Illustration : Rachels_Secret
(CC By)
Introduction
Dans notre culture, nous avons tendance à supposer que les gens sont monogames. On a généralement des relations avec seulement une personne à la fois ; ceux qui ont des relations avec plus d’une personne sont supposés sans attaches et démultipliant les rendez-vous, ou comme des tricheurs. Mais il existe une troisième alternative. Le polyamour est un style de vie dans lequel une personne peut avoir plus d’une relation romantique à la fois, avec le consentement et l'enthousiasme exprimé pour ce choix par chacune des personnes impliquées.
Le polyamour est distingué de l'infidélité par une communication honnête entre les personnes et les partenaires, au sujet de l'existence de chacune de ces relations dans leurs vies (Hymer et Rubin, 1982).
Le champ de la psychologie connaît peu de choses concernant le polyamour. Nos manuels sur le fonctionnement familial ne le mentionnent pas, la diversité de notre littérature ne l’inclut pas et beaucoup de membres de la communauté polyamoureuse ont rapporté des rencontres avec des thérapeutes, qui au mieux ne sont pas informés de ce style de vie, ou au pire ont des préjugés à son sujet. En tant que femme polyamoureuse, également professionnelle de la psychologie, je me trouve en position d’essayer de diminuer cette distance entre la communauté polyamoureuse et la profession de psychologue. Ce rapport aspire à fournir aux professionnels de la psychologie une introduction générale aux styles de vie et aux aspirations des individus polyamoureux. On espère que cela augmentera la compréhension des professionnels vis-à-vis des polyamoureux , et la capacité à offrir un service approprié à cette clientèle.
Je commencerai ce rapport en décrivant les trois variétés principales de polyamour, et les bienfaits que les individus polyamoureux retirent de ce style de vie ; je suivrai par quelques données démographiques sur la fréquence du polyamour dans notre culture. Ensuite, je présenterai un résumé des études de recherche qui ont été conduites sur le polyamour jusqu'à présent. Les avis des thérapeutes sur la question seront examinés, puis des données empiriques sur la psychologie et le fonctionnement interpersonnel d'individus polyamoureux sera présenté. Une brève perspective multiculturelle sera également incluse.
Ensuite, je décrirai certaines des préoccupations que seuls des individus polyamoureux peuvent amener en thérapie. La position de ce rapport est la suivante: le polyamour est un style de vie valable et sain; cependant, de même qu'il existe des éléments stresseurs associés au fait d’être gay ou bisexuel dans une société hétérosexuelle, il existe des stresseurs associés au fait d’être polyamoureux dans une société monogame.
La section finale de ce rapport suggérera des manières dont un thérapeute polyamoro-conscient peut aider un client polyamoureux à affronter avec succès ces stresseurs. Il devrait bien sûr être noté que des individus polyamoureux peuvent entamer une thérapie pour des raisons qui n'ont aucun rapport avec leur style de vie en soi; cependant, la connaissance que leur thérapeute en a leur sera d’un grand soutien et rendra le rapport thérapeutique plus fructueux dans l'ensemble.
Types de polyamour
Il y a trois variétés principales de polyamour. Dans le premier, "une relation prend le pas sur d'autres," comme dans une relation qui permet aux partenaires d'inclure des amants extérieurs (D. Corbett, communication personnelle, 3/17/99). On voit les liens avec les amants extérieurs comme une source de joie supplémentaire et un enrichissement dans les vies des partenaires (Peabody, 1982). L’idée est présente, que "le sexe et l'amour sont indépendants et le sexe devrait être pratiqué pour lui-même" (Ramey, 1975, p. 518). Le couple originel envisage sa relation comme leur lien « primaire" et c'est la relation à laquelle chacun consacre la plupart de son temps, de son énergie et de sa loyauté. Les liens émotionnels avec les autres amants peuvent être proches ou occasionnels, mais ils ne sont pas aussi forts que le lien entre les partenaires d’origine. Un sous-type en est la relation 'se balançant', dans laquelle deux ou plusieurs couples 'échangent' les partenaires pour une période limitée, dans des circonstances strictement définies. Un autre sous-type est ' la relation ouverte, ' dans laquelle le lien avec un partenaire secondaire n’a aucune obligation d’arriver simultanément avec un lien chez l'autre.
Le type suivant de relation polyamoureuse est celui dans laquelle deux ou plus de relations sont de poids comparables, mais où les partenaires de la personne n'ont pas de relation forte entre elles. (D. Corbett, communication personnelle, 3/17/99). On considère chacune de ces relations comme ayant de l'importance dans la vie de la personne ; un temps et une énergie significatifs sont consacrés à chacun.
Le troisième type de relation polyamoureuse est la poly-famille : "une corrélation de 3 ou plus de personnes, dans laquelle il y a un engagement relationnel fort entre tous les membres (qui peut ou peut ne pas inclure le sexe)" (D. Corbett, communication personnelle, 3/17/99). Les membres passent du temps ensemble en tant que groupe et le bien-être de chacun est une priorité importante pour chacun des autres.
Ce n'est pas une liste complète des possibles configurations du polyamour, mais les modèles principaux sur la base desquels des relations spécifiques sont typiquement négociées. Ce que ces relations ont en commun est le rejet de l'attente qu'un seul partenaire puisse combler les besoins émotionnels, sociaux, sexuels, économiques et intellectuels (Peabody, 1982, p. 428).
Le polyamour est vu comme un facteur augmentant tant la croissance personnelle qu'interpersonnelle, comme des associations plus proches, formées avec des gens qui ont une large variété de traits de personnalité et de points forts personnels.
Les bénéfices du polyamour
Il y a beaucoup d'avantages retirés de ce style de vie par les gens polyamoureux. Beaucoup y trouvent la joie de la découverte, en ayant des relations proches à la fois sur les plans sexuels et émotionnels avec de multiples partenaires ou amants. Le couple qui décide d'ouvrir sa relation pour y inclure d'autres est souvent fortement sécurisé dans la force de son lien de partenariat ; de même, l'accueil des occasions de croissance personnelle, venant de proches relations avec des personnes nouvelles et diverses.
Des familles polyamoureuses dans lesquelles les associés vivent ensemble, retirent tous les avantages de l’intendance, qui inclut plus de personnes pour partager des tâches ménagères, prendre soin des enfants et payer le loyer. Le coût de la vie par personne diminue, quand il y a un nombre plus grand de personnes unissant leurs revenus et leurs énergies, et partagent des ressources entre eux.
Ramey (1975) note les éléments positifs suivants: liberté personnelle accrue; profondeur plus grande des relations sociales; potentiel pour une exploration sexuelle au sein d’un arrangement neutre; renforcement des liens conjugaux; sentiment d’être désiré; sentiment d'appartenance; camaraderie supplémentaire; prise de conscience de soi-même accrue; variété intellectuelle; et opportunité que de nouveaux aspects de la personnalité apparaissent, en étant en contact avec plus de personnes.
À cette liste j'ajouterais deux éléments supplémentaires. D’abord, les polyamoureux ont tendance à gagner en aisance concernant l’expression de leurs besoins, et la négociation de dispositions satisfaisantes pour tout. La capacité à prendre en compte ce qui se passe entre les membres d'un groupe est considérée comme une aptitude de choix par les psychologues. Deuxièmement, la communauté polyamoureuse a une attitude positive envers le sexe, ce qui signifie qu’on y affirme la beauté et le bonheur d'une foule de formes de partage sexuel entre des adultes consentants. Dans la communauté polyamoureuse, une acceptation considérable est de mise envers la bisexualité, les transgendres et d'autres styles de vie alternatifs.
Malgré la perception par la communauté polyamoureuse de ce style de vie comme source de beaucoup d'avantages, cette vision est souvent contestée par d'autres. Les gens en relation polyamoureuse font face à la désapprobation sociale, et la même discrimination légale que celle expérimentée par les membres des communautés lesbienne, gay et bisexuelle (Peabody, 1982).
Récemment on a entendu parler d’un cas légal, dans lequel un jeune enfant a été retiré à un ménage polyamoureux après que ses grands-parents en aient réclamé la garde, en raison du fait que l'environnement domestique était immoral selon la Bible. Aucune évidence de mauvais traitements de négligence n'a été découverte, et les professionnels de la santé mentale ont constaté que l'enfant allait bien, mais la famille de l'enfant a du encore se battre en justice pour le retrouver; et même alors, l'enfant a été rendu seulement parce qu'un des trois parents déménageait (le Nuage, 1999).
Données démographiques concernant le polyamour
Alors que les relations polyamoureuses ouvertes sont relativement rares (Rubin, 1982), on s'aperçoit que les relations mettant en jeu un compromis polyamoureux sont en fait plutôt fréquentes. Blumstein et Schwarz (1983, cités dans Rubin & Adams, 1986) ont remarqué que parmi les 3 574 couples mariés de leur échantillon, 15 à 28 pour cent en avaient une conception qui permettait la non-monogamie dans certaines situations.Les pourcentages sont plus élevés parmi les couples qui vivent ensemble (28%), les couples de lesbiennes (29%) et les couples gay masculins (65%)". (p.312)
Comment les thérapeutes voient le polyamour
Clairement, un phénomène si répandu est important à appréhender pour des professionnels en santé mentale . Il y a conscience de l'existence de la communauté polyamoureuse, cependant les thérapeutes ne sont pas bien informés de leurs styles de vie et de leurs besoins. Les individus polyamoureux estiment que cela limite leurs possibilités d'accès à des prestations de qualité en matière de santé mentale ( Roman, Charles et Karasu, 1978). Quelques personnes polyamoureuses signalent une réticence à entamer une thérapie en raison de la crainte d'un préjugé. D'autres pensent nécessaire d'utiliser de coûteuses sessions de thérapie pour instruire leurs thérapeutes de ce qu'est le polyamour, et les convaincre qu'un style de vie polyamoureux n'est en soi plus pathologique que, disons, un style de vie gay.
Les manuels parlant du "fonctionnement de famille normal" n'incluent pas de références aux styles de vie polyamoureux et cela contribue encore plus à l'ignorance en matière de polyamour , chez les thérapeutes de la ligne du courant dominant. Hymer et Rubin (1982) ont conduit une étude dans laquelle on a demandé aux thérapeutes d'imaginer le profil psychologique d'une personne polyamoureuse typique.
24 % de ces thérapeutes ont imaginé que des individus polyamoureux craignaient l'engagement ou l'intimité, 15 % ont imaginé qu'ils vivaient des mariages où ils ne s'épanouissaient pas, et 7 % ont formulé l'hypothèse qu'ils pourraient avoir des problèmes d'identité. Dans une autre étude, Knapp (1975) a constaté que 33 % de son échantillon de thérapeutes ont cru que les gens qui recherchaient un style de vie polyamoureux souffrait de désordres de la personnalité et de tendances névrotiques, et 20 % ont suggéré que de telles personnes pouvaient avoir des personnalités antisociales. 9-17 % des thérapeutes ont déclaré qu'ils utiliseraient leurs compétences professionnelles pour essayer d'amener ces clients à abandonner des mariages sexuellement libres" (p.509).
Comme cette étude le montre, le client polyamoureux qui recherche la thérapie "est souvent stigmatisé et pénalisé par le même système de services humains, à l'origine mis en place pour l'aider dans de telles crises" (Sussman, 1974, cité dans Roman et al.1978, p.409). Knapp (1975) a constaté que des thérapeutes considéraient comme plus "normaux" les gens impliqués dans des histoires extra-maritales secrètes, que ceux qui communiquaient honnêtement avec leurs partenaires au sujet de leurs autres relations.
Ces thérapeutes ont des positions qu'ils ne cachent pas à leurs clients polyamoureux. Rubin et Adams (1978, cité dans Hymer et Rubin, 1982) ont constaté que "parmi ces clients qui avaient un mariage sexuellement libre et qui avaient recherché la thérapie", 27 % ont indiqué que "leurs médecins ne les soutenaient pas dans leur relation non-monogame" (p.533). Parfois, cette désapprobation était exprimée de façon manifeste, et parfois de manière plus secrète. Bien que tous les thérapeutes n'aient pas démontré de telles préventions, assez l'ont fait pour que beaucoup de clients soient devenus circonspects dans leurs recherches de services en santé mentale.
Knapp (1975, cité dans Hymer et Rubin, 1982) a noté que "les trois craintes les plus grandes face aux clients de style de vie alternatifs éventuels étaient : la condamnation de leur style de vie par les thérapeutes, les pressions exercées pour retourner à une forme 'plus saine' de mariage et d'être diagnostiqué en termes de psychopathologie" (p. 533). Le portrait clinique que quelques thérapeutes ont fait de clients polyamoureux est plutôt négatif. Est-il en fait réaliste ? La suite de cette présentation envisage la question de savoir si la vision négative des individus polyamoureux, que quelques thérapeutes ont exprimée, est soutenue par des données empiriques.
Que sait-on du fonctionnement psychologique et social des individus polyamoureux ?
En 1976, Knapp a administré une batterie de tests psychologiques standardisés à un échantillon de couples polyamoureux (Peabody, 1982). Aucune différence significative n'a été trouvée entre les couples de son échantillon et les normes générales de population. "C'est-à-dire qu'aucun groupe n'était particulièrement névrosé, immature, de mœurs légères, inadapté, pathologique, ou sexuellement inadéquat... Les modèles de réponse ont suggéré un type modal d'individu vivant le mariage sexuellement libre, individualiste, performant au niveau universitaire, créatif, non conformiste, stimulé par la complexité et le chaos, inventif, relativement non conventionnel et indifférent au qu'en dira-t-on, très attaché à ses valeurs personnelles propres et aux systèmes éthiques, recherchant la prise de risques pour explorer les possibilités" ( p. 429). Watson (1981, cité dans Rubin, 1982) a appliqué le California Psychological Inventory (Gough, 1957) à 38 individus sexuellement ouverts et ces sujets ont aussi montré des scores dans des limites normales.
Un travail supplémentaire a été mené concernant l'entente matrimoniale. Buunk (1980, cité dans Rubin, 1982) a constaté que les couples en mariages libres aux Pays-Bas étaient normaux en termes de satisfaction au sujet du mariage, du respect de soi et de névrose. Le Dyadic Adjustment Scale de Spanier (1976) a été utilisé pour comparer des couples sexuellement ouverts avec des sexuellement exclusifs (Rubin, 1982) et aucune différence entre les deux groupes n'a été trouvée, concernant l'entente ou le bonheur . "Rien dans ces données ne donne raison quant au point de vue que l'ouverture sexuelle ou l'exclusivité, en elles-mêmes et d'elles-mêmes, amènent une différence dans l'entente générale d'un couple marié" (p. 107).
Une étude suivante (Rubin et Adams, 1986) a constaté qu'après plusieurs années, il n'y avait aucune différence significative dans la stabilité matrimoniale (c'est-à-dire rompre ou cesser de vivre sous le même toit) entre ces couples qui avaient été polyamoureux et ceux dont les mariages avaient été exclusifs. De semblables proportions de chaque groupe ont rapporté le bonheur et son absence, en comparaison à l'échantillon précédent. De plus, "les raisons données pour la dissolution du mariage n'ont presque jamais été attribuées au sexe hors-mariage" (p. 318). Quand des relations polyamoureuses se sont achevées, les raisons communes données sont l'éloignement l'un de l'autre de par des intérêts généraux, le sentiment d'avoir d'inégaux niveaux d'attirance l'un pour l'autre, et la gestion des tensions dues à la longue-distance" (Ramey, 1975).
Une autre étude (Peabody, 1982) a constaté que la plupart des personnes interrogées exprime de la satisfaction au sujet de leur relation primaire, et voient les rapports sexuels de leur partenaire avec d'autres personnes de manière positive. Il a été mis en évidence que les individus polyamoureux avaient des rapports sexuels légèrement moins fréquents que la moyenne nationale, mettant l'accent sur les activités sociales, la chaleur humaine et la communication ouverte. L'accent est mis de manière continue sur la chaleur, l'acceptation, la communication et l'amitié avec la liberté de toucher, caresser et d'avoir le choix d'une activité sexuelle éventuelle (p 429).
Comme cette étude le montre, "les styles de vie alternatifs choisis par des individus ne sont pas nécessairement la cause, ni le fait de personnalités malsaines; dans la réalité, le comportement au style de vie alternatif peut être positif pour la santé psychologique des individus" (Peabody, 1982, 426,434). Ainsi, les thérapeutes ne devraient pas supposer que le polyamour est inadapté, ou que les gens en unions polyamoureuses amélioreraient leurs relations en en changeant pour un style monogame traditionnel. Les thérapeutes qui maintiennent que cette monogamie est en soi préférable au polyamour peuvent refléter leurs préventions culturelles propres, au lieu de prendre en considération la meilleure alternative pour les besoins individuels de leur client.
Dans beaucoup de cultures, le polyamour est la norme et beaucoup d'avantages de ce style de vie ont été mis en évidence. Par exemple, au Nigeria, il est dit que "le partage de responsabilités entre membres peut énormément répartir le fardeau, financier ou autre, pour ce qui est de prendre soin des membres qui présentent des problèmes" (Makanjuola, 1987, p. 366). Au Vénézuela, les femmes Yanomamo qui choisissent un style de vie polygyne n'ont pas à travailler aussi longtemps au ménage et tâches propres à l'éducation des enfants que leurs sœurs monogames, en raison de la coopération entre des co-épouses (Hames, 1996).
Dans l'ensemble, beaucoup de personnes polyamoureuses "sont dans des relations primaires relativement stables et ne semblent pas être motivées par des besoins dictés par la névrose ou pathologiques." (Peabody, 1982, p.430). Maintenant, le style de vie polyamoureux, bien que n'étant pas en soi pathologique, peut présenter quelques défis uniques. La section suivante de cette présentation décrira certains des soucis spécifiques de ce style de vie, que des individus polyamoureux peuvent amener en thérapie, et pour lesquels les thérapeutes peuvent représenter une aide (voir aussi l'Appendice A). Il devrait être rappelé, bien sûr, que des individus polyamoureux cherchent souvent à entrer en thérapie pour des raisons qui n'ont aucun rapport avec leur style de vie en soi.
Les préoccupations spécifiques des individus polyamoureux, au sujet desquelles les thérapeutes peuvent être un soutien.
Un défi que les individus polyamoureux doivent relever est l'étiquette de déviance (Knapp, 1975; Mann, 1975). Les membres de quelques religions conservatrices peuvent les frapper d’ostracisme et (comme dans l'exemple de la triade dont la garde de la fille a été retirée) ils sont soumis à la discrimination légale. Typiquement, des unions polyamoureuses ne sont pas reconnues par l'église ou l'état , ni par les assurances-maladie conjugales, qui ne sont pas disponibles pour le cotisant non-marié. Beaucoup de discriminations que les gays affrontent, se révèlent identiques à l’égard de la communauté polyamoureuse (Browning, Reynolds et Zworykin, 1991).
Souvent, des individus polyamoureux ne veulent pas révéler leurs relations multiples aux étrangers, car ils perçoivent la non-acceptation de leur style de vie par une majeure partie de la société (Peabody, 1982). Même la proche famille peut être exclue de cette information (Ziskin et Ziskin, 1975). Une étude par Watson et Watson (1982) a constaté que tandis que 75 % des personnes polyamoureuses interrogées souhaitaient que leurs enfants connaissent leur style de vie, seuls 21 % avaient en réalité informé leurs enfants de la pleine mesure de leurs engagements envers des partenaires. « Certains font participer leurs enfants aux associations secondaires et indiquent qu'ils aimeraient en produire une alternative de modèle pour leurs enfants. D'autres parents estiment que le partage de leur style de vie bouleverserait leurs enfants, ou ne serait pas compris, ou serait partagé ouvertement avec les voisins et les camarades d’école (p.54).
Beaucoup de tensions accompagnent le fait de garder de si grands et si important secrets (Browning et alii, 1991). Il y a la crainte de la découverte, à éviter par les gens qui pourraient désapprouver. Il y a le stress qui survient de par le manque de reconnaissance du partenaire : par exemple, quand il n'est pas invité en réunions de famille et aux fêtes de bureau, il peut se sentir exclu et dévalorisé. Si l'individu polyamoureux a des enfants qui ne sont pas conscients du partenariat, il faut prévoir du temps et un endroit pour se rencontrer en privé, plutôt que dans le confort de sa maison. Des individus polyamoureux peuvent rechercher la thérapie pour apprendre à faire face à ces stresseurs.
Quand la relation n'est pas gardée secrète, les polyamoureux estiment souvent qu'ils doivent prouver à autrui que leur style de vie est viable (Falco, 1995). Quand des relations polyamoureuses se terminent, il est souvent supposé par des personnes extérieures que c’est la structure de relation qui en est responsable, alors qu’en fait nombre d'autres facteurs pourraient être à l’origine de la séparation. Peu de gens penseraient à demander si la dissolution d'un couple monogame est la conséquence du choix du couple de la monogamie comme style de vie. Un thérapeute polyamoro-conscient peut représenter un aide, en confortant le client dans le fait qu’il ne laisse pas tomber la communauté polyamoureuse à travers la fin de la relation, et en l'aidant à retrouver courage pour poursuivre ce type de lien s'il le choisissaient à nouveau. Les membres de couples monogames cherchent parfois l'aide de conseillers conjugaux dans la négociation des accords et des frontières de leur relation; et l'appui d'un thérapeute conjugal polyamoro-conscient peut être particulièrement avantageux pour les partenaires polyamoureux (Ramey, 1975; Ziskin et Ziskin, 1975). D'abord, il y a peu de modèles sociaux pour structurer une relation polyamoureuse et donc des associés polyamoureux se trouvent souvent à cartographier de nouveaux territoires, comme ils cherchent des façons de répondre aux besoins de tous ceux qui sont impliqués. Deuxièmement, c'est une question encore plus compliquée d'équilibrer les besoins d'individus multiples, que d'accepter des compromis entre les membres d’un couple, et l'aide d'un médiateur expérimenté pourrait donc faciliter le processus.
Il y a plusieurs questions sur lesquelles des partenaires polyamoureux sont généralement en pourparlers (Ramey, 1975). L’une est l'introduction de nouveaux amants et associés. Est-ce que les nouvelles relations sont soumises à l'approbation des partenaires existants ? Des restrictions sont-elles placées sur la nouvelle relation, comme des limites sur le temps qui peut être passé ensemble, ou certaines pratiques sexuelles sont-elles réservées pour le couple originel? La chambre à coucher partagée par le couple de longue date peut-elle être utilisée pour le temps passé avec de nouveaux partenaires ? La nouvelle relation deviendra-t-elle jamais égale en statut à celle pré-existante, ou est-il attendu que celle-ci reste principale ? Les personnes extérieures doivent-elles être informées de l'existence de la relation supplémentaire (Knapp, 1975) ?
Un autre domaine est la communication (Ramey, 1975; Ziskin et Ziskin, 1075). Le nouveau partenaire est-il censé fréquenter les pré-existants, ou les relations sont-elles gardées séparées ? Un individu fait-il savoir à ses partenaires quand il voit le nouveau venu, ou la discrétion est-elle préférée ? Tous les membres discutent-ils ensemble comme un groupe, ou y a-t-il des conflits traités en couple ?
Un troisième secteur de négociations est le partage de tâches et des dépenses (Ramey, 1975). Les sommes d'argent et les biens sont-ils unis pour l'utilisation en groupe, ou traités individuellement? Comment les devoirs de protection de l'enfance et le ménage sont-ils répartis ?
Un thérapeute bien informé peut aussi aider un couple qui cherche à savoir d'abord si le style de vie polyamoureux est un juste choix pour eux (Peabody, 1982). Le médecin peut aider le couple à considérer comment ils feront face à des questions comme la jalousie, la discrimination, fondant des règles du jeu, empêchant des maladies sexuellement transmissibles et des grossesses potentielles (Ziskin et Ziskin, 1975). Quand un des partenaires du couple souhaite introduire le polyamour dans la relation, le thérapeute peut les aider à décider comment aborder le sujet, dans la préparation pour les réponses que l'associé pourrait avoir. Un thérapeute peut aussi aider les personnes qui sont dans une relation polyamoureuse perturbée et ont à décider s'il faut continuer dans cette voie, et faire face à leurs sentiments de regret et de perte cas échéant.
Un thérapeute peut aiguiller des clients polyamoureux vers des groupes d'appui de polyamour, et des ressources dans leur secteur (voir l'Appendice B). La communauté polyamoureuse est géographiquement dispersée et n'a pas la même visibilité que d'autres sous-cultures, comme la communauté gay. Dans de grandes villes, il peut y avoir des réunions régulières entre amis, et de temps en temps des conférences régionales, mais on doit savoir où regarder pour les trouver (Rubin, 1982). À la fin des années 1990, la communauté polyamoureuse était reliée principalement par Internet. Des pages web fournissaient des indications sur des réunions locales entre amis, forums et chatrooms consacrés aux questions polyamoureuses. La communauté polyamoureuse se recoupe également de manière significative avec d'autres sous-cultures dans lesquelles des styles de vie alternatifs sont acceptés, comme les communautés lesbienne, gay et bisexuelle. et les sites du style « Second Life ». Les lieux de ces sous-cultures fournissent des occasions supplémentaires pour le réseautage de la communauté polyamoureuse. Les indications sur la communauté polyamoureuse peuvent en général être une source énorme d'appui pour ceux qui se rallient au polyamour.
Recherches futures et conclusions
Le pas suivant intervenant dans ce domaine de recherche doit fournir aux praticiens de santé mentale une image plus complète des vies et des besoins des individus polyamoureux . Comme la plupart du corpus de recherche existant sur la communauté polyamoureuse a été conduit il y a 15-25 ans, il est important de rassembler des informations reflétant la communauté actuelle. Cela pourrait être facilité par une étude qualitative dans laquelle des individus polyamoureux sont interviewés soigneusement, pour qu'ils puissent transmettre aux thérapeutes dans leurs propres mots ce que sont aujourd'hui leurs styles de vie et leurs besoins.
Les sujets d'entretien pourraient inclure : la langue que les individus polyamoureux utilisent pour décrire leurs relations; la structure de leurs relations; et comment faire le rapprochement avec la culture monogame dominante. Il serait aussi important de demander les raisons pour lesquelles ils pourraient chercher la thérapie pour les aiguiller: quels attributs sont préférés dans un thérapeute; à quoi leurs expériences de thérapie ont ressemblé; et ce qu'ils pensent que les médecins devraient savoir du polyamour.
On espère que cet article a fourni une vue un peu plus large et plus perspicacité au sujet des styles de vie et des questions de santé mentale des individus polyamoureux. Clairement, le champ de recherche en polyamour est fertile ; il recèle beaucoup d'occasions - et rencontrant beaucoup de besoins - concernant la recherche continue et la prise de conscience.
Références
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Appendice A - Manières dont les thérapeutes peuvent aider les individus polyamoureux et partenaires
- aider un partenaire à décider de la manière d'amener devant un autre partenaire l'idée de devenir polyamoureux
- aider des partenaires à décider si le polyamour est juste pour eux
- aider des partenaires à décider quelle forme de polyamour est la meilleure pour eux
- aider des partenaires à négocier les accords et les frontières de leur relation
- aider des individus polyamoureux à localiser des communautés polyamoureuses dans leur région
- leur indiquer des ressources comme des articles et des livres
- aider des individus polyamoureux à s'approcher du processus du "coming out"
- aider des individus polyamoureux à faire face et à combattre la discrimination
- aider des partenaires polyamoureux en relation perturbée à négocier des solutions
- la levée de la conscience sociale du polyamour et combattre les stéréotypes et les préjugés
- changements d’expressions concernant les formulations (c'est-à-dire "le nom de partenaire(s)," pas "le nom de conjoint")
- noter dans les brochures des centres de conseil que le polyamour est compris / accepté
- apprendre plus de leur propre chef concernant les questions polyamoureuses, par l'utilisation des ressources listées ci-dessous
- remanier les manuels sur la psychologie familiale pour y inclure un chapitre sur le polyamour
Appendice B - Ressources Polyamour
Note des traducteurs : l'article original liste des liens vers des sites d'informations, des listes de diffusion etc. (tous en anglais) et entre autres un lien vers un annuaire de professionels de psychologie, de juristes, etc. qui sont "poly-friendly": http://www.polychromatic.com/pfp/.
Mise à jour (juin 2010) : le texte original en anglais a été mis à jour et combiné avec le travail d'autres auteurs en septembre 2009 pour donner lieu à un nouveau texte disponible en PDF.
Traduit de l'anglais de l'article "What Psychology Professionals Should Know About Polyamory" (présenté à la 8ème conférence annuelle pour la diversité, le 12 mars 1999 à Albany, New York, États-Unis) avec l'aimable autorisation de l'auteur, Geri D. Weitzman, diplômée (PhD) en psychologie, par LuLutine, Sam et Clémentine de polyamour.info.