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Retour vers la solitude

(Hors sujet)
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Alabama

le vendredi 07 mars 2025 à 16h16

Depuis environ un an, j'explore le thème de la solitude, qu'elle soit subie, douloureuse, honteuse ou choisie, ressourçante, introspective, plaisante.

Je trouve que c'est un sujet dont on parle finalement assez peu de manière frontale, même s'il est présent en filigrane. Beaucoup de gens cherchent "l'Amour"* pour échapper à la solitude, d'autres se noient dans le travail, tandis que d'autres la recherchent en partant voyager seul·e·s ou en se retirant dans un monastère (ceci dit la vie en communauté religieuse n'est pas vraiment solitaire, je mets ça ici car c'est un peu dans les clichés collectifs).

Ma relation avec la solitude, c'est un peu "je t'aime moi non plus".
J'en ai besoin, je la recherche à plein de moments, et quand je suis seule, je fuis sur les écrans, et avant les écrans c'était les livres.
Je réalise qu'il est très difficile de rester vraiment en lien avec soi-même, pour de vrai. Être seul·e matériellement ne suffit pas à être seul·e avec soi-même.

C'est quelque chose que j'explore, d'abord parce que je n'avais pas le choix. Mon sentiment d'isolement est présent depuis plusieurs années, pour des raisons matérielles (je suis maman solo), mais aussi depuis bien plus longtemps encore, pour des raisons beaucoup plus existentielles. Mon sentiment profond d'être seul·e, unique au sens positif (personne n'est moi et c'est une richesse) comme négatif ( personne ne pourra jamais savoir ce que c'est que d'être moi et je ne pourrai jamais savoir ce que c'est que d'être un·e autre) s'est imposé à moi à l'adolescence, comme j'imagine pour beaucoup d'entre nous.

Cela a été surtout une découverte difficile et triste, dure à accepter (l'accepte t'on jamais vraiment ? n'est-ce pas ce refus de la solitude qui nous pousse à rencontrer nos semblables ? avec l'espoir d'être accueilli·e, compris·e, soutenu·e ?).

Bien que j'ai pensé toute ma vie que j'étais à l'aise avec mes moments de solitude choisie, je découvre aujourd'hui, en étant plus attentive à mes mécanismes de fuite, que je ne le suis pas tant que ça, et que c'est finalement tout un travail que de s'approcher le plus possible de la véritable solitude.
J'ai tendance à relier la solitude à une forme d'acceptation de soi radicale, ou d'acceptation radicale du moment présent. Je peux dire que j'ai des bribes de véritable solitude, des moments où je peux atteindre cet endroit de paix intérieure, d'absence de fuite, mais à ce jour, cela reste un travail de vigilance consciente pour y parvenir.

Pour m'y aider, je me suis lancée dans la lecture de pas mal de livres sur le sujet, je vous en mets les références ici car ça peut en intéresser d'autres :
- Les nouvelles solitudes de Marie-France Hirigoyen
Je l'ai trouvé intéressant car elle étudie comment les avancées féministes ont accentué la solitude des femmes et des hommes, pour des raisons différentes. Je ne l'ai pas beaucoup aimé car je trouve qu'elle fait des affirmations et des interprétations sans vraiment se baser sur des sources solides. Par exemple elle parle du comportement des hommes en partant de ce que disent ses patientes femmes en séance (elle est psy). Autant je suis féministe, autant ça ne me paraît pas très sérieux de procéder de cette façon pour avancer un point de vue étayé.

- Psychologie de la solitude de Gérard Macqueron
Plus scientifique, il explique les différences entre une solitude liée à des conditions matérielles et une solitude liée à des blocages intérieurs, des croyances et un cercle vicieux. En deuxième partie du bouquin, il y a tout un "protocole" pour sortir de la solitude. Issus des TCC, c'est très pragamatique, bienveillant, et j'ai trouvé les explications données pour être plus sociables super intéressantes. Cependant, ce livre n'explore pas du tout la dimension spirituelle d'une solitude qui serait choisie et voulue.

J'en ai encore d'autres mais ne les ayant pas encore lus je les ajouterai par la suite.

Voilà c'est un sujet qui me passionne en ce moment, et qui me semble inépuisable. Je me demandais comment vous vivez, vous, la solitude ? Comment vous équilibrez sociabilité/solitude ? Vous arrive t'il de souffrir du sentiment de solitude ? Ou au contraire est-ce un refuge pour fuir le contact avec les autres ? Et comment cela s'articule avec vos différentes relations amicales/amoureuses/familiales... ?

*Amour avec un grand A, au sens classique et Disney du terme

Message modifié par son auteur il y a 6 mois.

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De passage (invité)

le dimanche 09 mars 2025 à 18h27

La solitude pour moi est un refuge. J'exerce une activité professionnelle particulière qui m'oblige à des interactions quotidiennes avec des personnes en grandes difficultés sociales. En grande précarité. Ces personnes comptent sur moi. Elles comptent pour moi. Je culpabilise parfois de ne pas pouvoir les aider plus que je ne le fais. Donc j'ai besoin de m'isoler. Et puis beaucoup de préoccupations des autres me semblent tellement accesoires. L'amour notamment n'est pas pour moi une préoccupation essentielle. Elle me semble même assez dérisoire. Et j'ai du mal à comprendre ceux et celles pour qui cela est essentiel. Je préfère me consacrer à plein de gens plutôt qu'à une seule. La solitude me permet également de choisir ma vie sans faire de concession. Mais ma solitude est relative, je ne suis seul avec mes pensées que le soir. J'aime cette solitude relative. Elle me protège.

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Robje

le dimanche 09 mars 2025 à 22h47

La solitude m’est nécessaire, mais elle n’est pas toujours un choix. Parfois, elle s’impose à moi, me pèse comme un fardeau que je ne peux repousser. Elle me fait mal, m’isole dans un silence lourd et pesant où je me perds. Quand elle devient trop présente, je cherche à fuir cette douleur qu’elle provoque, mais elle revient toujours, plus imposante. Cependant, il arrive que je la cherche, non pas pour la fuir, mais pour qu’elle m’aide à poser des mots sur mes douleurs, pour comprendre ce qui me traverse, pour trouver un sens dans le chaos.

Depuis les confinements de la Covid, cet équilibre s’est brisé. La dépression m’a pris, m’a enfermé. Des traumatismes enfouis ont ressurgi, menaçant de m’engloutir. J’ai eu peur de ne jamais m’en sortir. Il y a eu des rencontres. Elles m’ont sauvé, en partie. Elles m’ont rappelé que je respirais, que mon cœur battait encore.

Mais dans le chaos, c’est aussi elle qui m’a permis de m’arrêter et de respirer. Elle ne m’a pas sauvé seule, mais elle a fait partie de l’ensemble d’états nécessaires à ma reconstruction. Aujourd’hui, je ne suis pas guéri, et je ne sais pas si je le serai un jour. Cette solitude, subie plus que choisie, continue de me faire souffrir. Elle reste une compagne douloureuse, m’enserrant parfois comme une prison, me laissant dans des moments de vide où je cherche désespérément à m’en échapper. Heureusement, mon entourage m’aide, me soutient, et je puise dans leurs bras tendus une force qui me permet de continuer à avancer. Mais il y a des moments où j’ai peur que cette solitude m’engloutisse, qu’elle me fasse sombrer à nouveau dans le néant, malgré toute l’aide que je reçois. Pourtant, dans ses silences, j’ai appris à écouter ce que je ressens, à me reconnecter, même si chaque instant reste un combat.

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artichaut

le mardi 11 mars 2025 à 21h51

Alabama
- Les nouvelles solitudes de Marie-France Hirigoyen
Je l'ai trouvé intéressant car elle étudie comment les avancées féministes ont accentué la solitude des femmes et des hommes, pour des raisons différentes. Je ne l'ai pas beaucoup aimé car je trouve qu'elle fait des affirmations et des interprétations sans vraiment se baser sur des sources solides. Par exemple elle parle du comportement des hommes en partant de ce que disent ses patientes femmes en séance (elle est psy). Autant je suis féministe, autant ça ne me paraît pas très sérieux de procéder de cette façon pour avancer un point de vue étayé.

Perso j'aime bien les 2 dernières pages de ce livre.

À tort, on associe la solitude à l’égoïsme et à l’égocentrisme, alors que la vie seul, et en particulier le célibat, peut permettre une ouverture au monde que ne permet pas la vie de couple, et la solitude joue parfois un rôle de propulseur pour aller vers quelque chose d’autre. La difficulté d’établir des relations solides dans un monde incertain amène les personnes à se replier vers d’autres aspirations. Le manque, l’échec, la souffrance servent alors de levier pour progresser. On peut y puiser la force pour inventer d’autres liens.

La capacité d’être seul, parce qu’elle nous rend disponible à l’autre, nous rapproche de l’amour, non pas au sens du coup de foudre passager, mais beaucoup plus d’une communion avec l’autre. Alors que beaucoup s’imaginent que l’amour va mettre fin à leur solitude, c’est au contraire la capacité d’être seul qui permet la disponibilité pour l’amour. Quand on cesse de croire que l’autre va vous réparer, qu’on n'attend plus de lui qu’il vienne mettre fin à vos angoisses, de nouveaux liens peuvent se mettre en place.

Les solitaires sont plus exigeants sur la qualité des relations qu’ils entretiennent avec les autres. Face à un monde où les rapports humains tendent à se réduire au travail et au sexe, c’est-à-dire des rapports d’intérêt et de séduction, ce sont développées de nouvelles formes de sociabilité, d’autres modes de relation plus intimes, de solidarité, d’amitié : des relations désintéressées, juste pour le plaisir d’être ensemble. C’est une façon de se tenir à l’écart de la superficialité des rencontres éphémères, pour privilégier les amitiés profondes.

Ce sont ainsi créés nombre de petits groupes associatifs non traditionnels pour lutter contre l’isolement et la précarité relationnelle, des lieux d’échanges intergénérationnels, des initiatives locales pour créer du lien social. Se développent également les relations amicales plus solides que les vies de couple. Elles se poursuivent au gré des différentes étapes de la vie, des changements de couple : il y a les amis, les copains, les relations et, en pointillé, parfois des relations de couple. Avec Internet, il est possible de rencontrer des gens que l’on n’aurait pas croisé ailleurs et avec qui on peut véritablement échanger, même si cet échange ne concerne qu’une facette de nous. Dans un monde de plus en plus précaire, il vaut mieux investir dans plusieurs relations à la fois, ce qui permet d’adapter chaque lien aux différentes facettes de notre personnalité. Dans ce nouveau mode de vie, il y aura plusieurs personnes qui compteront, on ne sera pas l’ «  unique ».

Marie-France Hirigoyen
Les Nouvelles solitudes - La Découverte 2007, éd. poche Marabout 2008 pp 246-247.

C'est moi, artichaut, qui souligne.

D'une part elle inverse un poncif rétif : les relations solides sont les relations d'amitiés, et les relations de couple ne sont là qu'en pointillés.
Reconsidérer ces dernières avec cette donnée, permet de relativiser grandement leur bienfait sur nos vies.

D'autre part j'aime beaucoup comment elle décrit que c'est la solitude, ou plutôt la capacité d’être seul qui permet la disponibilité à l’amour. Et j'y entends un amour sain, qui ne crée pas — ou ne se fonde pas sur — une croyance que l'autre mettra fin à notre solitude inaliénable et existentielle.

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artichaut

le mardi 11 mars 2025 à 22h32

Alabama
Je me demandais comment vous vivez, vous, la solitude ? Comment vous équilibrez sociabilité/solitude ? Vous arrive t'il de souffrir du sentiment de solitude ? Ou au contraire est-ce un refuge pour fuir le contact avec les autres ? Et comment cela s'articule avec vos différentes relations amicales/amoureuses/familiales... ?

Comment vous vivez, vous, la solitude ?
Globalement plutôt bien.
Et depuis longtemps. J'en avais même fait, dans ma jeunesse, avec les romantiques (Rilke & co) un but en soi, un privilège (de pouvoir l'être), une force (à l'habiter pleinement)…

Comment vous équilibrez sociabilité/solitude ?
Je passe beaucoup plus de temps seul, que de temps passé avec la somme de toutes les sociabilités : démarches logistiques (courses & co), relations (tout type confondus), etc.
Actuellement, à la louche, je dirais qu'en moyenne je croise d'autres humains environs 2 jours par semaine. Donc les 2/3 du temps environ, je suis… seul. C'est beaucoup, peut-être un peu trop. Je me pose la question de réduire un peu ce pro-rata (approximatif).

Vous arrive t'il de souffrir du sentiment de solitude ?
J'aime bien l'idée de différencier solitude (être seul·e) et isolement (se sentir seul·e).
Il a pu m'arriver de ressentir de l'isolement, du fait d'habiter en campagne et que peu de gens viennent jusqu'à chez moi. Également depuis le départ des mes enfants du foyer, ne vivant pas en couple et n'ayant pas d'animaux domestiques, je suis véritablement seul chez moi, la plupart du temps. Il a pu m'arriver de ressentir de l'isolement (notamment le syndrome du nid vide).
Mais globalement la solitude, non seulement je la vit bien, mais j'en ai foncièrement et très régulièrement besoin.
Et par certains côtés j'ai adoré le 1er confinement lié au Covid, qui arrivait pile au printemps (une saison que j'aime moins, car trop de sollicitations à la fois). Et pour une fois, alors que je redoutais un peu l'arrivée du printemps : enfin tout s'arrête, enfin on reste chez soi, et on n'a pas à s'en justifier.

Ou au contraire est-ce un refuge pour fuir le contact avec les autres ?
C'est clairement un refuge, mais pas tant pour fuir le contact avec les autres, que pour me retrouver moi, et être ensuite capable d'avoir des interactions avec les autres.
Je suis de très loin ma relation principale.

Et comment cela s'articule avec vos différentes relations amicales/amoureuses/familiales... ?
Idéalement à chaque moment passé avec une de mes relations, j'aurais besoin de repasser un temps solo au moins équivalent au temps passé avec elle.
Dans la pratique ça ne se passe pas comme ça : je dois souvent composer (pour des histoires logistiques et financières) et enchaîner plusieurs RV à la suite, avant de pouvoir me retrouver enfin seul, et pouvoir décanter ce que je viens de vivre.

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artichaut

le vendredi 14 mars 2025 à 12h48

Ce sujet me trotant dans la tête, je me suis souvenu d'un texte dans le n°1 de la revue Timult.

D'abord il y a la chanson de Souchon Ultra moderne solitude (1988).

Pourquoi ce mystère
Malgré la chaleur des foules
Dans les yeux divers
C'est l'ultra moderne solitude

Pourquoi ces rivières
Soudain sur les joues qui coulent
Dans la fourmilière
C'est l'ultra moderne solitude

Et puis il y a ce texte de Lilian Stockel, qui en reprend le thème de départ.
Dont je vous livre quelques extraits.

Je plonge dans des bandes dessinées autobiographiques qui explorent le désarroi et la cruelle solitude postmoderne. Trop de choses sont dites dans le brouhaha du monde. Cette rumeur se mêle en moi telle un chant ou une mélopée. Des voix, des explications, des théories, des indignations me bercent, m’énervent, m’émeuvent parfois. Je guette une voix qui saura me parler et remplir un peu la poche d’espoir dont mon cœur est vide. Mais cette voix n’arrive pas. Je reçois des miettes qui m’inspirent mais ce sont des élans brefs et je reviens ensuite à ma condition de solitaire et sans pouvoir. Je me résigne à continuer à faire des choses sans cette voix ni cette foi. La vie malgré tout. Je sens mon corps bouillonner d’énergie et de désirs. Il n’y a pas quelque chose ou rien. Il y a de petites choses qui tissent et tiennent ma vie, en font le matériau particulier inséré dans la toile de ce temps. Mais je sens que c’est trop peu. Que je suis capable de plus et mieux.

(…)
Il est un mal étrange qui frappe les gens dans les pays riches. Une mélancolie habite les êtres, jeunes ou vieux, de diverses conditions, une mélancolie faite de défaitisme et de solitude infinie. Les gens des grandes villes sont touchés, ceux des campagnes aussi. Ce sentiment est gluant et pénétrant, il tient à la fois du chewing-gum qui colle au talon, et du brouillard qui s’insinue dans la peau et les poumons. C’est quelque chose qui a à voir avec l’absence de sens et de stabilité. Cela tient tant du néant que de la saturation de choses inutiles. C’est la séparation brutale d’avec le monde vivant et les autres humains. C’est le sentiment que tout nous échappe, comme la poignée de sable qu’on essaierait de retenir dans sa main. L’impression douloureuse de ne pas vraiment habiter notre propre vie ni le monde. Nous avons tué dieu, la toute-puissance de l’État, de la famille, de l’autorité transcendante en général. Et nous nous retrouvons à errer comme des fourmis égarées. Nous errons dans la multiplicité de nos attachements, dans nos infidélités géographiques, nous pataugeons dans l’impossibilité que rien ne soit tenu pour acquis. Il n’y a aucune vérité universelle à laquelle prêter allégeance. Chaque lien, chaque engagement est temporaire. Il durera le temps que ça nous sera confortable, le temps que ça nous fera plaisir. Mais nous pouvons à tout moment tout quitter, l’amie ou l’amour qui devient irritant.e, la ville où nous nous ennuyons, le boulot pour lequel le contrat se termine. Et oui, c’est aussi l’ère des CDD pour nos amours et nos collectifs d’action directe ! Que nous acceptions ou non de le voir, nous sommes trempé.es jusqu’au cou dans les valeurs du monde capitaliste d’aujourd’hui : vitesse, efficacité, flexibilité, fugacité. Ces préceptes et schémas d’organisation traversent la société, depuis les entreprises internationales et les États jusqu’à nos doutes et déchirements intimes. Ce qu’on croit être notre liberté, la chose la plus précieuse, est en réalité aussi ce qui fait que nous sommes si désespérément seul.es. (…) Mais comment être à la fois émancipé.es et à la fois relié.es ?

(…)
Saboter l’ultra-moderne solitude : ceci est un point important de notre programme.

Lilian Stockel

in Timult n°1, rubrique Stratégies, Briques, mortier et courbatures. Octobre 2009.
Ultramoderne Solitude, pp 10 à 13.
Le numéro papier est épuisé mais disponible en pdf.

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Tiao88

le dimanche 16 mars 2025 à 21h11

Comment vous vivez la solitude?
Bah vivant en colocation (et en ville), je ne suis pas seule souvent mais quand je le suis, je savoure majoritairement mes moments toute seule dans l'appartement commun. Quand je suis chez mon amoureux, comme pour le moment on vit dans deux régions distinctes on a tendance à être beaucoup l'un avec l'autre quand on se voit donc là aussi, je savoure quand l'un de nous s'absente (même s'il me manque dès qu'on est chacun.e chez soi).

Comment vous équilibrez sociabilité/solitude ?
ça dépend des semaines... J'ai un travail où je suis forcément en contact avec du public et différents collègues donc quand je bosse, j'ai beaucoup d'interactions. Sachant que j'ai aussi envie d'interactions post travail avec la plupart de mes collègues, ami.e.s, colocs etc... Mais y a aussi des moments où je vais m'isoler en marchant où dans ma chambre avec de la musique dans les oreilles (ou non) etc. Puis y a des moments où l'ensemble de mes colocs vont être moins présent.e.s ou bien pas en même temps que moi. Je pense que j'ai à la fois besoin de beaucoup d'interactions mais aussi de pouvoir m'isoler dès que j'en ressens le besoin (oui je sais ça paraît assez paradoxal).

Vous arrive t'il de souffrir d'isolement?
A part durant covid où (au contraire de @artichaut ) j'ai pas du tout aimé (ne serait-ce que parce que c'était un isolement imposé qui en plus m'a empêchée de bosser), je ne pense pas en souffrir souvent depuis 1 an et demi. C'est plus certaines personnes qui me manquent que les interactions en règle générale.
-> donc quand je m'isole c'est peut-être pour me reposer et rééquilibrer pour pas péter un câble et pas être fatiguée. Je ne suis pas souvent ma relation principale (et avec moi-même je procrastine souvent, quoique je peux faire cette activité aussi avec d'autres personnes).

Et comment cela s'articule avec vos différentes relations amicales/amoureuses/familiales... ?
J'ai tendance moi aussi à enchaîner les interactions parce qu'en tant qu'intermittente et nullipare j'ai une souplesse d'emploi du temps que n'ont pas forcément (autant) les autres, en tout cas pas toutes mes relations. y a des personnes que je vois un surtout quand nous (elle.s et moi) pouvons avant tout. Avant d'avoir des moments plus seule. Mais j'ai du mal à me botter les fesses pour voyager seule ou parfois aller au cinéma seule (mais je suis assez contente quand j'y arrive).

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Alabama

le jeudi 20 mars 2025 à 21h24

Robje
Pourtant, dans ses silences, j’ai appris à écouter ce que je ressens, à me reconnecter, même si chaque instant reste un combat.

Je sais que tu parles de dépression, ce que je ne vis pas. Mais je me retrouve dans cette phrase.
Je dois lutter contre moi-même, dans les moments de solitude, pour rester réellement connectée à "moi". Je pars très facilement dans la fuite, dans les écrans particulièrement, mais ça peut être d'autres choses. Je dois vraiment ralentir, ralentir, ralentir et prendre le temps de toucher mon angoisse, pour accéder à une véritable douceur d'être. L'angoisse que j'ai n'est pas très forte, elle s'évanouit très rapidement après que je la sente, et malgré tout, je passe mon temps à la fuir, c'est très troublant.
Je remarque que de ce fait, j'ai tendance à vouloir prolonger toujours plus les moments où je suis seule, comme si je n'arrivais pas à m'en rassasier.

artichaut
Et puis il y a ce texte de Lilian Stockel, qui en reprend le thème de départ.
Dont je vous livre quelques extraits.

Je te remercie pour ce texte, qui ramène le sujet de la solitude vers une dimension plus politique, collective.
Le monde dans lequel nous vivons actuellement, au moins en Occident, rend très seul·e, alors qu'on a jamais été aussi dépendant·e·s les un·e·s des autres. Il y a une forme de déconnexion de la dépendance.
On a tellement peur de dépendre des autres, en tous cas émotionnellement, qu'on finit par être isolé·e·s. Pas étonnant dans ce contexte que la relation amoureuse, le couple monogame, soit un repli nécessaire pour beaucoup.

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artichaut

le samedi 22 mars 2025 à 12h03

Alabama
Je remarque que de ce fait, j'ai tendance à vouloir prolonger toujours plus les moments où je suis seule, comme si je n'arrivais pas à m'en rassasier.

Je ne suis pas sûr de comprendre cette phrase dans le contexte.
Tu remarques que tu as tendance à vouloir prolonger les moments où tu es :
- "seule" et où tu fuis, dans les écrans particulièrement ?
- seule, ces moments où tu connectes réellement à "toi" et où l'angoisse disparaît ?

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Siestacorta

le samedi 22 mars 2025 à 13h51

Des extraits d'une page qui me semble pertinente ici

"solitude, esseulement, isolement".

Hannah Harendt

Etre avec moi-même et juger par moi-même s’articulent et s’actualisent dans les processus de pensée, et chaque processus de pensée est une activité au cours de laquelle je me parle de ce qui se trouve me concerner. Le mode d’existence qui est présent dans ce dialogue silencieux, je l’appellerais maintenant solitude.
(...)
Parce que ce un que je suis désormais est sans compagnie, je peux rechercher celle des autres — sous la forme de gens, de livres, de musique —, et s’ils me font défaut ou si je suis incapable d’établir un contact avec eux, je suis envahi par l’ennui et l’esseulement. Pour cela, il n’est pas nécessaire d’être seul : je peux m’ennuyer beaucoup et me sentir très esseulé au milieu de la foule, mais pas dans la vraie solitude, c’est-à-dire en compagnie de moi-même ou avec un ami, au sens d’un autre soi. C’est pourquoi il est bien plus difficile de supporter d’être seul au milieu de la foule que dans la solitude"
(...)
"Le dernier mode d’être seul, que j’appelle isolement, apparaît quand je ne suis ni avec moi-même ni en compagnie des autres, mais concerné par les choses du monde. L’isolement peut être la condition naturelle pour toutes sortes de travaux dans lesquels je suis si concentré sur ce que je fais que la présence des autres, y compris de moi-même, ne peut que me déranger."

https://www.philolog.fr/solitude-esseulement-isole...

Bon, c'est intello, mais les trois termes me sont utiles plus près du plancher des vaches.
Mon interprétation :
- solitude, un être-à-soi clair, ne pas être perdu dans le mouvement du monde (qu'on soit seul ou avec un ami choisi (un proche)).
- esseulement, quand le lien au monde nous manque
- isolement, quand c'est une question pratique : on pense au monde, mais il y a une distance (réelle ou recherchée).

Je reprends :

Siestacorta

- solitude, un être-à-soi clair, ne pas être perdu dans le mouvement du monde (qu'on soit seul ou avec un ami choisi (un proche)).

Or, il y a des gens qui ne savent pas être seuls sans se sentir esseulés.
Et aussi (mon cas), des gens qui ne savent pas être seuls quand ils ne sont pas isolés.
Et, je crois, dans les relations, on a pas toujours la même compétence, ou pas dans les même contexte : l'un se sent très bien seul et l'autre pas, au même moment, alors que chacun sait être seul parfois.
C'est à dire que même en choisissant bien un proche pour que ça colle, on ne sera pas à l'abri de nos changements de météo sociale respectifs. Voir, à vouloir s'en prévenir, on va en créer de nouveaux : parce qu'évidemment, ma solitude ne se passe pas qu'entre moi et moi, si il y a un lien entre nous.

Message modifié par son auteur il y a 5 mois.

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artichaut

le samedi 22 mars 2025 à 15h49

Merci pour ces 3 concepts solitude, esseulement, isolement.

Je trouve aussi qu'esseulé·e au milieu d'autres, c'est pire.
Et qu'inversement la solitude en présence de l'autre, c'est (pas facile, mais) très beau.

Et comment nommer ce dont parle @Alabama, consistant à fuir, notamment dans les écrans ?

Serait-ce : être dans de l'isolement, et à défaut de réussir à assumer/habiter la solitude, utiliser des stratégies d'évitement… pour contrer l'esseulement ?

Et il y a t-il de telles stratégies, y compris collectives ? Pour fuir un esseulement groupal… ? Comme, je sais pas le small talk, et autres activités non impliquantes ?

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artichaut

le samedi 22 mars 2025 à 16h10

Siestacorta
- solitude, un être-à-soi clair, ne pas être perdu dans le mouvement du monde (qu'on soit seul ou avec un ami choisi (un proche)).
- esseulement, quand le lien au monde nous manque
- isolement, quand c'est une question pratique : on pense au monde, mais il y a une distance (réelle ou recherchée).

Je me demande s'il ne faudrait pas plutôt un autre terme pour désigner ce que tu désigne par solitude, et que ces 3 termes serait alors 3 formes de solitudes, 3 déclinaisons ou 3 états de solitude.

Par exemple être-à-soi, pour reprendre tes termes, ou connexion à soi, pour reprendre ceux d'@Alabama.

Ça pourrait donner (en reformulant au passage certaines de tes propositions, ou d'Hannah Harendt) :

3 états de solitudes
- isolement, le fait d'être physiquement seul·e (avec personne d'autre autour).
- connexion à soi, le fait d'être pleinement avec soi-même, connecté à soi-même (peu importe qu'il y ai ou non d'autres gens autour)
- esseulement, quand le lien aux autres nous manque (peu importe qu'il y ai ou non d'autres gens autour)

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artichaut

le dimanche 23 mars 2025 à 16h25

remarquons que
- la connexion à soi, l'esseulement, (et idem pour la connexion à l'autre, même si pour le coup on sort du registre de la solitude) peuvent être vécus, que l'on soit ou non entouré physiquement d'autres personnes

et de même (ou inversement)
- l'isolement, fait factuel d'être seul·e, ne dit pas si cette situation est voulue, choisise ou non ; ne dit rien sur la présence ou abscence d'une connexion (à l'autre, ou à soi), ni de la présence ou abscence d'un esseulement

la sensation de manque n'est donc pas en soi déterminée par le fait d'être ou non entouré de personne, mais plutôt par cette capacité de connecter (à l'autre, ou à soi) en toute circonstance

et dans le registre de la connexion, j'aurais envie d'ajouter en plus des connexion à l'autre et à soi, une possibilité de connexion au monde (dans lequel on vit), à la nature (qui nous englobe), aux étoiles (au plus grand que nous)… voire même dans une dimension spirituelle, une connexion à une entité transcendante

*
@Alabama, vu que c'est toi qui a lancé ce fil, tu peux dire si tu trouve qu'on part dans des trucs trop intello (on peut aller causer ailleurs)

moi je trouve ça passionnant de mettre ainsi de la nuance sur ce qui caractérise le sentiment d'esseulement, et possiblement de mieux comprendre comment et pourquoi il nous arrive (parfois ou souvent)

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artichaut

le dimanche 23 mars 2025 à 16h42

artichaut
il y a t-il de telles stratégies, y compris collectives ? Pour fuir un esseulement groupal… ?

Et pour prolonger cette réflexion à un plan collectif
Ce que l'on vient de voir au niveau de l'individu (les 3 états de solitude), peut-il se penser au niveau d'un couple/famille/groupe/collectif/milieu/etc. voire au niveau de l'humanité toute entière ?

les 3 états se déclinent alors :
- isolement groupal, le fait d'être factuellement isolé (sans autre groupe autour) : un couple/famille/coloc chez soi, un groupe sur une île, ou dans un minibus en voyage, etc (l'isolement ne dure pas forcément longtemps, mais à un temps donné il existe)
- connexion au groupe, le fait d'être pleinement connecté aux autres (à chaque ?) personnes du groupe, ou au groupe en tant que tel, ou le fait de faire bulle, de faire corps
- esseulement groupal, quand le lien a d'autres groupe nous manque, quant l'entre-soi nous pèse, quand notre propre esseulement individuel connecte à un esseulement plus large qui se vit au niveau du groupe, etc

et de même cet esseulement groupal, n'est donc pas tant dû au fait qu'il y ai ou non concrétement d'autres gens/groupes autour, mais à notre capacité (en tant que groupe) à connecter avec d'autres gens/groupes

*
note : quand je dis capacité, j'entends aussi bien ce qui est totalement de notre ressort propre (en tant qu'individu, ou en tant que groupe), que ce qui est lié au contexte, à la situation, aux privilèges qu'on a ou qu'on a pas, aux autres personnes impliquées, etc.

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Alabama

le lundi 24 mars 2025 à 22h08

Tiao88
Bah vivant en colocation (et en ville), je ne suis pas seule souvent mais quand je le suis, je savoure majoritairement mes moments toute seule dans l'appartement commun.

Effectivement, je crois que ce questionnement sur la solitude arrive dans ma vie au bout de 5 ans à vivre seule avec ma fille, et au moment où elle commence à nouveau à faire des choses de ses journées après 3 ans h24 à la maison. Je me sentais seule quand même mais paradoxalement j'avais énormément besoin de me retrouver moi-même, ce qui fait que je ne me penchais pas vraiment sur cette question.
Et avant ça, j'habitais en colocation, le rapport à la solitude était totalement différent. Aujourd'hui je ne sais plus trop ce dont j'ai envie : vivre seule ? en coloc' ? Mon idéal serait de vivre à côté d'ami·e·s très proches.

@Siestacorta
Les définitions de Hannah Arendt ne me conviennent pas, même si cette femme est très très chère à mon coeur. J'aurais rếvé de pouvoir boire un café avec elle, elle me touche énormément. Mais là n'est pas le sujet...
J'aime bien la définition classique de solitude/isolement, ou solitude subie/choisie.

L'isolement serait une condition matérielle : on est seul·e, avec peu d'ami·e·s, peu d'interaction, pour des raisons qui peuvent être extérieures. Par exemple, la pauvreté expose à l'isolement, la vieillesse également (particulièrement pour les femmes), la mono-parentalité, habiter à la campagne, les difficultés psychiques,etc... L'isolement est rarement choisi, les ermites sont peu nombreux dans l'espèce humaine. Le plus souvent, l'isolement choisi est temporaire : partir quelques jours/ mois sur un bateau, dans un monastère, en randonnée dans des lieux peu visités. Je pense qu'il est un peu plus facile à vivre (encore que, cela peut avoir son lot de passages à vide) que l'isolement subi qui est souvent permanent, et dont il est difficile de sortir puisqu'il relève de conditions sociales difficiles.

J'aime bien cependant le troisième terme "esseulement" comme "manque de connexion".
Ça me parle, et je pense que c'est celui-ci qui m'a poussée à questionner mon rapport à la solitude. Je ne manque pas d'ami·e·s, techniquement, et pourtant, il me manque de la connexion, et cela fait que je ne profite pas vraiment de mes moments de solitude. J'apprends, je tâtonne. C'est comme si je découvrais bien tard, que je n'ai jamais complètement regardé l'angoisse de solitude. Je ne la regardais pas, je la calmais. Par exemple, en voyageant seule, j'ai eu des moments difficiles avec moi-même. Aller dans une église, ou sortir de la foule pour perdre mon regard dans un beau paysage me permettait de respirer et de mettre l'angoisse à distance. Mais finalement elle n'était que repoussée, je m'en rends compte aujourd'hui. Je ne sais pas si l'on peut vraiment la traverser toute entière, ou s'il faut simplement vivre avec, savoir qu'elle viendra toquer de temps en temps à la fenêtre pour se rappeler à mon bon souvenir.

@artichaut
Solitude même avec un·e ami·e cher·e, je n'appelle plus cela de la solitude, moi.
Le côté intello : je ne trouve pas ça trop intello, mais parfois déconnecté d'exemples concrets, du réel, du vécu. La théorie pure, effectivement ça m'intéresse moins, pour autant, ça ne me pose pas de problème et même j'aime bien vous lire, j'y prends ce qui donne de l'eau à mon moulin.

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Siestacorta

le mardi 25 mars 2025 à 15h48

@Alabama

L'isolement... peut être un temps choisi court. Et pas seulement pour les plus méditatifs ! Je pense par exemple aux gens qui passent beaucoup de temps sur leur portable alors qu'il y a d'autres personnes près d'eux.
Mais ça vaut pour les lecteurs, les gamers, et même certains sportifs, et même quelques workholics !

C'est un temps d'isolement, en pratique. C'est très matériel.

Cette application du terme peut permettre de multiplier et interroger les besoins... d'isolement, mais aussi de solitude.
Parce que ce "sans autre" temporaire n'aboutit pas forcément à un "avec soi-même".

Je ne retrouve plus une citation où un auteur plaignait les gens qui ne savent être seuls que dans leur salle de bain. Ca touchait justement pour moi des gens qui ne veulent pas d'isolement, parce qu'ils craignent l'esseulement.

Bref. C'est que des remarques en passant, je suis pas assez isolé là-de suite pour bien structurer mes idées ! - juste assez tranquille et seul en discontinu pour en avoir envie.

Message modifié par son auteur il y a 5 mois.

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Alabama

le vendredi 28 mars 2025 à 10h19

siestacorta
L'isolement... peut être un temps choisi court. Et pas seulement pour les plus méditatifs ! Je pense par exemple aux gens qui passent beaucoup de temps sur leur portable alors qu'il y a d'autres personnes près d'eux.
Mais ça vaut pour les lecteurs, les gamers, et même certains sportifs, et même quelques workholics !

Nous avons deux définitions différentes de l'isolement.
Ce dont tu parles, n'est pas de l'isolement pour moi. C'est une bulle de protection, une manière d'être avec les autres sans être avec les autres. Je connais bien cela, ma bulle a été assez étanche pendant la majeure partie de ma vie. Se couper des autres en étant avec eux, est pour moi une sensation tout à fait différente du véritable isolement, celui où on est seul·e et où on aimerait pourtant ne pas l'être.

J'aime énormément le plaisir d'être au milieu de personnes que j'aime, sans être dans l'obligation d'interagir. Je pense que nous sommes nombreux·se·s par exemple, à apprécier particulièrement la sensation de dormir sur un canapé dans une pièce où il y a du monde, ou un peu de passage. Un sentiment de plénitude et de sécurité. Ce n'est pas parce qu'on interagit pas directement, que l'on est isolé, cela n'a rien à voir.

Il faudrait un autre mot pour ce que tu décris.
Moi j'appelle ça être "coupée" des autres. Je suis là, mais pas là, pas disponible. Cela peut être volontaire, conscient, ou pas. Etre un problème ou au contraire un plaisir.
Si on utilise le même mot pour ça, et pour l'isolement social/matériel, ça mélange deux concepts différents.

artichaut
Tu remarques que tu as tendance à vouloir prolonger les moments où tu es :
- "seule" et où tu fuis, dans les écrans particulièrement ?
- seule, ces moments où tu connectes réellement à "toi" et où l'angoisse disparaît ?

Je prolonge les moments où je fuis. N'arrivant pas à me connecter réellement à moi-même, je n'ai pas non plus les ressources pour avoir envie de "sortir" de moi-même. Je ne sais pas si c'est clair. Il faut imaginer une liste de choses à faire, où la seule chose à faire serait d'être connecté·e à soi, mais qu'on procrastinerait sans cesse cette chose. De ce fait, ça donne un sentiment d'inachevé, de "j'ai pas fait ce que j'avais à faire" et donc je ne peux pas passer à autre chose. C'est plus clair ?

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Siestacorta

le vendredi 28 mars 2025 à 11h28

Alabama
une sensation tout à fait différente du véritable isolement, celui où on est seul·e et où on aimerait pourtant ne pas l'être.

Quand on est seul et qu'on ne voudrait ne pas l'être, pour moi, c'est l'esseulement.

Alabama
J'aime énormément le plaisir d'être au milieu de personnes que j'aime, sans être dans l'obligation d'interagir. Je pense que nous sommes nombreux·se·s par exemple, à apprécier particulièrement la sensation de dormir sur un canapé dans une pièce où il y a du monde, ou un peu de passage. Un sentiment de plénitude et de sécurité. Ce n'est pas parce qu'on interagit pas directement, que l'on est isolé, cela n'a rien à voir.

Ben... pour moi c'est effectivement la solitude en compagnie, que tu peux avoir sans canapé, juste dans un rapport à la présence d'autres, où on s'accepte mutuellement.
(et, aussi, à la place arrière d'une voiture)
C'est une solitude parce qu'on est en rapport à soi et avec un société temporairement harmonieuse à soi. Mais je comprend pas pourquoi ça remet en cause l'isolement par une pratique matérielle (téléphone, lecture) ?

On peut s'isoler - des autres - temporairement. Oui, coupé des autres, comme tu dis.
Pour moi isolement et bulle de protection, ça marche.
Isolement n'est pas trop négatif à mon oreille : un moine est isolé, et il le souhaite.Un étudiant concentré, qui fait des révisions dans un lieu calme, aussi.

Et l'isolement peut nous couper contre nous aussi et nous faire ressentir un esseulement. Les catégories que je proposais sont pas excluantes...
(et ya des moines qui ont aussi trop d'isolement, j'imagine ! "j'en ai marre de m'isoler dans le silence, j'veux boire des coups !)

On peut être isolé et être esseulé : matériellement loin de gens, et que ce soit un manque.
On peut être esseulé sans être isolé : en soirée avec familles ou amis, mais dans un état qui fait que le lien nous semble absent, manquant.

Et pour passer par l'échange que tu as avec @artichaut, quand tu prolonges ce que j'appelle un isolement sur ton écran, tu peux ne pas obtenir la solitude mais obtenir un esseulement avec écran, et dans le temps qui suit sans écran parce que t'as pas eu la dose de solitude tranquille... Celle du canapé mais en moins accidentelle.

Message modifié par son auteur il y a 5 mois.

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artichaut

le vendredi 28 mars 2025 à 12h11

Siestacorta
L'isolement... peut être un temps choisi court. Et pas seulement pour les plus méditatifs ! Je pense par exemple aux gens qui passent beaucoup de temps sur leur portable alors qu'il y a d'autres personnes près d'eux.

Alabama
Nous avons deux définitions différentes de l'isolement.
Ce dont tu parles, n'est pas de l'isolement pour moi. C'est une bulle de protection, une manière d'être avec les autres sans être avec les autres. Je connais bien cela, ma bulle a été assez étanche pendant la majeure partie de ma vie.

Pour moi non plus passer de temps son portable en présence d'autrui n'est pas de l'isolement, c'est soit de la connexion à soi (ou à d'autres préférables), soit de l'esseulement.


.

Alabama
Se couper des autres en étant avec eux, est pour moi une sensation tout à fait différente du véritable isolement, celui où on est seul·e et où on aimerait pourtant ne pas l'être.

On peut aussi se couper des autres et où on aimerait pourtant ne pas l'être.
Par exemple parce que interagir avec l'autre n'est pas socialement acceptable (portable dans métro) ou parce que l'intercation proposée par les autres ne nous convient pas (rester sur le banc lors d'une soirée dansante) ou parce que l'invitation à l'interaction ne respecte pas nos limites/besoins (la personne qui te tire par la main et te dis "alleeeez viens te baigner").

On peut se sentir seul·e au milieu des autres (esseulement) et se mettre dans une bulle, faute de mieux. Pour se protéger, certes, mais pas des autres en soi, et pas tjs pour se connecter à soi, mais pour se protéger de la manière dont les autres interagissent avec nous.

J'ai passé ma vie à poser des limites aux autres, car la manière dont ils interagissent avec moi, la plupart du temps ne me convient pas.
De fait ça me met dans une bulle. Mi choisie, mi-pas-choisie. Parfois agréable et voulue, parfois lassante et pesante.
Comme je donne l'image de quelqu'un qui vit dans sa bulle, les autres finissent par m'y cantonner.

Alabama
J'aime énormément le plaisir d'être au milieu de personnes que j'aime, sans être dans l'obligation d'interagir. Je pense que nous sommes nombreux·se·s par exemple, à apprécier particulièrement la sensation de dormir sur un canapé dans une pièce où il y a du monde, ou un peu de passage. Un sentiment de plénitude et de sécurité. Ce n'est pas parce qu'on interagit pas directement, que l'on est isolé, cela n'a rien à voir.

Typiquement un exemple où tu peut être avec les autres, sans que les autres t'obligent à interagir, et te laisse être toi-même.
Ça mériterait encore un autre nom entre la connexion à soi, et l'esseulement.

C'est ce que certains appellent la solitude avec l'autre.
C'est ce que j'appelle parfois la co-présence (même si co-présence peut renvoyer à quelque chose de plus interactionnellement intense).

C'est quelque chose que l'on a beaucoup vécu enfant, et qu'on peut peiner à retrouver une fois adulte (qu'on retrouve parfois dans la parentalité, mais avec une responsabilité et une charge mentale en plus).

C'est ce que l'on peut vivre parfois en co-habitation court-ou-long-terme (couple, coloc, famille, voire animal de compagnie… peu importe) voire en co-working.

Mais limite on quitte le champs de la solitude, justement…
C'est de la non-solitude vécue avec le maximum de bulle, d'autonomie, de présence à soi, et de liberté d'être (c'est à dire tout ce que l'on recherche parfois dans la solitude, désirée ou non).

Du coup, c'est pas tant que l'on se coupe des autres, c'est que les autres (quand iels sont trop… intrusifs, relou, bruyant, interactionnels, dangereux…) nous coupent de nous-même, ou de notre liberté d'être pleinement nous.

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artichaut

le vendredi 28 mars 2025 à 12h33

Alabama
Je prolonge les moments où je fuis. N'arrivant pas à me connecter réellement à moi-même, je n'ai pas non plus les ressources pour avoir envie de "sortir" de moi-même. Je ne sais pas si c'est clair. Il faut imaginer une liste de choses à faire, où la seule chose à faire serait d'être connecté·e à soi, mais qu'on procrastinerait sans cesse cette chose. De ce fait, ça donne un sentiment d'inachevé, de "j'ai pas fait ce que j'avais à faire" et donc je ne peux pas passer à autre chose. C'est plus clair ?

euh… pas tant…
C'est quoi "sortir" de toi-même ? Ce serait aller vers les autres ?
C'est quoi que t'as pas fait ce que t'avais à faire ? Te connecter vraiment à toi-même ?

Ce que je comprends : tu es seule, dans une bulle +ou- choisie, t'as pas la force d'aller vers les autres, mais t'as pas non plus la force d'aller vers toi (et t'en aurais besoin avant de pouvoir retourner vers les autres) alors tu procrastine…

C'est ça ?

Pour moi ça ressemble à quand je dois décanter quelque chose. Je sais que je dois décanter un truc, mais je ne sais pas quoi, ni comment. Je dois être seul (pour pouvoir vraiment décanter). Et je peux faire tout et rien.
Mais si j'accepte le rien (cesser de sur-valoriser le fait de faire, y compris dans la procrastination) si j'accepte que ça va prendre du temps et que y'a rien à faire, et que par exemple, juste je me pose sur mon lit, à regarder le plafond et laisse divaguer mes pensées, souvent la décantation se fera plus rapidement (enfin des fois ça prend vachement de temps quand même).

Ou sinon, la fuite que tu décris (et que je ressent parfois) je l'associe à une forme de mini dépression : je n'ai pas la force le courage d'affronter ma vie, alors je fuis dans autre chose (écran & co).
Je l'associe au vertige de la vie (et de la mort) : savoir qu'on a qu'une vie, que l'on peut mourrir demain, mais aussi bien dans hyper longtemps, que les infos du monde sont déprimantes, que tout se vaut, etc crée une sorte de paralysie et de je ne sais pas quoi faire de ma vie.

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