La place de l'autre
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bouquetfleuri
le mercredi 12 décembre 2012 à 13h56
Quand un ou une partenaire ouvre une deuxième, troisième ou quatrième relation amoureuse, il ou elle ressent une énergie nouvelle et somme toute, c’est assez facile à vivre. Il y a du bonheur à tous les étages et la vie semble encore plus merveilleuse.
Et il ou elle n’a absolument pas envie que se mette en travers le moindre empêchement, tout simplement parce que c’est trop beau et qu’il serait injuste d’abimer une relation naissante.
Cependant, parfois, sans qu’aucun des deux ne le veuille, la relation se complique…
Un élément qu’on ne prend pas assez en compte est la place de l’autre, non celle qu’il a effectivement, mais celle qu’on lui assigne.
Même quand tous les partenaires s’entendent, se respectent et s’aiment assez pour s’ouvrir à d’autres explorations, il arrive qu’on ne mesure pas totalement la disponibilité de celui ou celle à qui l’on apprend la nouvelle. Parce que tout aguerri soit-il ou elle, un petit pincement peut se faire jour, voire une résurgence de jalousie mal éradiquée et si on n’est pas profondément sûr qu’il est ouvert à cette nouvelle relation, qu’il la veut autant qu'il est possible, parce que cela fait partie du mode de relation choisi, parce qu'il ou elle sait que cette nouvelle relation va enrichir la sienne, on peut facilement lire ce pincement comme un empêchement, un étouffement devenant insupportable, alors qu’il ne s’agit aucunement de cela.
À l’inverse, celui ou celle qui aime voir son ou sa partenaire s’épanouir dans d’autres relations peut aussi l’imaginer s’éloignant, le ou la mettant à une place qu’il ou elle ne veut pas occuper, alors que bien souvent c’est la plus belle des manières de vivifier leur amour. Ils le savent bien.
Alors commence un questionnement infernal qui ne peut pas trouver de réponse, tout simplement parce que les propositions sur lesquelles il s’appuie ne communiquent pas : l’un des deux s’imagine que l’autre ne veut pas de cette nouvelle relation alors que ce n’est pas le cas, bien au contraire, l’autre s’imagine qu’il ou elle s’éloigne, alors que ce n’est pas le cas, bien au contraire. L'effet est pernicieux, parce que l'on peut souffrir de ne pas trouver de réponse satisfaisante à une question qui ne se pose même pas
Et la douleur s’installe, on ne se comprend plus, les dialogues deviennent pesants, la relation se complique obscurément au lieu de se complexifier lumineusement.
Cela peut aller jusqu'à imaginer l’un et l’autre différents de celui et celle qu’on est. On ouvrirait presque la porte au jugement, à l’accusation explicative. La confiance peut s'en trouver ébranlée. Dans la douleur, l'injustice est plus difficile encore à accepter.
Pourtant, il n'y a pas de faute dans ce processus, juste une incompréhension et cela n’a rien à voir avec l’amour que ces deux êtres peuvent se porter.
Comment peut-on s'en sortir ?
Peut-être faut-il se recentrer sur la richesse de son histoire, et regarder le passé non pour fuir l'avenir mais pour mieux le vivre, remettre à l’endroit où ils doivent être, ces amoureux à qui on ne doit jamais assigner une autre place, sous peine de les perdre…
Les savoir profondément capables de vivre d’autres relations amoureuses sans abimer la leur, les savoir profondément capables d’accepter ces autres relations sans dommage. Et ne jamais prendre la place de l'autre avec son propre questionnement.
Existe-t-il une prévention à ce dysfonctionnement ?
Être sûr de l’autre, s’attacher à le regarder comme on le connaît et non comme il peut apparaître fugacement, dans un moment pas forcément simple à vivre, quoi qu’on en dise.
Être sûr de l’autre assez profondément pour ne plus être fragile.
Si ce n’est pas ça, l’amour, qu’est-ce d’autre ?
Message modifié par son auteur il y a 10 ans.
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coquelicot
le mercredi 12 décembre 2012 à 20h29
La place de l autre on ne la trouve que quand on trouvé sa place a soi.!
La liberté de l autre on ne la comprend que quand on a compris la notre!
L amour pour l autre il n est transcendé que par l amour du "nous"
J aimerai savoir ecrire comme toi joli bouquet
J aimerais pouvoir expliquer le nuage sur lequel je suis
J aimerais savoir "partager"
J ai écouté les grands sages j ai redefini mes prioprités
J ai appris a voir "l autre "
En te lisant en vous lisant j ai envie :
envie de VIVRE
tout simplement
et dieux que c est bon comme impression.
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UrbanHymns
le jeudi 13 décembre 2012 à 00h01
Tes propos raisonnent étrangement ...
"Remettre à l'endroit où ils doivent être, ces amoureux à qui on ne doit jamais assigner une autre place sous peine de les perdre..."
N'y aurait-il pas une forme de chantage affectif à l'attention de celui qui n'est pas indépendant affectivement ?
À débattre...
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bouquetfleuri
le jeudi 13 décembre 2012 à 00h40
Cher UrbanHymns,
je parlais justement des dépendants affectivement, les autres, plus ou moins indifférents ne m'intéressent pas.
Les amoureux enrichissent leur dépendance amoureuse d'une disponibilité et d'une ouverture à l'autre qui peut être invisible ou du moins masquée par l'expression d'un sentiment inattendu, une pointe de jalousie, la sensation d'une perte. De la même façon, la dépendance amoureuse de celui ou celle qui explore un autre univers peut-être travestie en indifférence par la combinaison d'une exaltation et d'une absence nouvelles.
Mais c'est bien la lecture biaisée, d'un sentiment d'une part et d'un comportement d'autre part qui produit l'effet dévastateur d'un questionnement sans fin. Ne les enfermons pas dans cette dyslexie amoureuse.
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tentacara
le jeudi 13 décembre 2012 à 00h42
Je ne suis pas très portée sur la philosophie, j'ai une approche très "pratique" des amours multiples.
Il m'est arrivé de ressentir ce que tu décris, à plusieurs reprises, à tous les rôles possibles des polygones amoureux : la maladresse, l'incompréhension, les petites et les grandes douleurs que cela peut provoquer dans un couple stable et harmonieux (ou pas, d'ailleurs). Souvent, la survenue d'un tiers est source d'insécurité, même si on sait se raisonner, même si on a appris à passer le relais à notre éthique, nos engagements, nos principes lorsque nos émotions sont plus vives, moins "pures", moins désintéressées, plus possessives qu'on l'aurait voulu.
J'ai été (je suis toujours) celle qui aime ailleurs et doit rassurer (ré-assurer?) la relation déjà construite, celle qui s'inquiète de voir l'autre s'éloigner au gré d'un nouvel amour, celle pour qui l'on délaisse ou l'on quitte, celle que l'on quitte, enfin, parfois.
Presque toujours, les crises ont trouvé leur solution dans le temps, beaucoup de confiance, la mobilisation des souvenirs de toutes les incidents passés dont on s'est remis, un dialogue incessant, même laborieux, même douloureux, la conscience omniprésente de l'amour que l'on se porte mutuellement, la volonté de rétablir l'équilibre.
Ces crises ont un avantage certain : plus on surmonte de situations délicates ensemble, plus la relation est forte, et surtout, plus on est conscient à la fois de ses propres sentiments et de ceux de l'autre.
Parfois ça ne suffit pas.
Quelques fois j'ai dû utiliser une méthode différente.
Ne pas se voir pendant quelques jours, réfléchir chacun de son côté à ce que l'on désire profondément, se donner rendez-vous pour discuter de nos conclusions, et tous les jours pendant cette période, envoyer un mail à l'autre pour lui dire une chose qu'on aime chez lui (ou elle).
Je garde un souvenir ému des (rares) fois où après ces quelques jours (ou semaines) de distance, on se retrouvait pour parler. Cette émotion tendue, l'hésitation des premiers instants, le soulagement de voir l'amour jaillir des yeux de l'autre, la complicité intacte, le désir renouvelé, et le sentiment puissant, enfin, d'avoir surmonté la difficulté à force de s'aimer.
Je ne suis pas indépendante affectivement. Je ressens des émotions puissantes d'attachement, de manque, de désir, de peur viscérale que "l'amour me quitte". J'ai choisi un modus vivendi amoureux qui correspond à mes convictions en matière de rapports humains et à mon désir de lien social, affectif, sensuel, intellectuel avec les gens que je rencontre. Il arrive que mes émotions entrent en conflit avec mes principes. Je pense que je regretterais que mes émotions soient émoussées par mes idées d'amour multiple. Je suis fière, en revanche, de savoir circonscrire leurs manifestations dans leur action immédiate, mais de ne prendre d'engagement, de décision qu'à la lumière de mes principes.
Il m'arrive de souffrir, mais jamais je n'oublie à quel point je suis heureuse.
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bouquetfleuri
le jeudi 13 décembre 2012 à 09h02
Bonjour Meta,
la philosophie nous sert juste à appréhender la vie, avec toutes ses vicissitudes et des insolubles questions, avec aussi toutes les joies que l'on peut construire.
Je me sens très proche de ta posture amoureuse et fortifie mon approche du bonheur en te lisant. Toutes les joies légitiment les douleurs petites et grandes, passées et à venir quand on ne se trompe pas de chemin et que l'on ne dévie pas de cette idée bienveillante d'ouverture et du partage amoureux. Et je m'inscris entièrement dans beaucoup de tes mots et de tes ressentis.
Merci de nous offrir cette tranche de vie intellectuelle et pratique, si loin de cette indifférence muette dont a parfois besoin cet univers pour fonctionner harmonieusement...
Oui, n'oublions jamais à quel point nous sommes heureux !
Message modifié par son auteur il y a 10 ans.
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Dakhla
le jeudi 13 décembre 2012 à 11h27
J'ai vraiment besoin de réagir à cette notion d'indépendance. Les uns s'en vantent comme un accès suprême à une forme de liberté, les autres la choississent pour éviter de souffrir, certains la font subir aux plus dépendants affectivement, certains en profitent ....Mon vécu, nos discussions...m'amènent à une réflexion et si le polyamour c'était la polydépendance. L'idée d'une vie totalement indépendantes les uns des autres me fait froid dans le dos, je ne peux pas prôner cet individalisme extrême si il n'a pas d'autres valeurs que d'être atteint pour lui même. La polydépendance entraine une forme d'indépendance affective mais n'empêche pas la souffrance, les liens, les émotions, la passion, l'attachement...Le polyamour nous enrichit par les liens et non pas par l'individualisme poussé à l'extrême. Intellectuellement, il faut une forme d'individualisme, de liberté pour l'enisager et le vivre mais ceci est un moyen mais pas un but. Et oui la combinaison est très difficile, il est important d'expliquer à un "non polymaoureux" que nous nous avons aussi une dépendance avec lui, un attachement très fort. De même, le détachement ne doit pas être à mon avis ni une motivation, ni une réaction, je préfère là aussi la notion de polyattachement. A suivre
Message modifié par son auteur il y a 10 ans.
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bouquetfleuri
le jeudi 13 décembre 2012 à 12h00
Je souscris totalement, chère Dakhla.
L'indépendance, à mes yeux du moins, passe forcément par une forme d'indifférence. Il n'y a d'ailleurs pas à charger cette indifférence de valeur négative ou positive, l'envisager comme un outil qui permet de se sentir bien dans des situations contrastées est déjà pas mal.
Je n'arrive pas bien à l'expliquer, mais ce terme de "polyamour" induit cela, je lui préfèrerais un terme qui au lieu de signifier plusieurs amours se contenterait de signifier plus d'amour.
En même temps, on n'a pas besoin de terme enfermant dans une définition quelque chose qui par essence y échappe.
C'est bien le meilleur moyen de respecter le spectre assez joli de toutes les expériences amoureuses, toutes légitimes.
On devrait en parler à notre petit noël...