[Brochure] "Je t’aime... oui mais non, l’amour c’est mal" ... on en est où, là ? Par Emma, 2006
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artichaut
le dimanche 02 juin 2019 à 09h37
Cette brochure est citée dans ce fil.
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"Je t’aime... oui mais non, l’amour c’est mal" ... on en est où, là ? Par Emma, 2006
Bochure disponible sur infokiosques.net, à lire en ligne, ou avec pdf à imprimer.
Introduction pour détendre l’ambiance
Il y a quatre ans, j’ai écrit un texte qui s’appelait « l’amour, oui comme je veux ». Il fût parfois la cause d’un déferlement de mails et de textes d’insultes et parfois, il fût l’occasion de discussions supers intéressantes et d’échanges forts en émotion. Alors, j’ai décidé de récidiver, quitte à ce que cela entraîne ma perte (ahhhhhh... ☺). J’ai donc « remanié », modifié, complété ce texte pour en faire un autre...puisque les années passées et les expériences vécues m’ont parfois fait changer d’avis, parfois m’ont confirmé ce que je pensais, bref, la vie quoi.
Prenons comme base de discussion que ce sujet est complexe (oui, bon d’accord).
Il est entendu que ce texte n’est ni un guide du « comment réussir sa vie amoureuse en 10 leçons », ni un texte de propagande pour la non-exclusivité (ou la polyfidélité ou le polyamour... appelons cela comme on veut...moi j’ai pas réussi à trouver un terme qui me convienne tout-à-fait). Il est vrai que j’expose (franchement et sans détours) les raisons qui me poussent à vivre des relations amoureuses/affectives non-exclusives... et que je dis pourquoi je trouve que c’est bien pour moi.
Mais il n’est nullement question de dire que tout le monde devrait faire comme moi ou de prétendre que c’est la meilleure façon de vivre ses relations...
Mon objectif, à travers ce texte, n’est pas de porter des jugements sur des individuEs, ni sur des visions personnelles de voir/vivre les choses, par contre, ce texte (c’est vrai) est plein d’affirmations, de critiques sur des institutions, des normes, des rapports de domination, des choix que je considère comme oppressants, enfermants, voir même contre-révolutionnaires (hihi... roh, ça va, on peut rigoler nan ?)La réflexion qui suit est le fruit de nombreuses discussions collectives et de recherche personnelle sur un sujet peu souvent abordé dans nos luttes, nos débats. Pourtant, les choix de vie que nous faisons dans le cadre dit « privé » sont éminemment politiques, ça on en est touTEs persuadéEs, je sais... alors ? Partageons nos expériences, interrogeons nos idées préconçues, remettons en cause des modèles, engueulons-nous, émotionnons-nous... mais faisons quelque chose, viteuhhh !!!
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Voir aussi la Biblio-Brochures sur les relations affectives (Infokiosque).
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artichaut
le dimanche 02 juin 2019 à 09h53
Le texte dont il est question dans l'introduction de la Brochure, « L'Amour, oui comme je veux », est dispo ici (avec des commentaires) et aussi là (sans commentaires).
L'amour, oui...comme je veux ! (Intro)
La réflexion qui suit est le fruit de nombreuses discussions collectives et de recherche personnelle sur un sujet peu souvent abordé dans le cadre de nos luttes. Pourtant, les choix de vie que nous faisons dans le cadre dit « privé » sont éminemment politiques et il serait souhaitable que nos discours, dans ce cadre comme dans tous les domaines, soient en adéquation avec nos actes. Partager ses expériences, interroger ses idées préconçues, remettre en cause les modèles normés que l'on a ingurgités, est ce qui constitue et fonde l'action politique, non?
Quand on prétend refonder radicalement les rapports sociaux, on ne saurait faire l'économie d'une réflexion sur les rapports amoureux et, plus globalement, sur les rapports affectifs, structurés notamment par le système patriarcal.
L'amour, oui...comme je veux ! (Extrait)
Aimer quelqu'un.e, c'est lui vouloir du bien. S'aimer soi-même, c'est important aussi et c'est se vouloir du bien.
L'amour, oui comme je le veux... ça veut dire que je m'autorise à vivre mon affectivité telle que je la conçois et la désire... sans avoir à choisir entre deux personnes que j'aime par exemple... choisir qui? Sur quel critères? Au nom de quoi?
Certain.e.s diront que ce que je décris correspond à ce que l'on appelle « l'amour libre » et bien, non, rien à voir...
Si j'en ai bien compris tous les enjeux, il semblerait que « l'amour libre » porte mal son nom. En effet, « l'amour libre » repose sur un contrat de fidélité de coeur mais pas de corps, c'est-à-dire: on aurait le « droit de baiser ailleurs » tant que ça n'implique pas de sentiments. Ce qui importe, c'est de ne pas tomber amoureuses/eux, sinon cela remet en cause l'union entre les personnes qui sont sensées former le couple. En dehors du fait que je trouve que ce fonctionnement a ses limites car le contrôle exercé sur l'autre me semble être le même que dans un contrat de fidélité classique, une sexualité « uniquement et surtout sans amour » me pose quelques questions... notamment sur ce que ce contrat est censé remettre réellement en question dans les rapports hommes/femmes en particulier. Ce fonctionnement ne me paraît pas très révolutionnaire puisque ce sont surtout les hommes qui en profitent en l'occurrence, au vu de la « réputation » qu'une femme se laissant aller à ses désirs peut se voir attribuer.
De plus, d'après ce que j'ai pu observer, il semble que ce fonctionnement ne dure qu'un temps: une sorte d'accord tacite est entendu dans le couple quand les deux personnes choisissent de vivre « l'amour libre » : elles sont d'accord, en effet, jusqu'à ce que leur histoire devienne « sérieuse », comme s'il y avait un ultimatum à leur amour, le « bon, maintenant, on arrête les conneries » est donc une ponctuation à leur fonctionnement « libre » si l'heure a sonné d'être un « vrai couple ».
Personnellement, ce que je désire vivre se situe dans un tout autre cadre. Ce que je veux, c'est justement être amoureuse quand je vais « voir ailleurs » ! La polyfidélité, pour moi, permet de tendre vers une relation égalitaire, au moins parce qu'elle impose d'accepter la personne aimée un peu plus pour ce qu'elle est réellement. Accepter l'autre avec ses envies, ses désirs, et surtout accepter que l'on n'apporte pas tout à une seule et unique personne...
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artichaut
le dimanche 02 juin 2019 à 10h13
Extraits choisis :
"Je t’aime... oui mais non, l’amour c’est mal" ... on en est où, là ?
Il est entendu que ce texte n’est ni un guide du « comment réussir sa vie amoureuse en 10 leçons », ni un texte de propagande pour la non-exclusivité (ou la polyfidélité ou le polyamour... appelons cela comme on veut...moi j’ai pas réussi à trouver un terme qui me convienne tout-à-fait). (…)- « Bah ça me semblait évident que je pouvais être amoureux de ta soeur, tu avais dit que tu n’étais pas jalouse ! »
- « Moi je me prive, je n’ai jamais touché Jennifer en dix ans à cause de toi, alors que pourtant... Et voilà, toi tu couches avec Jonathan que tu connais à peine, c’est comme ça que tu me remercies ? »
- « Alors toi tu as le droit et pas moi ? »
- « Mais enfin, tu es une femme libérée, pourquoi tu n’as pas d’autres relations ? tu sais...il faut que tu te détaches de moi, je te sens dépendante, c’est pas bon pour toi »En général, l’exigence de la « monofidélité » ou de la fidélité classique, ne me semble, non seulement, pas souhaitable mais encore dangereuse, dans ce que cela créé entre des personnes. Je précise bien « l’exigence » car c’est souvent une exigence ou une obligation qui est posée comme principe de base, prétendument choisi de part et d’autre.
Pour moi, la fidélité est, sans équivoque, un des piliers du système patriarcal qui consiste à s’approprier les femmes, à en faire « la femme de »... (…)Aimer quelqu’unE ne peut se penser sainement comme une mutilation perpétuelle. Lorsque l’on commence à aimer une personne, sa liberté fait partie de l’admiration que nous avions pour elle, au nom de quoi serait-ce la privation de cette liberté qui deviendrait le garant de cet amour ?
Je veux dire, dans le cas d’une relation exclusive (ou monogame), pourquoi la notion de choix revient sans cesse comme une fatalité ou comme une preuve d’amour ? Sur quels critères dois-je choisir une personne plutôt qu’une autre ? Et pourquoi ? Pourquoi ai-je le « droit » d’avoir plusieurs amiEs et non pas plusieurEs amoureux/ses ? Mon affectivité peut parfois se focaliser sur une même personne, mais parfois elle peut aussi être sans limite...non, je ne prône pas la « libéralisation » des relations amoureuses, affectives (dans le sens capitaliste du terme hein) : je ne souhaite pas que l’on soit des consommateureuses en matière d’amour, de sexualité, comme ce qui peut être parfois le cas dans ce que des personnes appellent « l’amour libre ». D’après ce que j’ai vu, l’amour libre est souvent revendiqué par des garçons hétérosexuels, en grande majorité, et se réduit au fait de collectionner des « aventures » avec des filles (c’est très épanouissant pour eux n’est-ce-pas).
Personnellement, ce que je désire vivre se situe ailleurs...La non-exclusivité, pour moi, permet de tendre vers des relations plus égalitaires, au moins parce qu’elle impose d’accepter la personne aimée un peu plus pour ce qu’elle est réellement. Accepter l’autre avec ses envies, ses désirs, et surtout accepter que l’on n’apporte pas tout à une seule et unique personne...
Il me semble que le mythe sur lequel repose l’exclusivité est la source de nombreuses déceptions mais également de violences. En effet, la personne aimée prétendue être la seule et unique à « convenir » devient également la seule et unique source d’épanouissement affectif et sexuel : elle est donc « façonnable à souhait », tant qu’elle ne correspond pas à l’objet du désir de l’autre.
Ce mythe est un vrai problème à double dimension à mon avis, puisqu’il suppose une centralité de la personne aimée, désirée mais également une centralité de la relation amoureuse dans sa vie, au quotidien. Donc, c’est aussi sur ce truc en particuliers que je trouve la notion de non-exclusivité hyper intéressante, puisqu’elle peut créer un déplacement de la centralité de la relation amoureuse.
Et oui, la non-exclusivité ne permet pas seulement de remettre en question la centralité d’une seule et même personne dans sa vie amoureuse, elle peut permettre également de déplacer la centralité de la relation amoureuse dans sa vie (tout court). (…)
Ça peut paraître banal ce que je dis là, mais je le dis parce que pour moi ça a été très important comme « déclic » dans ma vie. (…)Quel que soit les choix que l’on fait, relationner avec les autres, c’est toujours complexe, ça veut dire des questionnements en permanence, des prises de tête (comme on dit), mais c’est formidable, nan ? Par exemple, la non-exclusivité, c’est loin d’être simple et facile à vivre, c’est sûr. Il y a le regard des autres, leur jugement et tout ce qui les accompagne. Dans certains contextes que je qualifierai comme « non-favorables », une femme qui vit ses désirs, sans se cacher est une « salope », ou chépakoi. Dans d’autres contextes, il n’y a pas de jugement négatif a priori, mais c’est la loi du silence, alors tout le monde fait comme si c’était « cool » (ne parlons pas de nos relations, comme ça tout va bien).
De mon côté, j’éprouve le besoin d’en parler avec d’autres, parce que c’est comme le reste quoi, on réfléchit souvent mieux à plusieurs, que toutE seulE. (…)