiquetées "c'est de l'amitié et rien d'autre" !), et toutes ces relations sont des sources d'affection et de soutien.
D'ailleurs lorsque je ne vais pas bien, ce n'est pas nécessairement (voire en fait, plutôt rarement proportionnellement parlant !) un(e) amoureux(se) que j'appelle ou qui vient à moi (oui, parfois je ne prends pas les devants mais ce sont les autres qui viennent à moi).
Et je dirais même : parfois c'est mieux comme ça, car un(e) personne "seulement" ami(e) sera dans certains cas mieux placé(e) pour m'aider ou me soutenir.
Je mets "seulement" entre guillemets, car nombre de gens ont tendance à introduire une hiérarchie entre "l'amour" et "l'amitié" : ce n'est pas mon cas et il me semble que ça ne rime absolument à rien.
Etre poly (voire anarchiste relationnel(le) dans mon cas), c'est peut-être aussi déconstruire ça : l'idée qu'on n'est pas heureux(se), comblé(e) sans "l'amoûûûr" (entre guillemets aussi parce qu'en fait l'amitié est à mon sens une des formes de l'amour). On peut être célibataire (et même poly célibataire) et se sentir bien, équilibré dans un réseau affectif amical.
Du moins c'est ce que je pense.
En admettant tout ça, la question importante pour toi ne serait pas "Comment trouver d'autres relations amoureuses ?" mais plutôt "Quelles sont mes autres relations affectives, amicales, familiales et comment peuvent-elles me soutenir puisque je ne veux pas être dépendante d'une seule personne ?".
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S.O.P (invité)
le lundi 19 janvier 2015 à 23h54
bonsoir !
J'ai pris un peu de temps pour laisser passer tout ce coup de blues - après quoi je suis allée lire vos réponses , et merci chacune d'entre elle est éclairante à sa façon .
J'en ai profité pour voir des amis chers , passer une nuit dans un lit avec eux à discuter et à se faire des massages (chastes au possible les gars quand même) se faire remonter le moral comme ça , c'est vraiment la classe. D'autant plus que quand j'ai pu revoir l'amant en question j'étais en meilleur forme pour lui expliquer pourquoi cette semaine était bof. ça m'a paru beaucoup plus futile et lointain d'un coup !
Mais, afin d'être un peu plus claire je ne pense pas copier le choix de vie de mon amant-amoureux, même si il est vrai que par respect sans doute (et aussi par timidité des fois) je ne l'appelle pas si souvent pour lui demander du temps. Quoique pour moi se voir une fois par semaine même un après midi , juste 2h , une nuit ou deux jours de suite ça me parait énorme. Au contraire quand cette histoire m'est tombée dessus j'ai réalisé tant de choses à propos de l'autonomie et de la palette de sentiments beaux et légers qui s'offraient à moi que je l'ai même remercié - et je devrais pas dire ça mais quelque part c'était une super bouée de sauvetage.
"Désapprendre la fusion, apprendre l'autonomie affective ça ne se fait pas en un jour, ni en 6 mois. Cela peut prendre du temps, des années, mais tu seras encouragée par la légèreté de plus en plus grande ressentie à mesure que tu te débarrasseras des schémas anciens."
==> je suis contente de lire ça ! Des fois j'ai l'impression que je joue à un jeu vidéo, et j'ai super peur de mourir et de devoir retourner au dernier checkpoint - mais je vais suivre ton conseil Strega , sur le fait d'accepter ces relents de tristesse monogame. C'est dur des fois quand tout autour de moi je vois pleins de couples complètement accros à leur sécurité affective mais c'est peut être aussi que je vois chez eux ce que j'aimerai être/ou ne plus être chez moi. Ca parait aussi schizophrénique mais parfois j'ai l'impression que le problème n'est pas tant de repousser violemment ce qu'on ne veut pas parce que c'est plus complexe que ça , les attachements de ce type.
Je ne suis pas tant d'accord avec ce que tu dis centaure77, ce ne sont pas tellement des chemins de croix ou des complications, ou alors oui mais peut être que je me suis mal exprimée dans mon premier message : je trouve cela normal et je l'assume pleinement parce que je crois (et j'espère bordel!) que ça me mènera vers une liberté tout autre . Et potentiellement que après ça c'est possible d'avoir une relation de "couple" saine.
Ou pas parce que je ne sais pas ou vont les anarchistes relationaux ;-)) après cette expérimentation. ça m'intéresse de savoir, à propos.
Par contre c'est très difficile pour moi de parler de ça avec l'ours en question . C'est pas tellement un ours aussi ,c'est plus quelqu'un d'aussi coincé que moi dans l'expression de sentiments un peu particulier. on a mis un temps incroyablement long à se dire qu'on comptait beaucoup l'un pour l'autre et ça à pris des chemins pas possible même dans l'expression de ces "simples" sentiments.
Encore une fois je vous remercie pour le soutien très précis et les conseils précieux.
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S.O.P (invité)
le mardi 20 janvier 2015 à 01h14
=> je tenais à repréciser juste par rapport à ma phrase "Ou pas parce que je ne sais pas ou vont les anarchistes relationaux ;-)) après cette expérimentation. ça m'intéresse de savoir, à propos."
Je me suis très mal exprimée et je tenais à le dire avant toute confusion possible.
Bien évidemment il n'y a pas forcément d'avant et d'après ce genre d'expérimentation , uniquement des choses qui changent selon le temps, les personnes qu'on rencontre, etc.
Je me repens aussi sur le fait que éventuellement gérer la dépendance affective peut être un moyen de gérer une relation de couple et la rendre plus "saine". Je préfère dire "sereine" , et puis je pense aussi que dans le cas du PA les moyens sont la fin, les fins sont le moyen , bref ... pas de hiérarchie , de finitude ou de vérité / contre - vérité la dedans.
Voilà :-)