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Discussion : Être Polyamoureux·se (en couple) et "Non-Pratiquant·e"

Morelle
le mardi 14 février 2023 à 15h26
Bonjour à tous,
Le sujet me parle énormément. Depuis septembre, je vis une crise émotionnelle et relationnelle liée à mon orientation polyamoureuse.
Je savais depuis longtemps qu'il m'arrivait d'avoir des crushs, de l'attirance pour d'autres personnes. Je le vivais comme du simple "désir" dont on ne doit pas avoir honte et qui est "normal, naturel". J'en sous-estimais l'ampleur.
En 2018, j'ai rencontré quelqu'un sur internet (appelons-le Bob). Jusqu'à octobre dernier, ça a toujours été virtuel. Pour autant, j'en suis tombé amoureuse et il n'a jamais quitté mon esprit depuis lors.
Entre temps, je suis tombée sur un autre homme avec qui j'ai eu un peu plus de 3 ans de relation (appelons-le Pim). Je l'aimais et l'aime encore, notre relation m'apportait stabilité, joie, tendresse. Un amour calme mais tout aussi précieux qu'on souhaite chérir le plus longtemps possible ; une communication globalement bonne, nous parlions d'une envie commune d'ouvrir le couple, j'ai pu aborder le polyamour et même s'il semblait réticent, il n'était pas totalement fermé à l'idée. Nous comptions consolider notre couple et expérimenter progressivement ensemble. J'étais chanceuse et je le savais.
"Eh bien Morelle, si tout est beau dans le meilleur des mondes, que s'est-il passé ?"
Depuis 1 an ou 2, je vis une sorte de "tournant mental". J'ai + de 25 ans, je commence à faire le "bilan" du premier quart de l'existence (je vois large) : qu'est-ce que je veux vraiment faire de ma vie, quels sont mes regrets, qu'est-ce que je souhaite accomplir, etc. Parmi les regrets, le fait de n'avoir jamais déclaré à Bob mes sentiments pour lui (il avait quelqu'un). Cela tourne en boucle, je me disais : "Il est peut-être temps d'en parler, d'enfin clore ce crush pour me dédier totalement à Pim" (je ne m'avouais pas encore que c'était de l'amour).
Je finis par en parler à Pim : je souhaitais recontacter Bob, tout lui avouer puis ne plus lui parler (j'avais déjà évoqué l'existence de Bob mais en le rassurant, ce n'était qu'un crush appartenant au passé... à l'époque, je le croyais vraiment).
Évidemment ça l'a blessé. Après plusieurs discussions, on s'est mis d'accord : tout révéler et s'en retourner à notre vie d'avant. J'ai donc préparé mon message que j'ai envoyé plusieurs jours après, message que je lui ai fait lire et validé. Émotionnellement, j'étais sans dessus-dessous, je faisais les 100 pas, n'osais pas voir la réponse de Bob. Pim commença à prendre conscience de l'étendue de mes sentiments, à beaucoup souffrir et à me demander de vite tout régler.
Il m'aura fallu toute la journée pour, au soir, oser regarder la réponse de Bob. Je l'ai lue devant Pim, dans un parc. La réponse de Bob n'était pas DU TOUT celle à laquelle je m'attendais : très (trop ?) compréhensive, sans rejet clair et raviva en moi... un sentiment étrange où se mêlaient espoir et confusion. Les semaines suivantes, on a beaucoup parlé sans que je puisse mettre le halte-là et sans le cacher à Pim qui a été de plus en plus triste et suppliant. Trop tard, mon amour pour Bob avait repris plus fort que jamais, j'avais envie de le voir. En plus, Bob m'avait confié avoir eu les mêmes sentiments il y a 5 ans. Ce fut là qu'avec Pim, on décida de se séparer.
Sauf que rien n'est simple dans cette histoire : nous avons un appartement ensemble, acheté quelques mois plus tôt. S'est ensuivi une collocation qui dure depuis octobre et ne s'achèvera que ce dimanche (d'où mon message). Au début nous continuions à coucher ensemble, à s'embrasser et j'étais dans un état d'extase car j'étais célibataire mais proche des deux personnes que j'aimais. Pim me disait que ça lui suffisait et je le croyais car ça m'arrangeait. Une lente, très lente agonie s'installait pourtant : où je voyais Pim me détester progressivement, perdre ses sentiments (jusqu'à, dit-il, ne plus en avoir du tout). Notre relation s'est délité jusqu'à n'être plus qu'un mélange changeant de cordialité et d'hostilité. Quant à Bob, il a quitté son ex-copine et nous avons décidé de nous mettre ensemble. Je ne lui ai pas caché aimer encore Pim, être polyamoureuse et être surtout... perdue. On s'est mis ensemble car dans mon esprit je l'aime et notre relation de "flirt" était déjà semblable à celle d'un couple ces dernières semaines. Je ne compte plus le nombre d'erreurs que j'ai commises et qui ont rendu ce "coming-out" plus douloureux et pénalisant que libérateur et épanouissant.
Cependant, je dois me rendre à l'évidence : moralement je décline. La perte de Pim m'est insupportable, je ressasse sans cesse les souvenirs avec lui. Je regrette d'avoir été si égoïste, empressée et égocentrée. Cela m'empêche de vivre pleinement ce début de relation avec Bob (qui lui aussi souffre de la situation et doit gérer les aléas de sa séparation). Et, plus que tout, je me déteste et déteste mon polyamour que je n'arrive pas à accepter. Je déteste mon manque de maturité qui m'a conduit à une impasse où j'ai choisi de laisser faire en espérant que le temps choisirait pour moi. Mais ce n'est pas son rôle et c'était lâche de le penser.
Dans un monde idéal, j'aurais voulu un trouple ou une relation poly avec ces 2 personnes. Elles m'apportent chacune un équilibre, elles ont chacune leur richesse. Dans un monde idéal, j'aurais voulu la facilité. Mais on est pas dans un monde idéal et ma conception de l'amour reste marginale. Dans cette situation, cela n'aurait été sain pour personne : Pim a du ressentiment (à juste titre), Bob se sent comme un intrus et moi je suis paumée.
Plus récemment, j'ai choisi d'abandonner le polyamour. Je recherche surtout une relation mono fusionnelle avec un partenaire étant à la fois meilleur ami et amant. Malgré tout, je ne pourrai jamais réprimer ma capacité à aimer plusieurs personnes. Je ne sais absolument pas comment concilier ce que je suis, ce que je ressens et ce à quoi j'aspire.
Au-delà de ça, ma vie c'est autre chose que l'amour : j'ai d'autres projets, d'autres centres d'intérêt et je me vois mal diviser ce "temps alloué" entre plusieurs personnes. Un peu comme si j'étais un carré qui s'évertuait à être un rond, c'est pitoyable, contre-productif.
Bref, comme vous pouvez le lire, tout est chaotique et m'empêche de prendre du recul. Je m'éparpille beaucoup, me pose beaucoup de questions et n'arrive plus à me tolérer. Je n'arrive plus à percevoir un avenir serein où je saurai vivre avec ce que je suis. Cette partie de moi est comme une malédiction qui m'empêche d'avoir une relation mono stable et épanouissante. Lorsque la déprime laisse place à l'optimisme, j'ai l'espoir de suffisamment travailler sur moi-même pour canaliser mes ressentis et rendre heureux mon partenaire. Parce que tant que je ne saurai pas être en paix avec ce que je suis, tant que je ne me connaîtrai, je serai incapable d'apporter du bonheur à quelqu'un.
Je crois avoir à peu près tout dit, désolée pour le pavé qui s'écarte bien souvent du sujet initial. J'avais besoin de tout déverser quelque part, de préférence dans une safe place avec des gens qui savent - en partie - tout ce qu'on endure en s'écartant des normes.
Je vous souhaite beaucoup de force et de joie.