L’Irruption du réel
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lau93
le jeudi 17 mars 2022 à 21h42
Bonsoir à tous
Je viens témoigner et demander vos lumières sur ce que je vis depuis quelques jours.
Pour mémoire ça fait un an que je déconstruis mes représentations d’exclusivité pour accompagner mon amoureux dans son modèle polyamoureux. J’ai beaucoup avancé avec mon ancienne métamour, et tout ce que j’ai pu comprendre de mes peurs et de mes blessures me faisant éprouver colère ou jalousie dans telle ou tel circonstance. Cette Co partenaire a rompu avec mon amoureux il y quelques semaines tandis qu’une autre relation débutait, cette fois dans la transparence et le consentement. De la même façon qu’avec mon « ex métamour » je suis dans une relation amicale de qualité avec la nouvelle partenaire de mon amoureux. Donc j’ai beaucoup utilisé mes stratégies et compétences développées avec la 1ere, ce qui me permettait jusqu’à présent de vivre plutôt bien les moments de leurs rencontres. Et puis le réel m’a rattrapée. La veille j’étais dans une forme de compersion assez dense et tranquille, je les savais tous les deux et j’étais bien pour eux. Le matin même j’apprenais qu’elle revenait une nuit encore et qu’avant elle ferait une Visio de chez lui, pour éviter de la faire du boulot. Là ça commençait un peu à me titiller car ça ne rentrait plus dans mon imaginaire de leur rencontre romantique, arrivait aussi une sorte de quotidien partagé au-delà de la relation « romantique ». De plus cette Visio me concernait aussi car je devais y intervenir. A l’heure dite, j’ouvre ma session et patatras la voir dans ce bureau où je fais mes propres réunions zoom quand je suis chez lui, m’a complètement bouleversée, d’autant qu’à un moment je l’ai vue intervenir avec une personne hors champs qui était obligatoirement mon amoureux. La voir si détendue tranquille et souriante, m’a projetée dans une sorte de dimension parallèle comme si j’étais effacée, hors de la vie et que je voyais sous mes yeux se dérouler sa vie sans moi et qu’elle me semblait tellement mieux. J’ai eu beaucoup de mal a terminer la réunion et me suis effondrée ensuite, finissant difficilement par accepter de parler au tel avec mon amoureux qui a tenté de me tranquilliser. Mes retrouvailles avec lui le lendemain ont été compliquées, je me sentais loin de lui toujours hantée par les images de la Visio. On a passé 3 jours ensembles chez moi qui m’ont aidée à me rassurer et elle l’a rejoint la 4eme nuit, durant laquelle j’avais retrouvé ma sérénité. Il était prévu que j’aille chez lui le lendemain, je redoutais un peu mais je tentais de souvenir que tout allait bien. Sauf que le réel m’a rattrapée de nouveau par de petits détails qui attestaient de sa présence dans la maison, en particulier une tasse oubliée sur le chevet trouvée au moment de me coucher, que j’ai fini par remettre à la cuisine, n’arrivant pas à l’oublier. J’ai vécu une insomnie assez terrible ensuite, qui a beaucoup chagriné mon compagnon qui n’arrivait pas à comprendre que ça m’atteigne aussi fort. On a parlé le lendemain et la seule façon que j’ai trouvé de me protéger est de demander à mon amoureux qu’on se voit plutôt chez moi, au moins de façon transitoire, pour ne pas être de nouveau confrontée à ces « trigger »/ gâchettes si douloureuses. Je n’ai pas envie non plus que lui (ou elle) soit dans un qui-vive pour me les éviter et me sentir le maillon faible qui prenne la tête des 2 autres. J’ai beaucoup réfléchi pour retrouver ce qui me touchait et en quoi ça me renvoyait en termes de sensation d’effacement. J’ai trouvé des pistes avec mon psy qui m’a lui parlé d’un vécu parfois difficile de l’irruption du réel qui ne pouvait pas être imaginé ou fantasmé. Ce serait un concept de Lacan…C’est un peu ce que j’ai dit a mon amoureux qui ne comprenait pas : j’ai vu que c’était vraiment « en vrai » cette fois, pas seulement de jolie images apprivoisées par mon cerveau.
Je suis un peu perdue car j’ai l’impression d’avoir trouvé le pourquoi de ce vécu mais je me sens démunie pour savoir comment faire face, j’ai l‘impression que c’est au-dessus de mes forces. C’est décourageant car je pensais avoir établi un certain nombre de nouvelles compétences relationnelles et qu’elles ne me sont pas utiles…
Si vous avez vécu et surpassé cela pourriez-vous me donner des idées ? Est-il possible de se désensibiliser aussi de ces gâchettes-là ? ?
Merci d’avance.
Lau
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bonheur
le vendredi 18 mars 2022 à 07h57
Je pense comprendre ton désarroi. Intellectuellement, en tout cas. On ne peut pas effacer toutes les traces derrière soi lorsque l'on passe du temps quelque part. C'est juste impossible. Toi même, lorsque tu pars de chez lui, je suppose qu'il reste des signes de ton passage, de ton vécu.
Je dirais que tu te surestimes et que tu penses vouloir y arriver. Donne toi la possibilité de pouvoir y arriver. Après, toi comme ta métamour, pourriez mettre un décor virtuel, lorsque vous faites des visios depuis chez lui. Chacune le sien et ainsi, vous serez dans un univers différent. Une idée comme une autre. Cela vous permettrait durant ces instants de travail, d'être en milieu de travail, comme des collaboratrices et non comme des métamours.
Je t'envoie plein d'énergie et mon soutien pour aller mieux. Il faut dire que le contexte actuel est anxiogène. Ne pas se laisser submerger et faire attention aux trop plein.
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artichaut
le vendredi 18 mars 2022 à 10h30
Oui il est possible que @bonheur ai raison, que tu te surestimes, que tu te crée (ou que l'on te crée) des injonctions à être parfaite, donc compersive, etc
une phrase m'a marquée :
lau93
La voir si détendue tranquille et souriante, m’a projetée dans une sorte de dimension parallèle comme si j’étais effacée, hors de la vie et que je voyais sous mes yeux se dérouler sa vie sans moi et qu’elle me semblait tellement mieux.
Clairement avec elle, tu es dans un processus de comparaison. Pourquoi ? Ça reste à creuser. J'aurais tendance à dire que l'irruption du réel est un symptôme, une alerte, non la cause.
Il y a sans doute un manque d'attention de leur part (la tasse sur la table de nuit), mais quoiqu'il en soi, il y a tes peurs. Comprendre d'où elles viennent devrait t'aider à y voir +clair.
Il peut y avoir la peur du remplacement. Il semble avoir en effet remplacé très vite son ancienne partenaire par une nouvelle. Est-ce que ça active chez toi des peurs d'être remplacée à ton tour ? Que peux tu/il/elle faire pour te rassurer ?
La peur que le travail que tu fais ne serve à rien ou ne soit pas reconnu à sa juste valeur (tout ce temps passé a sympathiser avec ton ancienne metamour qui s'envole d'un coup). Finalement ta metamour (qui est une forme de relation) a été remplacée, …et ce n'est pas toi qui l'a décidé. Peur de ne pas être maître de ton destin ? Tu as le droit de garder un lien avec elle, même si elle et lui ont rompu.
Peur d'admettre que tu es jalouse ? Peut-être pense tu, que tu ne "devrait" pas l'être, puisque tu as fait tout ce travail avec la précédente… Peur de ne pas être compétente ? Moi je trouve que tu l'es vraiment beaucoup !
etc.
Creuse (encore et toujours) ce qu'il y a derrière tes peurs. Tu en apprendra sur toi même, et peut-être tu trouvera des moyens de dealer avec. Quitte à leur faire des demandes précises, de choses à (ne pas) faire, (ne pas) dire, etc.
Bon courage. Et bonne recherches !
Même si c'est dur à admettre sur le moment, c'est aussi une chance d'être dans ces états émotionnels, en ce que ça nous offre de travail sur soi. Mais à condition qu'en face, tes peurs soient acceptées, considérées, prises en compte. Est-ce le cas ?
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bonheur
le vendredi 18 mars 2022 à 13h51
@artichaut
Je me permets, sauf erreur de ma part, le compagnon de @lau93 n'a pas quitté son ex-amoureuse, c'est l'inverse.
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artichaut
le vendredi 18 mars 2022 à 19h18
Ok
(ça ne change pas grand'chose aux enjeux, à mon sens)
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bonheur
le vendredi 18 mars 2022 à 20h40
Ca change que le compagnon de @lau93 n'est pas un amoureux qui consomme et jette. C'est important, je trouve.
Je suis persuadée qu'aux yeux de @lau93, c'est essentiel de le préciser.
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lau93
le samedi 19 mars 2022 à 09h08
bonjour @bonheur et @artichaut
Merci mille fois pour vos réponses et votre bienveillance. Pour info en effet mon chéri n'a pas quitté pour remplacer. Il a été quitté et a repris une relation un peu en standby dans une même temporalité mais sans que ce soit consécutif et surtout avec le choix de m'associer à la transparence de cette autre relation, la première ayant débuté sans que je le sache puisque j'avais dis (il y a trop longtemps) que " je ne voulais pas savoir".
Bref, merci pour les pistes de réflexion ; j'entends bien le travail poursuivre sur les peurs. Ce qui me mets en difficulté c'est que c'est comme une nouvelle peur que ne n'arrive pas à cerner et à comprendre, celle de disparaitre, d'être effacée, que la vie serait mieux si je n'étais pas là. J'ai compris des éléments de mon enfance qui me renvoient à cela mais c'est comme si je ne trouvais pas les outils pour y faire face.
IL persiste probablement une forme de comparaison, même si je travaille beaucoup dessus et que par exemple j'arrive à ne plus comparer nos âges, nos physiques etc. C'est une fille avec qui je suis depuis longtemps en relation amicale qui s'enrichit depuis qu'on est au courant toutes les deux de notre relation à lui. La comparaison est je crois au niveau de la rapidité d'installation de leur relation dans le temps, comme si moi j’avais mis du temps à me senti chez lui, à m'installer un peu (à sa demande) à oser faire telle ou telle chose qui me fasse sentir à ma place etc. Et qu'elle arrive un peu comme un ouragan et que tout va très vite. Je n'ai pas de rancœur ou de colère ou de sentiments négatif envers elle ou lui, juste le sentiment de ne pas arriver à suivre le rythme. Par exemple j'ai appris ce matin qu'elle voudrait passer une partie du WE avec lui. Je sais que c’est normal et légitime, on en a même parlé toutes les deux, je lui ai dit que j'avais besoin qu'elle sente légitime d'avoir ce type de demande. Mais c’est un peu comme si je n'arrivais plus à reprendre mon souffle entre deux "épreuves" à franchir. Je sens que je suis soulagée à l'idée de ne pas aller chez lui pour le moment et de ne pas devoir me reconfronter à cette peur que je n'arrive pas à circonscrire.
Pour autant ça ne peut pas être pérenne il faut bien que je trouve une solution. J’entends cette interrogation sur l’injonction d’être compersive et « parfaite » : je sais qu’il y a en moi cette attente d’y arriver et de me prouver que je suis capable et il y a en lui le besoin d’être rassuré par mon adhésion et ma tranquillité parce qu’il souffre de me voir souffrir. Et c’est vrai que j’ai l’impression que tout le travail que j’ai fait avec ma précédente métamour (avec laquelle je garde des liens amicaux par ailleurs) n’est pas suffisant pour arriver au « niveau de compétence compersive « que je souhaite.
J’entends qu’il faut que j’accepte aussi de me laisser du temps et le droit de ne pas y arriver tout de suite. Je vais continuer à travailler. Je crois que j’aurais aimé avoir des « recettes » mais je sais aussi que la lumière ne peut éclairer que celui qui porte la lanterne et qu’il faut que je trouve les miennes.
Merci encore de vos réponses.
Bonne journée
Lau
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bonheur
le samedi 19 mars 2022 à 09h40
@lau93. "Parfait" n'est pas un qualificatif désignant l'humain. Alors non, tu n'es pas, je ne suis pas, personne n'est parfait.
La compersion est aussi à apprécier dans la nuance. Entre la 0 compersion et la totale compersion, il y a une graduation. D'ailleurs, tu pourrais, en guise de jeu, de faire une règle à compersion. Toi qui est dans le médical, tu peux te dire "sur une échelle de 0 à 10, comment je sens ma compersion". Aussi, la compersion est un ingrédient de la "recette", mais seulement un.
Tu as fait beaucoup entre ce "je ne veux rien savoir" et ce "je veux savoir". Rappelle toi ! Et puis, ce n'est pas parce que l'on détient une précieuse recette (attention, elle n'existe pas, c'est de l'artisanat, au cas par cas, pas de l'industriel) que l'on réussi à bien la suivre à tous les coups.
Tu sais en cuisine, en boulangerie par exemple, la température ambiante, celle de l'eau... influe. Alors après le choix peut se porter sur du pain standardisé, industriel, où les paramètres sont censés être constant et maitrisé. Ou alors, on se préoccupe d'adapter au cas par cas, prendre l'instant en considération, avec ses paramètres, et jongler, adapter... et rater parfois... et apprendre... voir aboutir à l'inattendu...
Personnellement, ce sont ces inattendus qui m'émerveillent, même si la douleur, la souffrance viennent s'inviter. C'est l'aboutissement qui compte. Après, tu n'es plus dans l'aveugle et l'enfermement. Tu as libéré et c'est wahoo :-D . Tu as accompli en quelques mois ce que nombre de personnes arrivent difficilement en plusieurs années. Mon chéri de vie a admis au dernier café poly avoir mis deux ans (ce que je confirme) à I et D qui l'ont interrogés à ce sujet. Moi, je dirais plus, car il y a eu des moments où ça a coincé. Les acquis dans une situation, ne s'appliquent pas nécessairement dans une autre situation. Il y a de nouveaux déclencheurs. C'est face à cela que tu te confrontes.
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Jack Haddy (invité)
le dimanche 20 mars 2022 à 18h35
Toujours un plaisir de te lire, @lau93, quand bien même j'eus souhaité de meilleures circonstances pour cela.
Si cela peut donner matière à explorer, et parce que j'aime la philosophie de comptoir à 2 francs 6 sous, devenir soi-même une lanterne peut être une alternative viable à en chercher. On en revient, une fois de plus, à soi-même, à ses peurs, à sa confiance à affronter le nouveau et l'inconnu. Et les inconnues, aussi, si j'ose un petit trait d'humour ;-)
Quoi qu'il en soit, je t'exprime par ces mots mon soutien, ma bienveillance et mes sincères encouragements afin que tu trouves la joie dans tes relations.
J.
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lau93
le dimanche 20 mars 2022 à 21h45
Bonsoir
@bonheur merci pour cette métaphore de la recette du pain et pour l’échelle de compersion , ça me parle bien 😊. Pour le moment je me mets à l’abri en restant sur « mon territoire » et dans ma zone de confort, je reprendre des forces avant de reprendre l’ascension de la cote devant moi 😊. JE garde en tête de ne pas vouloir aller trop vite. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la proposition de Romain sur son site Amours libres quand il explique comment vivre les moment d’inconfort en ralentissant pour mieux comprendre de quoi il retourne et les vivre en vrai au lieu de vouloir que ça passe vite en oubliant d’être conscient.
@JackHaddy ça fait plaisir de voir que tu passes toujours par ici : ou en es tu de ton coté de tes explorations de polyland ? Fais tu des progrès en poly 2e langue ? Merci pour tes encouragements, je travaille sur l’appropriation de ma lanterne intérieure 😊
Belle soirée
Lau
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Jack Haddy (invité)
le mardi 22 mars 2022 à 19h30
@lau93
Je vais tenter de ne pas trop te voler ton fil de discussion. Je ne puis cependant ne pas répondre.
Pour faire court rapport à ma situation, j'ai fortuitement retrouvé une ancienne camarade d'école avec qui je vis une relation, en sus de ma relation "historique" avec mon extraordinaire compagne (qui me lit d'ailleurs depuis mon premier message dans ces forums, et que j'embrasse au passage ;-) ).
Je me fais un peu plus rare ici, mon emploi du temps étant à présent fort rempli, pour prendre soin de tout le monde.
Vivre moi-même les relations multiples a été une véritable révélation. Je comprends à présent qu'un cœur peut battre pour plusieurs, et que d'autres métas ne remettent rien en question. Je n'ai aucune crainte de "perdre" ma relation historique, je sais qu'elle tient fortement à moi et me reviendra. J'ai même développé une certaine capacité de compersion pour elle (et pour mon autre relation aussi), arrivant à me projeter dans les joies qu'elles éprouvent lorsqu'elles rencontrent d'autres. Ce qui m'est aujourd'hui possible, car je vis moi-même cette joie de rencontrer, et que je peux donc m'y projeter pour d'autres. Bilan acceptable, après 5 mois. Passons.
Je reste prudent quant à toute attitude de fanfaronnage, ayant un lourd passif de désagréments liés à la jalousie, et sachant que cette dernière, alerte prédatrice des cœurs naïvement ouverts, rôde à l'affût du moindre déficit de confiance en soi; cela ne m'empêche pas aujourd'hui de me sentir complètement bilingue en mono/poly. Bref. Jusqu'ici, tout va (enfin) bien. Je croise les doigts.
Je souhaite que nos routes se croisent, à l'occase :-) (ainsi que d'autres ici que j'affectionne, même par 1001010010 interposés).
À bientôt, ici ou ailleurs...
Jack