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Discussion : Politiser la non-monogamie

RedRackham
le samedi 16 août 2025 à 10h56
Lili-Lutine
Dire que "ce n’est pas de l’arrogance, c’est de l’Asperger" poserait problème à mes yeux pour trois raisons :
1. L’histoire derrière le mot
Le terme « syndrome d’Asperger » porte le nom de Hans Asperger, un médecin autrichien dont la biographie révèle une collaboration active avec le régime nazi. Il aurait participé à l’envoi d’enfants jugés "inéducables" vers le centre d’euthanasie d’Am Spiegelgrund, certains périssant ensuite dans ces lieux de mort
Depuis plusieurs années, des voix scientifiques appellent à supprimer cette désignation, au profit de "TSA (trouble du spectre autistique)"
2. L’auto-identification, oui, mais dans un contexte éclairé
Bien sûr, chaque personne garde le droit de se définir comme elle le souhaite
Le problème n’est pas tant l’usage du terme que la manière dont il est mobilisé
S’en prévaloir pour justifier un comportement condescendant, supérieur ou blessant ne vaut pas excuse, et, dans ce cas, l’histoire pesante du mot devient d’autant plus gênante, presque déplacée
3. Neurodivergence ≠ immunité relationnelle
Certaines personnes autistes, souvent “diagnostiquées Asperger” par encore certains psychiatre, psy ou autres , peuvent en effet longuement ressentir un décalage, une directivité ou une intensité dans leur communication qu’on interprète comme arrogance
C’est un vécu réel, porté par la neurodivergence
Mais confondre ce trait avec un droit à écraser l’autre, se faire sentir supérieur ou légitime de dire comment ça lui vient…c’est refuser la responsabilité sociale
L’honnêteté brute n’excuse jamais l’absence d’empathie ou le mépris
En résumé :
Le mot « Asperger » est lourd de conséquences historiques et éthiques. Il est tout à fait possible de l’utiliser, ou non , mais il faut savoir à quoi on s’expose
Et non, la neurodivergence sociale ne dispense pas de l’attention aux autres
Merci <3
Discussion : Politiser la non-monogamie

RedRackham
le mercredi 13 août 2025 à 11h40
Depassage
@Ben356, pourrais tu préciser ta pensée ?
Tu mets donc sur le même plan, le paysan qui lègue ses 10 hectares de terres médiocres sur le plateau des milles vaches ou l'employé son appartement de 50.000€ qu'il a payé toute sa vie avec l'empire Bolloré ou Arnaud ?
Sacré exercice d'équilibriste...
Je veux dire, faut pas oublier que 80% des héritages en france concernent des sommes inférieures à 100.000 €.
Message modifié par son auteur il y a 2 mois.
Comme le disait @Siestacorta je pense qu'il faut commencer par distinguer propriété privée et propriété personnelle.
- La propriété personnelle correspond à ce que tu utilises directement (le logement où tu vis, la ferme que tu exploites, tes habits, etc).
- La propriété privée c'est la propriété personnelle + tout ce que tu possèdes pour générer du profit (tes biens en location, les terres que tu fais exploiter par des salarié·es, l'usine dont tu es actionnaire, etc).
Supprimer la propriété privée, comme le prévoit le communisme notamment, c'est donc supprimer toute propriété qui permettrait de générer du profit en exploitant le travail d'autrui et c'est dans cette optique qu'il faut penser la suppression de l'héritage.
Hériter de biens que tu vas directement utiliser (ex : la maison de tes parents dans laquelle tu vas habiter) n'est pas nécessairement un problème, en revanche il faut abolir la possibilité d'hériter de biens qui vont te permettre l'accumulation des richesses et de vivre de l'exploitation généralisée.
Je suis absolument d'accord avec plusieurs messages qui font le lien entre la non-exclusivité et l'anticapitalisme. Et c'est justement pour parler de ce sujet que je souhaitais aborder la question de la politisation de la non-exclusivité dans notre pays.
En France il me semble que celleux qui s'attachent à mettre la non-exclusivité dans la sphère publique se cantonnent à le prendre sous un angle interpersonnel (guide pratique, accompagnement à l'ouverture du couple, etc) et même si je ne dis pas que ce travail est inutile, si c'est la seule façon dont est investi l'espace public, alors on vide la non-exclusivité de sa dimension politique.
Ainsi dépouillée de tout potentiel subversif, on laisse le champ libre à une récupération de la non-exclusivité par le capitalisme comme le disait justement @artichaut .
Pour redonner sa dimension anticapitaliste à la non-exclusivité je pense qu'il est important qu'on s'approprie collectivement la tâche. "politiser la non-exclusivité" ça signifie redonner son sens politique et révolutionnaire à nos pratiques. Ça passe par créer des liens avec d'autres collectifs/mouvements/organisations anticapitalistes dans une perspective intersectionnelle, ça passe par militer/manifester, ça passe par créer des ressources révolutionnaires par nos propres moyens (et traduire celles existantes en dehors de France), ça passe par interroger comment investir tous les champs de l'espace public d'une vision révolutionnaire de la non-exclusivité.
Et au sujet de s'il faut ou non intégrer dans notre perspective révolutionnaire le champ du droit, à mon sens on peut (et on doit) penser comment investir ce domaine.
Déjà effectivement dans une perspective de "faute de mieux pour œuvrer dans l'existant, on va pas attendre la révolution pour tenter de faire au mieux avec ce qui est possible"
Mais aussi pour penser plus loin, inscrire la lutte législative dans le cadre du "programme minimum et programme de transition" révolutionnaire ou pour paraphraser Trotsky, en faire un outil de "la mobilisation des masses autour des revendications transitoires comme préparation à la prise du pouvoir"
Discussion : Politiser la non-monogamie

RedRackham
le jeudi 19 juin 2025 à 14h14
Au Brésil, le mouvement de la non-monogamie politique considère la monogamie non pas comme un simple modèle relationnel basé sur l’exclusivité, mais comme une institution. Un système d’oppression imposé qui dicte notre manière de penser, de ressentir et d’agir dans nos relations. Un système qui hiérarchise l'amour au-dessus du reste.
La non-monogamie est pensé comme un acte politique contre la monogamie, visant à décoloniser notre rapport à l’amour et aux relations, et à nous aider à interagir les un·es avec les autres de manière plus saine et libre.
--> CF leur manifeste pour les anglophones
crest
3) Est-ce que c'est une remise en cause du script romantique/amoureux ? Et dans ce cas, la non-monogamie est également une critique du polyamour (au sens où il est fondé sur la norme du sentiment amoureux) ?
Le but est moins de reconnaître une nouvelle forme de relation, que faire descendre de son piédestal la relation amoureuse comme nec plus ultra des relations humaines. En revalorisant l'amitié par exemple.
Pour commencer par là, à mon sens oui la lutte non-monogame est une remise en cause du script romantique/amoureux. Et sa politisation passe par la reconnaissance de ce modèle critique. Que ce soit par le pont avec d'autres luttes, par la mobilisation d'un groupe qui défende ce point de vue, mais aussi par des questions d'évolution du droit qui peuvent englober tes points 1, 2 et 2 bis de plus ou moins loin.
Par exemple, puisqu'on parle beaucoup du terrain légal, se mobiliser pour des mesures qui permettent de protéger des gens qui veulent co-parentaliser ou co-habiter sans se soucier du fait qu'iels soient amoureux·ses ou non peut être une façon de faire le lien entre celleux qui souhaitent voir évoluer les codes sociaux à l'intérieur du paradigme monogame (puisque les relations polyamoureuses y trouveraient leur compte) et celleux qui souhaitent qu'on aille plus loin en permettant par exemple de bénéficier d'une protection juridique lorsque plusieurs relations (amicales, amoureuses ou autre) décident de co-habiter ou co-parentaliser (ou quand l'un·e se retrouve à l'hôpital)
Discussion : Politiser la non-monogamie

RedRackham
le lundi 16 juin 2025 à 20h05
artichaut
Revendiquer des droits pour le polyamour ne ferait qu'élargir le champ de la monogamie.
C'est du reste à mon sens, ce qui est en train de se passer (depuis environ 5 ans, en France) : le capitalisme est en train d'absorber et normaliser le polyamour, pour l'accueillir en son sein, en faire une variable innoffensive de la monogamie et annihiler son potentiel subversif.
Pour être sûr de bien comprendre, de quel potentiel subversif parle-t-on si on ne politise pas le polyamour ? Je ne suis pas sûr que juste parce que les polyA existent cela suffise à rendre la pratique subversive. Au contraire, j'ai même plutôt tendance à penser que c'est cette passivité qui laisse le champ libre à la récupération du polyamour.
Déjà le législatif n'est pas nécessairement synonyme de réformisme mou. Porter dans le débat public des revendications politiques radicales par rapport à la norme sociale a son intérêt. Historiquement ça a souvent permis de fédérer et radicaliser plus largement autour d'un combat (en faisant bouger la fameuse fenêtre d'Overton pour reprendre une expression à la mode). D'ailleurs le concept de "programme de rupture" est assez répandu dans la sphère anticapitaliste justement.
Mais je le répète encore une fois, "politiser" ne signifie pas qu'il faille se contenter de dresser une liste à la Prévert de revendications législatives (radicales ou non). Même s'il me semble que porter des revendications a du sens, la politisation passe également par d'autres chemins qu'on doit chercher ensemble.
Produire une réflexion sur notre pratique du polyamour (par exemple on a évoqué l'aspect potentiellement bourgeois de la pratique ou encore l'angle décolonial), c'est politique.
Faire le lien avec d'autres luttes pour chercher l'intersectionnalité (par exemple avec les mouvances queer et féministes), c'est politique.
Se rendre visible dans l'espace public (par exemple en organisant des événements publics ou en prévoyant des cortèges spécifiques lors des Fiertés), c'est politique.
ça me semble intéressant de chercher ensemble comment politiser notre pratique par tous les biais possibles en tout cas :-)
Aki
Bref, à qui prêtes-tu ces intentions de vouloir "absorber et normaliser le polyamour, pour l'accueillir en son sein, en faire une variable inoffensive de la monogamie et annihiler son potentiel subversif" ?
Je ne pense pas qu'il soit faux de dire que le polyamour a un potentiel subversif dans la mesure où il remet en cause un pilier de l'organisation du capitalisme, la transmission privée du capital. À mesure que les sociétés se sont organisées en classes distinctes, les relations amoureuses se sont inscrites dans une logique de reproduction des capitaux (économiques, sociaux et culturels), des rapports de domination et des rapports de production.
La famille nucléaire bourgeoise occidentale (loin d'être un modèle universel ou naturel) est progressivement devenue le pilier central de l'accumulation privée du capital. La monogamie, au sein de la famille, a permis d’ériger l’épouse (et sa capacité reproductrice) en propriété privée, faisant de l’exclusivité relationnelle un instrument de la reproduction de l’ordre capitaliste à travers l'héritage.
Mais si le polyamour a un potentiel subversif, ça ne veut pas dire que le capitalisme ne peut pas l'absorber pour "en faire une variable inoffensive". Effectivement, ça a déjà un peu commencé avec l'industrie des rencontres qui s'empare du sujet (notamment via certaines appli), avec la récupération par certaines personnes en situation de domination pour s'octroyer des libertés tout en reproduisant des modes de domination intrinsèquement liés au capitalisme (sujet qu'on a abordé quelques messages plus tôt), etc.
Et c'est justement parce que je pense que plutôt que d'en être spectateur·ices ça serait bien qu'on décide par nous-mêmes de la façon dont on souhaite que le polyamour émerge dans le champ social qu'il me semble important de "politiser" notre pratique :-)
Discussion : Politiser la non-monogamie

RedRackham
le samedi 14 juin 2025 à 17h50
artichaut
Pourquoi toujours regarder du côté des anglo-saxons ? N'y a-t-il donc que la France et les États-Unis au monde (à la rigueur la Grande Bretagne) ?Pour politiser il faudrait peut-être déjà décoloniser notre pensée et nos ressources…
Simplement parce que je parle de ce que je connais, mais n'hésite pas à nous partager tes exemples de politisation du polyamour dans d'autres pays bien sûr (+)
Je suis absolument d'accord sur la partie décoloniale qui devrait alimenter la réflexion autour du polyamour. D'ailleurs mettre en avant cette problématique et réfléchir à la question, c'est déjà une façon de politiser le polyamour.
artichaut
Quant à politiser (au sens législatif) en France, dans la lignée des mouvement LGBT, perso je n'en vois pas l'intérêt. Pour obtenir quoi ? le mariage polyamoureux ? Bof. Ou plutôt beark.
Et l'enjeu est vraiment minime pour nous. Oui on pourrait avoir encore quelques privilèges en plus. Mais fondamentalement ça ne va pas changer notre vie.
Personne ne dit que la politisation doit se limiter au législatif (et heureusement :-) ), mais je pense que sur ce terrain il y a quand-même un intérêt à réfléchir à ce qu'on peut faire . La non protection des relations plurielles va au-delà du mariage, il peut y avoir tout un panel de revendications, par exemple :
- élargir la parentalité légale
- possibilité de baux collectifs pluripartenaires
- révision des critères de la DALO, des APL, des mutuelles pro, etc
- inclusion des métamours comme ayants droit au congé parental
Ce ne sont que des exemples à la va-vite (donc pas mûrement réfléchis) pour illustrer le fait que le mariage n'est pas la seule revendication législative possible, mais aussi que l'enjeu législatif n'est pas si minime. Les questions de coparentalité, des métamours, de la protection financière, de l'héritage, etc sont autant de sujets sur lesquels il est possible de développer des revendications.
En revanche je suis bien d'accord que la politisation ne se limite pas au terrain législatif. C'est aussi réfléchir à nos biais, aux intersectionnalités existantes, militer dans l'espace public et autre
Message modifié par son auteur il y a 3 mois.
Discussion : Politiser la non-monogamie

RedRackham
le samedi 14 juin 2025 à 13h00
Bonjour et merci à toustes,
Aki
D'après toi, quelles sont ces à-prioris et les objets de cette hostilité ?
Effectivement la question du polyamour et des personnes queers est un sujet complexe. Il y a notamment deux arguments principaux qui "refroidissent" les sphères féministes et LGBTQIA+ :
1) Le polyamour est un prétexte utilisé par les hommes cisgenres et hétérosexuels pour pouvoir multiplier les partenaires n'importe comment
--> Effectivement on voit souvent des hommes cishet se revendiquer polyA uniquement pour se donner le "droit" de fréquenter plusieurs personnes, mais sans prendre le temps de déconstruire certains prismes de la monogamie et surtout sans aucune considération pour leurs partenaires, ce qui conduit généralement à des situations bien merdiques. Les sphères queer militantes assimilent du coup pas mal le polyamour à un prétexte utilisé par les mecs pour faire n'importe quoi sans en assumer les conséquences
2) Le fait d'être polyamoureux·se n'impliquerait pas de discriminations comme peuvent en impliquer le fait d'être une femme ou d'être queer. D'autant que le polyamour serait essentiellement pratiqué par les hétérosexuel·les (je ne sais pas si c'est véridique, je n'ai jamais trouvé d'études fiables sur le sujet, mais en tout cas c'est une idée récurrente dans la sphère militante)
--> Perso je trouve que les points communs sont pourtant nombreux. Comme je le disais dans mon premier message, personnes polyA, femmes et personnes queer partagent des points communs que sont l'invisibilisation, la stigmatisation, la législation pas adaptée ou défavorable, etc.
On peut aussi ajouter d'autres raisons qui font que les milieux queer et féministe sont assez hostiles envers le polyamour, mais je pense que ce sont les deux qui reviennent le plus souvent.
Topper
Or, nous ne sommes pas dans un clivage gauche/droite aussi simple que pour d'autres causes. Il y a de l'hostilité autant à gauche qu'à droite et il y a autant des polyamoureux à gauche qu'à droite dans des couches sociales qui ne se côtoient pas.
Faire se comprendre et travailler ensemble des personnes qui sont de classes sociales différentes, n'ont absolument pas les mêmes difficultés, la même culture militante et les mêmes enjeux me paraît être un frein de taille.
Oui c'est un point très intéressant et très juste ! De mon côté, je ne pense pas que ça puisse être un frein à la construction d'une lutte polyamoureuse. Si on se compare aux autres mouvements de revendications, que ce soit dans la construction des luttes féministes ou des luttes queer (notamment autour de l'homosexualité) il y a toujours eu (et il y a toujours) un clivage gauche/droite et un clivage social. Mais les personnes se sont organisées selon les affinités des un·es et des autres pour amener une pluralité de mouvements, d'organisations et de revendications. Entre les suffragettes et le féminisme révolutionnaire de Rosa Luxemburg, Clara Zetkin, Alexandra Kollontaï et Asja Lacis il y a des différences à la fois politiques et sociales, mais les deux mouvements sont constitutifs de la lutte féministe.
Aki
A ce propos, le polyamour est-il "bourgeois" ? Pourrait-il être plus "populaire" ?
"bourgeois" je ne sais pas, mais je pense qu'à l'heure actuelle c'est essentiellement porté par des personnes avec un fort capital culturel. Ce n'est pas surprenant, car en général ce sont les personnes les mieux dotées en capital culturel qui commencent à interroger les normes sociales et les remettre en cause (car c'est bien de ça qu'il s'agit avec le polyamour, qu'il soit un choix ou une orientation, puisque ça remet en cause la normativité du couple exclusif). Puis petit à petit la normalisation permet à des personnes moins bien dotées de s'y retrouver également.
Il ne faut pas non plus négliger l'impact que peut avoir la non protection des relations plurielles par la loi et le vide juridique à ce niveau qui est peut-être aussi l'une des raisons limitant la pratique à des classes plus riches. Dans une situation de précarité, on ne peux pas se permettre de dévier sous peine de perdre des aides, le support de sa famille qui ne va pas accepter ses choix de vie, etc
Depassage
La parallèle sur les mouvements féministes est pertinent. Il y a par contre une dimension politique au sens de l'engagement sur des valeurs ou des dogmes qui me semblent totalement absent du monde polya. Plus individualiste.
Absolument d'accord avec ça. Je trouve qu'à date le monde polyA n'a pas du tout de dimension politique avec un engagement autour de valeurs communes. En tout cas en France. C'est très intéressant de nous comparer à la sphère polyA dans les pays anglosaxons qui au contraire embrasse totalement un aspect politique, notamment autour de la remise en cause de l'hétéropatriarcat. C'est tout à fait le but de cette discussion d'ouvrir le débat sur ce qui pourrait donner cette dimension politique au polyamour justement.
Topper
Là, il y a du travail législatif à faire. Pas forcément énorme, mais la difficulté est ailleurs. Quand on a vu la réaction au mariage de même sexe, autant dire que l'union à plusieurs est un cran au-dessus en ce qui concerne la remise en cause des traditions. Ça demanderait de se fédérer et pas qu'un peu.
Encore une fois, absolument d'accord avec le fait que ça demande de se fédérer, tant pour le travail législatif que pour la remise en cause des traditions et qu'il y aura beaucoup de résistance pour que rien ne change. Mais là encore je convoque le fantôme des luttes féministes passées pour faire un parallèle qui me semble utile. Aux toutes premières heures des revendications féministes, le combat était presque perdu d'avance tant l'opposition était forte. Progressivement les choses ont évolué, des victoires ont été obtenues et c'est une lutte qui paraît bien plus légitime aujourd'hui avec le temps (même si le niveau d'opposition n'a pas forcément diminué par ailleurs).
C'est justement pour ça que politiser le polyamour a du sens. La revendication politique permet de normaliser un combat, de lui donner une visibilité qui va attirer davantage de monde, de faire évoluer des mentalités, d'amener des débats, etc. A l'inverse, je pense que si on ne politise pas le polyamour on risque de ne jamais faire évoluer quoi que ce soit.
En définitive, la question n'est pas tant de savoir d'où l'on part (d'à quel point les oppositions seront violentes) que de savoir comment on avance :-)
Discussion : Politiser la non-monogamie

RedRackham
le jeudi 12 juin 2025 à 15h05
Bonjour à tous·tes,
Après des années à consulter le site sans passer le cap de la discussion, je crée enfin un compte pour échanger autour de la politisation de la non-monogamie (ou plutôt des non-monogamies).
Comme le sujet est vaste, je vais essayer de hiérarchiser les idées et de vous mettre mes questions tout à la fin pour celleux qui ne veulent pas tout lire :-)
1) Où on en est en France ?
Dans les pays anglosaxons, le lien entre la politique et la non-exclusivité/non-monogamie est assez présent.
Que ce soit par des comptes militants comme Decolonizing Love, Polyphilia, Chillpolyamory. Par des chercheur·euses tel que Kevin A. Patterson (Love is not colorblind) ou par des associations comme Polyamory Legal Advocacy, Organization for Polyamory and Ethical Non-monogamy ou Canadian Polyamory Advocacy Association.
Il me semble qu'en France on s'attache principalement à vulgariser autour de la non-exclusivité, faire de la pédagogie, etc En gros à se visibiliser dans l'espace public. Pour reprendre le parallèle avec les anglosaxon·es, du côté des comptes militants, on retrouve principalement du contenu pédagogique comme Polyamour_euse, tesPoly, Amours plurielles. Côté chercheur·es/journalistes les personnalités comme Françoise Simpère ou Stéphanie Tabois font un petit peu de liaison avec du politique mais ce sont des travaux qui tournent aussi majoritairement autour de l'explication et de la pédagogie sur comment mener des relations non exclusives "saines". Et côté associations, on a esentiellement des structures qui visent à créer des événements et des rencontres au sein de la communauté (comme ce que font les copaines de Polyazard pour ne citer qu'un exemple).
Les initiatives politiques autour de la non-exclusivité qu'on retrouve en France (bien sûr qu'il y en a, à commencer par des exemples présents dans les fils de discussions de cette section) sont davantage des initiatives individuelles que des combats menés collectivement.
Attention, je ne dis absolument pas que le travail de pédagogie n'est pas à poursuivre, mais je pense qu'il est temps que les non-monogames se pensent comme un groupe social porteur d’enjeux politiques.
2) Pourquoi politiser la non-monogamie ?
Mon avis est que notre pratique de la non-exclusivité implique, qu'on le veuille ou non, de déconstruire l'institution du couple monogame traditionnel (ce qui ne veut pas dire le faire disparaître, mais prendre conscience que notre existence même pousse à remettre en cause le fait que ça soit un modèle naturel et neutre).
Si la politisation passe évidemment par la visibilisation de notre existence (et en cela tous les contenus pédagogiques qui existent sont précieux), elle passe aussi par la revendication. Par exemple, la non protection des relations plurielles par la loi et le vide juridique à ce niveau est un problème qu'il importe d'adresser.
Je me permets un parallèle avec d'autres luttes, bien que la question de l'inclusion du polyamour/la non-exclusivité au sein des queers et féministes soit un sujet complexe que je ne vais pas développer ici. Les femmes, les homosexuel·les et l'ensemble du spectre LGBTQIA+ ont, comme les personnes non monogames, souffert (et souffrent encore) de leur invisibilité, de la stigmatisation, d'un cadre légal inadapté, etc. En réponse, au-delà de la vulgarisation et la pédagogie, ces luttes ont porté leurs revendications dans la sphère publique afin de faire valoir leurs droits. À nous de suivre cet exemple.
3) Comment politiser la non-monogamie ?
Je n'ai évidemment pas de solutions toutes prêtes ou un programme politique clé en main. En revanche je pense qu'il existe un certain nombre de pistes concrètes auxquelles on peut réfléchir.
- Comment construire un lien avec le monde queer et féministe ? (se rapprocher du collectif local dans nos villes et du collectif national inter-orga, se visibiliser en ce mois des fiertés, etc)
- Travailler avec des avocats sur la reconnaissance légale des configurations relationnelles non conjugales et plurielles (union, héritage, parentalité, protection sociale, droit du travail, etc)
- Définir un programme de rupture à porter dans le débat public
- Multiplier nos apparitions dans la société
- etc
On pourrait bien sûr développer cette partie à l'infini, mais ce n'est pas le but de ce poste donc je m'arrête ici (peut-être que je créerai un autre sujet dédié plus tard pour en parler tous ensemble)
Après tout ça, mes questions sont donc :
--> Est-ce que vous avez connaissance d'associations/organisations nationales dont l'objectif est de porter les enjeux politiques de la non exclusivité ?
--> Est-ce vous pensez que la non-exclusivité / la non-monogamie justifie un engagement politique ?
--> Est-ce que certain·es sont intéressé·es à l'idée de constituer un groupe (voire à terme une association) ayant pour but de faire progresser les droits et la reconnaissance des relations non monogames ? (contactez moi en PV pour ne pas trop encombrer le fil de discussion)
Merci à toustes et au plaisir d'échanger sur le sujet !
Message modifié par son auteur il y a 3 mois.