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Discussion : Jalouse moi aussi... poly de tête et mono de coeur ?

Jasmine
le lundi 13 mai 2013 à 11h25
Bonjour à tous,
J’atterris ici, comme bien d’autres avant moi, dans un sentiment de totale confusion.
Je vis avec C. depuis 12 ans et nous avons un enfant de bientôt deux ans. Après cette naissance difficile dont je vous épargne les détails, j’ai passé deux années très éprouvantes (dépression, difficulté à me sentir mère et femme) et commençais à entrevoir une éclaircie (envie de reprendre en main mon corps, de travailler sur ma perte de libido, j’avais commencé à étoffer ma collection de sex toys ;-) et à essayer de me faire belle pour m’aimer à nouveau/le laisser m’aimer). Mais j’ai senti qu’il avait une relation amoureuse car il a été très maladroit pour la masquer, comme si inconsciemment il désirait que je l’apprenne (il s’est par exemple subitement mis à cacher son téléphone et à l’emporter partout, même pour changer une couche ;-) et il n’évoquait plus du tout cette femme avec qui il travaille quasi quotidiennement). Je l’ai donc interrogé et il a rapidement admis qu’il vivait quelque chose (de pas bien défini, c’est le début) avec elle.
Nous avions déjà évoqué l’éventualité de voir/faire l’amour avec d’autres, et comme il se déplace régulièrement pour son travail qui est très dur physiquement et intellectuellement (il est indépendant donc a beaucoup de responsabilités), j’admettais qu’il ait besoin de « décompresser » et je l’imaginais sans mal passer la nuit avec des rencontres ponctuelles. Mais je devais pressentir que je ne le supporterais pas, car je lui avais demandé de me « préserver », de me « protéger » de ces histoires en faisant en sorte que je n’apprenne rien. Mais je crois que, même si j’ai toujours admis qu’on pouvait aimer plusieurs personnes en même temps, je n’avais jamais osé imaginer que lui puisse tomber amoureux. Alors quand j’ai compris qu’il était amoureux, qu’il était réellement dans cette phase durant laquelle on a sans cesse l’autre à l’esprit, on le désire constamment, on lui dit des mots d’amour, on en est « dingue », je me suis littéralement effondrée, et je n’ai pas compris pourquoi.
Lui imaginait qu’il pouvait vivre ces deux histoires en parallèle sans que cela ait une quelconque répercussion sur notre vie à nous, notre famille ; mais je pense que même si je n’avais pas été au courant, l’homme de ma vie est amoureux, et il est changé à jamais par ce fait. Impossible de cloisonner, c’est illusoire et un peu puéril de le croire, à mon sens. Même sans connaître l’existence de cette femme, j’aurais vécu avec un homme différent. Et puis il avait déjà commencé à faire des choix qui ont des conséquences sur nous : il a très peu de temps à consacrer à sa famille car très pris par son travail, ce dont je lui ai toujours été reconnaissante car il le fait pour nous. Mais, et je le comprends, il a un énorme besoin de passer du temps avec elle et avait prévu de passer le week-end avec elle lorsque je l’ai « démasqué » ; il a réussi à dégager du temps pour elle alors que son fils et moi passons notre vie à l’attendre (et quand il est à la maison il est épuisé). Il a, la semaine dernière, réussi à dégager une journée entière pour la retrouver, alors qu’il se plaint constamment d’être débordé…
Ils ne savent pas du tout où ils vont ; cette femme, appelons-la S., est mariée (couple traditionnel exclusif avec méchant adultère toussa toussa) et d’un point de vue professionnel, sa liaison avec C. pourrit être interprétée comme une faute et la rendre publique serait très dommageable pour elle (milieu d’hommes dans lequel il est déjà difficile de s’imposer comme femme à responsabilités). Il est donc impensable, de son côté, d’assumer cette liaison… jusqu’à quand ?
Lorsqu’il a constaté à quel point j’étais dévastée, C. a émis l’hypothèse de rompre avec S. ; mais je ne peux endosser la responsabilité de le priver de ce qui est bon, de ce qui lui fait du bien et l’épanouit. Je n’ai pas à intervenir dans sa vie privée, et ce n’est pas parce que je leur « imposerais » de ne plus coucher ensemble qu’ils cesseront de s’aimer (d’ailleurs ils travailleront toujours étroitement ensemble, et serait donc une torture pour eux et moi, j’aurais toujours le doute). Et je suis sûre que cela nourrirait du ressentiment chez lui, et qu’il me reprocherait tôt ou tard d’être un obstacle à son bonheur. Je lui ai donc demandé de ne pas la quitter, car je ne veux pas, en plus de subir cette situation, être coupable de quoi que ce soit.
J’ai donc essayé de réfléchir à une façon de vivre cette situation intelligemment. Je l’aime et je souhaite son bonheur, donc défaut de me réjouir pour eux, je devrais être capable d’être un minimum bienveillante. J’avais déjà lu auparavant à propos du polyamour, j’ai lu Françoise Simpère. Quand mon cerveau est en état de marche, j’entrevois une possibilité de vivre cela avec un peu de sérénité. Mais quand mon cerveau est sur off et que mes tripes prennent le dessus, je suis une petite fille terrorisée et terrassée par la douleur. Je l’imagine lui dire les mots qu’il ne me dit plus, je l’imagine emporté par la fébrilité, enivré par le désir et la tendresse qu’il a pour elle, et j’ai le sentiment de ne plus exister pour lui, d’être occultée. Mais, même si intellectuellement le polyamour me semble somme toute naturel, que je sais que ce qu’il lui donne, il ne me le prend pas à moi, je me rends compte que j’ai toujours été mono et exclusive. Je ne me suis jamais autorisée à m’imaginer avec un autre homme, et je crois qu’inconsciemment j’espérais qu’il en soit de même de son côté. Mais à présent il est évident qu’il n’a aucun mal à vivre et se faire du bien sans moi, alors que moi je ne me sens exister qu’à travers lui. Me serais-je oubliée en route ? A quel point suis-je dépendante de lui ?
J’ai une très faible estime de moi, j’ai toujours eu le vague sentiment que je vivais le syndrome Jean-Claude Duss ,-) : il m’avait choisie sur un malentendu et je ne manquerais pas de le décevoir un jour, il s’apercevrait tôt ou tard que je ne suis pas à la hauteur. Je ne m’aime pas et ai du mal à admettre qu’il m’aime, bien qu’il me le répète sans cesse. J’ai du mal à comprendre ma jalousie, ai-je tellement peur d’être abandonnée ? Est-ce que je considère que seul son regard sur moi m’autorise à exister ? Est-ce que je me sens privée d’existence lorsque je sais que sa tête et son cœur sont « mobilisés » par S. ?
Bref, je suis totalement perdue et certainement très confuse ; j’aimerais essayer de surmonter cette jalousie qui est mon problème et pas le sien, mais souvent je crains de ne pas avoir la force (comme je vous l’ai dit, j’ai deux ans de dépression derrière moi et j’étais déjà « à terre » lorsque la bombe a explosé) et je sens que j’ai très peu de ressources à consacrer à ce « combat » contre moi-même.
Je n’arrive pas non plus à identifier cette impression d’être humiliée, d’être celle qui s’occupe de la maison et de l’enfant, qui est toujours disponible, derrière la porte quand il rentre (par exemple je savais qu’il revenait d’une journée avec elle, et je l’ai appelé – j’ai attendu qu’il soit dans le train pour ne pas les déranger- pour que le repas soit prêt à son retour… incorrigible bobonne !), tandis que lui dispose de son temps et de ses femmes. En plus, j’ai le vague sentiment de me « sacrifier », de m’impliquer seule dans cette « ouverture » du couple pour les protéger, et la clandestinité de leur relation me pèse beaucoup. Serait-ce moi la plus avancée dans cette démarche vers le polyamour, ne veulent-ils pas rester dans ce schéma de l’adultère « bourgeois » tandis que je me démène au risque de me brûler les ailes ?
Avez-vous déjà vécu quelque chose de similaire ? Cette foutue douleur, immense, étouffante, qui me colle les pires idées noires dans la tête, finit-elle par s’estomper ? Quand commence-t-on à respirer à nouveau ?
Désolée pour cette tartine certainement indigeste, et merci à l’avance pour vos réponses. J’ai indiqué l’adresse de ce site à C., il est donc susceptible de nous lire ;-)